Cancer de la prostate : dignité retrouvée pour de nombreux hommes

VICTORIAVILLE. Pas moins de 20 hommes souffrant du cancer de la prostate ont retrouvé ou retrouveront une dignité et une vie plus normale grâce à l’acquisition par la Fondation Hôtel-Dieu d’Arthabaska de bandelettes pour incontinence, problème fréquent chez les patients qui ont vécu l’ablation de la prostate, glande qui sécrète des hormones reliées à la fonction sexuelle.

L’achat de ces 20 bandelettes au coût de 3000 $ chacune représente ainsi un investissement de 60 000 $.

«Tout cela a été rendu possible grâce à des dons dédiés au département d’oncologie, certains provenaient aussi de campagnes de souscription en lien avec le Movember et le cancer de la prostate», a souligné la directrice générale de la Fondation HDA, Jacynthe Vallée, tout en faisant remarquer le bien-fondé de la démarche.

«Nous avions une liste d’attente. Le besoin est bien réel. La Fondation peut ainsi faire la différence pour ces hommes. Nous en sommes bien fiers et heureux que cela puisse se faire localement», a-t-elle précisé.

À ce jour, six hommes ont subi l’intervention. Onze autres y auront droit au cours de la prochaine année. Et trois autres bandelettes seront disponibles par la suite. Et une fois la liste d’attente épurée, les intervenants n’entendent pas abandonner

«On s’engage à continuer dans les prochaines années au nombre d’environ deux à trois interventions par année», a fait savoir le Dr Christian Vinette, médecin de famille et directeur des services professionnels et des affaires médicales à l’Hôtel-Dieu d’Arthabaska.

Le médecin a expliqué, en conférence de presse, en quoi consiste l’opération, l’installation de la bandelette sur l’urètre. Une intervention très simple, selon lui. «En incluant la préparation du patient, cela dure une heure et demie. Mais l’installation de la bandelette, elle, prend environ 30 minutes. Et en principe, l’intervention corrige le problème pour toute la vie», a-t-il souligné.

Reste que pour la majorité des patients, la légère incontinence se résorbe en trois mois environ. «Les problèmes sévères ne constituent que de 1% à 5% des cas», a fait savoir le Dr Vinette.

L’intervention, assure-t-il, présente un taux de succès de plus de 90%. «Mais dans tous les cas, il y a 100% d’amélioration», a-t-il noté.

Éloquent témoignage

La maladie a frappé de plein fouet Michel Langlois, un cinéaste de métier et résident d’Irlande près de Saint-Ferdinand.

C’était il y a 10 ans. Il avait 59 ans à ce moment. «Si j’accepte de témoigner, a-t-il confié, c’est un peu au nom des hommes qui ne peuvent ou qui n’osent le faire parce que le cancer de la prostate touche à des zones intimes. Et bien des gens n’aiment pas parler de ces choses-là.»

Si la bandelette assure la réhabilitation physique, il en va autrement de la réhabilitation psychologique. «Ce sera un travail pour le restant de ma vie. Comme n’importe qui subit un cancer, on vit avec le reste de nos jours», a-t-il observé.

Une descente aux enfers

Michel Langlois a reçu comme un coup de poing le diagnostic, d’autant plus que le médecin montréalais qui lui a appris la nouvelle l’a fait sans ménagement. «Sans me regarder, il m’a dit : avec une prostate comme ça, ça m’étonnerait que ça ne soit pas cancéreux. Et quand je lui ai demandé ce à quoi je pouvais m’attendre, il a répondu bêtement : est-ce que je sais moi? Il faudra voir si vous en avez pas dans les os», a relaté le cinéaste.

En état de choc, il a quitté l’hôpital et s’est même perdu dans la Métropole. Des amis ont dû aller à sa rencontre.

Au départ, Michel Langlois pensait qu’il serait tiré d’affaire une fois la prostate enlevée. Mais il lui a fallu six mois avant de se décider, ses proches l’incitant à agir et à ne pas se laisser mourir. «Parce que j’avais lu que je ne banderais plus, que je ne pourrais plus faire l’amour, que je deviendrais impuissant et le sujet de moquerie. Bref, que je ne serais plus un homme. Au bout de six mois, j’ai craqué», a-t-il raconté.

«Le cancer de la prostate, a-t-il ajouté, tue une partie de l’homme, sa virilité, sa masculinité, sa sexualité et sa libido. Le drame n’est pas assez pris en considération.»

Michel Langlois a subi l’ablation de la prostate le 20 avril 2005, puis il a pu reprendre ses activités professionnelles. «Mais le véritable drame a commencé. J’ai dû apprendre à vivre une morne réalité d’état de chapon. Je n’avais plus rien en bas de la ceinture», a-t-il confié.

Un tel état d’impuissance ne constitue pas, a-t-il dit, le meilleur ciment pour un couple gai. Aussi, il a vécu par la suite une rupture avec l’homme avec qui il vivait.

Michel Langlois a alors entrepris le dur apprentissage de la vie sans amoureux, sans sexualité. «Depuis 10 ans, je ne suis jamais retourné au lit avec quelqu’un. Et je n’ai pas l’intention de le refaire non plus», a-t-il soutenu.

Par la suite, le sexagénaire a vécu des épisodes dépressifs en suivant des traitements d’hormonothérapie. Une médication suggérée par la Dre Marguerite Lemieux, urologue à l’Hôtel-Dieu-d’Arthabaska lui a permis de résoudre la situation.

C’est aussi la Dre Lemieux qui a suggéré à Michel Langlois l’intervention de la bandelette.

Auparavant, l’incontinence avait de quoi perturber sa vie. «On a toujours peur de dégager une odeur d’urine et d’avoir le pantalon mouillé. Je n’osais plus sortir de chez moi ou encore avec une montagne de sous-vêtements», a-t-il souligné.

Aujourd’hui, la bandelette, développée pour les hommes depuis environ cinq ans, fait toute la différence. «Depuis, plus rien. J’urine comme tout le monde. Je ne mouille plus mon pantalon. Ça vaut vraiment le coup», a confié celui qui a été un des premiers à en profiter, ici.

Le message qu’il souhaite lancer aux hommes, c’est de ne pas hésiter à consulter. «Je dis aux hommes d’aller voir le médecin dès qu’ils éprouvent des problèmes urinaires ou qu’ils sentent quelque chose. On peut leur sauver la vie, mais aussi on peut sauver leur vie sexuelle. Si j’avais été détecté plus tôt, peut-être que l’opération aurait été moins drastique et on ne m’aurait peut-être pas abîmé à ce point», a-t-il conclu.

Le cancer de la prostate

Forme de cancer la plus répandue chez les hommes au Canada, le cancer de la prostate arrive au troisième rang des causes de décès de ce type.

En 2014, on estime que 23 600 hommes obtiendront un diagnostic de cancer de la prostate, ce qui représente 24% de tous les nouveaux cancers chez l’homme cette année.

La chirurgie, la radiothérapie, la chimiothérapie et l’hormonothérapie constituent les traitements associés à ce cancer.