108 kilomètres pour sensibiliser à la plantation d’arbres

Avez-vous planté votre arbre?  De mon côté, j’ai couru les 108 km des deux allers-retours du Sentier des trotteurs en 19 heures, 15 minutes le 23 mai dernier et planté un pommier Honeycrisp derrière chez moi. Je me sens privilégié d’avoir pu vivre cette aventure, pour la première et la dernière fois.

Raynald Besnier, mon beau-père, a pour son dire que la réussite et l’échec se côtoient de près entre le départ et l’arrivée. J’ai été à même d’éprouver cette affirmation régulièrement durant ces 19 heures. La chance était avec moi de plusieurs façons.  D’abord, la température a chuté comme exprès pour ma sortie dimanche, m’évitant la chaleur moite des jours précédents. 27 amis sont venus, à tour de rôle, m’accompagner sur des portions de sentiers malgré l’incertitude de me rejoindre, le parcours exigeant et même la noirceur, une fois la nuit tombée.

Ils m’ont fait traverser une haie d’honneur, ont produit des affiches d’encouragement personnalisées et offert des vêtements, juste comme je commençais à geler! Ma mère, qui réside à deux pas du départ du Sentier, à Trottier, m’a fait bien plaisir en me régalant d’une de ses fameuses tartes au chocolat en guise de souper.  Elle m’a aussi tenté en me proposant de me raccompagner plutôt en voiture, mais j’ai résisté!

Il est certain que l’entraînement et la bonne planification des points de ravitaillements ont été une base importante, mais la synchronicité des événements et le soutien moral que j’ai reçus ont grandement contribué à cette réussite.

Voici les principales difficultés que j’ai rencontrées.  Si j’ai réussi à franchir les deux premiers trajets en 4 heures chacun, tel que prévu, la fatigue m’a fait ralentir le pas pour les deux suivants, ajoutant plus de trois heures et quart d’efforts.  Particulièrement lors de mes derniers «arrêts au puits», je me souviens que je plantais mes bâtons stratégiquement tout près de ma boîte de provisions puisqu’il était vraiment difficile de me relever pour repartir après la moindre pause.

J’avais mal anticipé le froid qui s’accentuerait avec l’heure de plus en plus tardive et j’ai commencé à avoir très froid, la fatigue exacerbant encore cette sensation.  J’ai regretté d’avoir renoncé à ma tuque, quelques kilomètres plus tôt!  J’avais aussi refusé tous les vêtements chauds que ma femme m’avait proposés quand elle est venue à ma rencontre le midi, me croyant alors bien à l’abri d’en avoir besoin.  Lorsque j’ai croisé mon amie France par hasard à 21 h, laissez-moi vous dire que les vêtements qu’elle m’a proposés, je les ai acceptés comme un cadeau du ciel!

Un petit mot à propos de la distance.  Comme la dénivellation du Sentier est importante, le responsable de sa cartographie m’avait préalablement informé qu’il fallait compter un kilomètre de plus sur chaque longueur du parcours total, d’où ma correction à 108 km plutôt que les 104 annoncés.  Eh bien, laissez-moi vous dire qu’ils ont fini par peser lourd dans la balance, ces quatre kilomètres supplémentaires!  Il a commencé à faire nuit noire à 20 h 30, alors que j’avais encore 14 km à franchir dans ce qui m’apparaissait de plus en plus comme une piste d’hébertisme.

Alors fin seul, sans réseau de communication accessible, éreinté et de plus en plus inquiet pour ma sécurité, j’ai pris la décision de sortir du Sentier pour rejoindre le Rang 7, parallèle aux derniers kilomètres : aussi obscur, mais plus plat et bien moins exigeant. Des ampoules sous les deux pieds me faisaient souffrir à chaque pas et je n’avais plus qu’une idée en tête : arriver!  Lorsqu’elle est venue me chercher à 23 h 15, Lucie était plutôt amusée devant mes divagations et mes commentaires délirants à propos du confort d’une voiture ou du bonheur de retirer ses chaussures!

Dans les moments plus pénibles, je repensais à toute la beauté dont j’avais été témoin au cours de cette longue journée : les fougères ondoyantes sous la brise, le feuillage d’un vert tout neuf, les massifs fleuris de claytonies de Caroline qui bordaient mon passage, l’oiseau de proie qui m’intimidait à grands cris et le roucoulement de la cascade cristalline, autant de manifestations printanières abritées par la canopée laurentienne.  Si mon projet a pu vous encourager à planter quelques nouveaux arbres, porteurs de tant de vie, c’est le véritable objectif que j’aurai accompli.

Hubert Guillemette, Victoriaville