De la crise au rétablissement

À 12 ans, Marie Gagné fuguait, consommait de l’alcool et des speeds. À 15 ans, elle a eu un enfant dont elle a laissé le soin à sa mère. Dans la vingtaine, vidée bien avant le temps par une vie de consommation et d’itinérance, elle s’est couchée sur une autoroute, appelant la mort. Psychoses toxiques, trouble de la personnalité limite, dépression; elle a connu l’enfer. Pourtant, c’est aujourd’hui avec un sourire épanoui qu’elle se présente comme chargée de projet et formatrice à l’Association québécoise pour la réadaptation psychosociale (AQRP). En santé mentale, le rétablissement est possible.

Sauf que se rétablir, ça s’apprend. Véritable remise en question, le processus peut durer longtemps, devenir en quelque sorte un mode de vie. L’AQRP offre d’ailleurs une formation sur le sujet pour lequel le cahier du participant fait 130 pages.

«Se rétablir, ce n’est pas la guérison. Je ne suis pas responsable d’avoir un trouble de santé mentale, mais je suis responsable d’essayer de m’en sortir, de reprendre le pouvoir d’agir sur ma vie. Chacun doit trouver lui-même sa motivation», résume Mme Gagné.

Formation

Elle donne l’exemple d’une personne qui, à la suite d’un accident, doit se déplacer en fauteuil roulant. Sous le choc, découragée, la personne est d’abord désespérée. Puis l’espoir revient et avec lui, les projets. À la fin, la personne ne remarchera jamais. Mais ça ne l’empêche pas de se dépasser.

Les cinq étapes du processus de rétablissement selon l’AQRP s’apparentent ainsi à celles du deuil. Entre l’impact du trouble mental (choc et déni) et les actions pour changer (responsabilisation et pouvoir d’agir), on passe par la vie limitée (renoncement et désespoir) à la croyance que le changement est possible (espoir et remise en question) et à l’engagement à changer (volonté et courage d’agir).

Une affaire personnelle

Le rétablissement revêt des visages bien différents d’une personne à l’autre. Pour Réjeanne Bouchard, agente de projet pour la formation sur le rétablissement de l’AQRP, le salut a pris la forme d’un retour au travail. Après un burn-out et une dépression majeure qui a duré près de trois ans, elle a passé 20 ans hors du marché de l’emploi.

Son réseau social et sa vie quotidienne ne s’en portaient pas plus mal. Après avoir fréquenté ressources d’aide et groupes d’entraide et être redevenue heureuse dans sa vie de couple, elle comblait ses temps libres avec un grand nombre d’engagements bénévoles. «Pourtant, même si je faisais beaucoup de bénévolat, ça semblait avoir peu de valeur. Quand j’ai recommencé à travailler, j’ai vu la vision des gens changer. Maintenant, j’ai l’impression qu’on me perçoit comme une égale», raconte-t-elle.

Malgré le chemin parcouru, les deux femmes considèrent qu’il reste beaucoup à faire pour parler d’une complète inclusion sociale pour ceux qui ont souffert de trouble mental. Pour Marie Gagné, il importe avant tout de revoir le système de prise en charge. «De quel droit viendrait-on me dire quoi faire dans un contexte où on veut reprendre le pouvoir d’agir sur sa vie?», questionne-t-elle.

Réjeanne Bouchard croit pour sa part que les préjugés restent tenaces et que c’est à ce niveau qu’il faudrait agir. «Nous avons voulu accueillir un enfant via la DPJ [Direction de la protection de la jeunesse]. Notre candidature a été rejetée parce que j’ai déjà eu un diagnostic en santé mentale. Pourquoi se rétablir dans ce contexte? On me brime alors que je suis mieux outillée que bien d’autres à cause de ce que j’ai vécu.»

Le rétablissement c’est quoi?

Il prend plusieurs formes. Certains diront que c’est l’absence de symptômes ou la guérison. D’autres se diront en rétablissement parce qu’ils vivent une vie normale, qu’ils ne sont plus hospitalisés et qu’ils réalisent leurs rêves.

Quelques indicateurs du rétablissement

Accepter son trouble mental

Contrôler ses symptômes

Surmonter la stigmatisation et l’autostigmatisation

Redéfinir sa vie

Devenir un citoyen à part entière

Le congrès de l’AQRP aura lieu du 10 au 12 novembre à Montréal. Ouvert au public, on y retrouvera notamment un volet spiritualité et santé mentale, un volet intégration au travail et des témoignages.