Victoriaville, petit marché? Pas tant que ça!

La Ligue de hockey junior majeur du Québec a toujours été scindée en deux classes économiques : les petits et les grands marchés. Victoriaville a évidemment toujours fait partie de la première catégorie.

Encore aujourd’hui, les Tigres se retrouvent en deuxième moitié de peloton lorsqu’on regarde le potentiel économique du marché des Bois-Francs. Parole de l’ancien entraîneur-chef de l’équipe Alain Rajotte, la situation s’est beaucoup améliorée au sein du circuit Courteau. Le fossé des marchés s’est resserré.

«De nos jours, toutes les équipes travaillent sur la base d’un important budget d’opération, peu importe le marché. Les plus gros ont plus d’argent, mais les plus petits misent quand même sur des moyens relativement importants», souligne-t-il.

Rajotte rappelle que lors de son passage avec les Tigres de 1995 à 2000, tous les membres du personnel, lui inclus, devait mettre la main à la pâte pour engranger des revenus. On était loin de miser sur les services de Ray Lalonde, spécialiste en marketing sportif, comme l’a fait la LHJMQ l’été dernier pour diagnostiquer chacune des formations.

«On installait des machines à gomme balloune et des machines à cartes de hockey dans l’aréna pour pouvoir s’acheter de nouveaux uniformes en vue des séries. Pierre Roux (le directeur général de l’époque) et moi remplissions les frigidaires à bière avant les matchs», se rappelle-t-il.

Alain Rajotte a étoffé ses connaissances du volet marketing durant cette période. Il s’est montré créatif afin d’attirer les foules et de vendre plus de bières durant les matchs. «Pierre Roux et moi avions fait une expérience. On se demandait si on vendrait plus de bières s’il y avait quelques combats tôt dans le match. Et il y avait en effet un lien!», lance-t-il en rigolant.

L’ex-entraîneur n’était pas si théâtral par hasard. Il se donnait constamment en spectacle, n’hésitant pas non plus à se livrer à des échanges corsés par l’entremise des médias pour susciter l’intérêt des amateurs. Une grande partie du budget de l’équipe reposait sur les ventes au guichet. De nos jours, les ententes corporatives ont permis aux formations d’accroître considérablement leurs revenus. Le budget des Tigres avoisine désormais 2 millions $, selon l’ex-président Éric Bernier.

«Lorsqu’on voyait qu’on affrontait une équipe deux fois en peu de temps, on préparait le second match. Ça excitait les amateurs. Ça maintenait leur intérêt. On savait qu’agir ainsi attirerait plus de monde même si ça nous mettait énormément de pression sur les épaules de faire ça», a partagé Rajotte.

À l’époque, lorsque les temps étaient particulièrement difficiles, certains directeurs généraux y allaient de mesures draconiennes, voire radicales. On a parfois dilué le shampooing avec de l’eau pour économiser quelques sous. Certains ont collecté les coupons-rabais pour obtenir un escompte sur les Big Mac afin de nourrir les joueurs après un match.

«Ça a beaucoup changé aujourd’hui. Il fallait être follement passionné pour embarquer là-dedans à l’époque. On travaillait avec un VHS pour faire de la vidéo avec les joueurs. C’était interminable. De nos jours, un logiciel permet de découper rapidement les rencontres. En quelques clics, on peut voir l’avantage numérique…», raconte-t-il.

Il va sans dire que les conditions de travail étaient bien différentes à l’époque… les salaires aussi. Au cours de la dernière décennie, les directeurs généraux et entraîneurs-chefs du circuit Courteau ont vu leur chèque de paie exploser. Il n’est plus rare de voir un homme de hockey empocher plus de 100 000 $ en une saison. À l’époque, un entraîneur touchait quelques dizaines de milliers de dollars par an.

«Vers la fin de ma carrière dans la LHJMQ, je commençais à trouver les longs voyages difficiles. J’en parlais souvent avec ma femme, me questionnant si j’étais encore aussi passionné pour vivre ça», commente-t-il.

Les voyages en autocar ne sont pas moins longs aujourd’hui, mais le confort s’est accru énormément. Les équipes logent désormais dans les hôtels plus douillets, mangent mieux et voyagent même en avion lorsque l’enjeu est important.