Coupes, incertitude, colère agitent le monde de l’éducation

VICTORIAVILLE. Si la «colère gronde» du côté des enseignants, que les professionnels se demandent s’ils seront encore là demain, l’incertitude plane aussi du côté de la Commission scolaire des Bois-Francs (CSBF)… qui se demande aussi si elle sera là demain. «Le monde de l’éducation se trouve dans un tournant, dans un virage important», a résumé le directeur général, Daniel Sicotte.

Pendant un peu plus de la première heure et demie de la séance ordinaire du conseil des commissaires et sous la surveillance d’agents de sécurité, des professionnels et des enseignants se sont présentés devant les autorités scolaires pour dénoncer les offres du gouvernement.

Des offres «abusives», «démesurées», a déclaré Denis Bastarache, président du personnel professionnel de l’éducation du Cœur et du Centre-du-Québec.

Une vingtaine de professionnels, la plupart vêtus de noir – «en deuil de conditions acceptables» -, portaient chacun un ballon au nom d’un enfant. Ils les ont remis entre les mains des commissaires.

Près d’une douzaine d’entre eux, psychoéducatrice, orthopédagogue, orthophoniste, animateur de vie spirituelle et d’engagement communautaire, psychologues ont, tour à tour, présenté un petit bout de leur réalité, racontant l’histoire d’un cas.

Chacune des histoires se terminait par la même question, «avons-nous les moyens de couper le sentiment de sécurité du petit Jacob intimidé, de l’accès à la qualification d’Émilie, de faire disparaître les projets «trippants» de Julie et Alexis, d’apaiser le petit Philippe autiste… de couper le fil qui maintient Simon à la vie?

Vice-présidente du Syndicat et psychologue, Louise Côté a dit qu’aux yeux du gouvernement, les professionnels étaient souvent considérés comme du «glaçage sur du gâteau». «Il y en a une fine couche partout, ça fait ben beau, ça paraît bien…». Elle dit que les professionnels seraient plutôt le liant entre l’élève, les parents, les enseignants, les directions et la communauté et qu’ils favorisent la réussite scolaire, sociale, affective et familiale des élèves.

Avec les offres qui ont été déposées, Mme Côté craint que les commissions scolaires aient de plus en plus de mal à recruter et à maintenir des professionnels attirés par de meilleures conditions dans le privé. D’ailleurs, a-t-elle souligné, il y a déjà pénurie de psychologues.

Du côté des enseignants

Accompagnée d’une cinquantaine d’enseignants (qui n’ont pu, tous accéder à la salle du conseil), Nancie Lafond, présidente du Syndicat de l’enseignement des Bois-Francs a, cette fois – elle s’y était présentée le 16 mars – traité du problème de précarité des enseignants, surchargés, maintenant confrontés à des «offres patronales méprisables».

Elle a dit que 46% des enseignants de la CSBF étaient à statut précaire, pourcentage qui frise les 75% du côté de la formation professionnelle et de la formation continue.

Elle a également dénoncé l’augmentation du nombre de classes à plus d’un niveau d’études, ce nombre devant passer de 75 à 96 groupes l’an prochain, ce qui placerait la CSBF au 4e rang des commissions scolaires où il se trouve le plus de classes à multi niveau. Cela n’a rien pour favoriser les conditions d’apprentissage pas plus que les conditions de pratique des profs, a-t-elle souligné.

À l’instar des porte-parole des professionnels, Mme Lafond a demandé aux commissaires s’ils donnaient leur aval aux offres patronales. Elle est convaincue que, instance politique, la CSBF pourrait s’indigner elle aussi et protester contre les années de compressions.

Du côté de la CSBF

La présidente Paulette S. Rancourt a répondu que dans le contexte actuel, «on fait tout ce qu’on peut» et qu’aux yeux de la CSBF, l’aide aux élèves en difficultés avait toute son importance. Elle y consacre près de 4 millions $ de plus que ce que le gouvernement offre comme subvention.

«On ne peut pas faire miroiter de grandes offres, a-t-elle dit, les commissions scolaires étant elles-mêmes dans un étau», faisant allusion à leur possible disparition et au fait qu’à ce moment-ci, elle ne connaît pas l’«ampleur» des compressions que la CSBF devra de nouveau appliquer à son budget. Le contexte est fragile et délicat et la négociation se déroule à un niveau supérieur, a-t-elle souligné.

Mme Rancourt a ajouté que malgré le climat de turbulences et en dépit du sort que le gouvernement lui réserve, la CSBF a toujours maintenu deux priorités, les services aux élèves et le bien-être de son personnel.

Pressé de donner une réponse quant à l’aval que les autorités d’ici ont pu donner aux offres gouvernementales, Daniel Sicotte a répondu qu’il y avait des éléments avec lesquels la CSBF était en accord, et d’autres pas, sans les identifier. Il souhaite que les négociations se poursuivent dans le respect de ce que sont et font les professionnels et enseignants. «Nous avons confiance à un processus raisonnable de négociation», a-t-il dit.

Ces réponses ont paru «rassurantes» aux yeux du président du Syndicat des professionnels.