L’or avec Équipe Canada représente son plus beau souvenir
Alain Rajotte a laissé le souvenir d’un «goon coach» flamboyant dans les Bois-Francs. Jamais les Tigres n’ont été impliqués dans autant d’escarmouches et de combats que durant le règne de cinq années de l’entraîneur. «Dans le temps, c’était permis d’aimer ça! Aujourd’hui, une simple mise en échec crée un émoi», lance-t-il avec humour.
Les frères P.J. et Dean Stock ont été ses meilleurs soldats. «Et il y en a eu bien d’autres. Les Gervais, Low, Pagé et j’en oublie plusieurs…», dit-il. Exigeant envers les siens, Rajotte a toujours considéré ses protégés comme s’ils étaient ses fils. L’esprit de famille régnait au sein de l’équipe. La robustesse était au cœur de l’identité des Tigres.
«Chaque début de saison, on planifiait deux ou trois combats par match durant les dix premiers. On diminuait la cadence par la suite. L’objectif était de faire croire à l’adversaire qu’on allait les détruire. On voulait être craint, que le seul fait de nous affronter intimidait l’adversaire», s’est-il souvenu.
Rajotte n’était toutefois pas qu’un amateur d’escarmouches. Ses qualités d’enseignant du hockey lui ont permis de goûter à la gloire lors du championnat mondial junior en 1995. Le Canada a raflé l’or. Cette formation sera honorée, en décembre prochain à Toronto, lors d’un match du championnat mondial junior. Rajotte sera évidemment de la partie.
«C’est de loin mon plus beau souvenir dans le monde du hockey. Puisqu’il y avait un lock-out dans la Ligue nationale, on avait une équipe de vedettes. On nous appelait le «dream team». Puisqu’il n’y avait pas de hockey à la télé depuis trois mois, on avait battu des cotes d’écoute. Ça a été une expérience mémorable», a-t-il raconté.
C’est Alain Vigneault qui lui a permis de vive cette expérience internationale. «Alain avait vu un reportage à la télé où on me voyait travailler individuellement avec des joueurs durant un entraînement. Il avait aimé ma façon de faire. Ami de Don Hay (entraîneur-chef de l’équipe canadienne junior), il m’avait recommandé», a-t-il dit.
Rajotte avait la responsabilité de l’avantage numérique, notamment. L’équipe canadienne avait maintenu un pourcentage d’efficacité de 49%. «On me demandait la recette. Je répondais que je mettais les 10 meilleurs joueurs sur la glace», lance-t-il en rigolant. Jason Allison, Marty Murray, Bryan McCabe, Éric Dazé, Alexandre Daigle, Jeff Friesen, Ryan Smith, Jeff O’Neil, Wade Redden, Ed Jovanovski et Dan Cloutier, notamment, composaient cette équipe de rêve.
Cette expérience lui a permis de flirter avec les rangs professionnels. Il a notamment eu un entretien avec Réjean Houle, du Canadien de Montréal, pour le poste de directeur de développement des joueurs. Guy Carbonneau avait finalement obtenu l’emploi. Don Hay l’a également rencontré pour le poste d’entraîneur-chef des Flames de Saint John, dans la Ligue américaine de hockey. Il avait aussi été dans les mires des Falcons de Springfield. «Mais ils avaient choisi un certain Mike Babcock. Ils ne s’étaient pas trompés!», dit-il.
«Dans ma petite tête de jeune entraîneur à l’époque, je me disais qu’on était 30 ou 40 à vouloir l’emploi. Plus tard, j’ai appris qu’ils avaient reçu plus de 200 candidatures. Avoir une entrevue était donc un privilège», a expliqué l’ami de l’agent réputé Pat Brisson, parrain de son fils Jason. Rajotte n’a pas ménagé les efforts pour atteindre les rangs professionnels. Il s’est notamment rendu aux États-Unis durant l’été pour parfaire son anglais aux côtés de Mario Lemieux et de Luc Robitaille.
S’il n’a pas connu le succès espéré avec les Tigres, Rajotte dit avoir très peu de regrets. «J’aurais aimé avoir la maturité que j’ai aujourd’hui. À l’époque, je pensais que de sortir de mes bottines et en mettre autant nous donnait un avantage. Je réalise aujourd’hui que ça nous a possiblement coûté quelques matchs. De toujours jouer le pied au tapis faisait en sorte qu’on entrait en séries fatigués et avec plusieurs blessés», souligne-t-il.
Il n’est néanmoins pas peu fier de son passage dans la LHJMQ. Pas moins de 22 joueurs ayant évolué sous ses ordres ont atteint la Ligue nationale. Outre ses cinq saisons à diriger les Tigres, il a piloté les Saguenéens de Chicoutimi pendant trois années. Il a également été entraîneur-chef à Verdun, Laval et Granby.
«Passer plus de trois saisons derrière le banc d’une équipe à l’époque, c’était tout un exploit», lance-t-il. Il fait référence aux congédiements successifs et abondants dans la LHJMQ au cours des années 90. Le séjour d’un pilote ne durait rarement plus de deux saisons. Les têtes roulaient à un rythme effréné.
«La transition lors de mon après carrière a bien été. Je n’ai jamais vécu dans le passé puisque j’ai continué à faire du hockey dans la Ligue nord-américaine, où j’ai notamment remporté une coupe Futura», raconte-t-il.
Il suit toujours le hockey junior de près, analysant les matchs lorsqu’ils sont télédiffusés à MAtv. «Aujourd’hui, le jeu est plus rapide, l’exécution est au rendez-vous et les joueurs sont en meilleure condition physique. Ils sont cependant plus stressés, semblent avoir moins de plaisir à jouer et abandonnent plus rapidement. C’est simplement autre chose. Avec les médias sociaux, notamment, l’esprit de famille au sein d’une équipe semble plus difficile à bâtir», a-t-il commenté.
Rajotte aime encore le jeu robuste et l’éthique de travail irréprochable. C’est pourquoi il apprécie le Drakkar de Baie-Comeau, pratiquant un style de jeu physique, et l’Armada de Blainville-Boisbriand, reconnu pour être une formation infatigable.
«Je ne crois pas que le spectacle est moins bon qu’avant. C’est différent. Il est normal que certaines choses ne soient plus tolérées aujourd’hui. On est chanceux qu’il ne soit pas arrivé quelque chose de grave à l’époque», a-t-il indiqué.
Il salue, notamment, l’encadrement académique accru dans la LHJMQ. Enseignant de formation, il a toujours cru à l’importance de s’accrocher aux bancs d’école. «Je n’hésitais pas, d’ailleurs, à me pointer au Cégep pour m’assurer que les gars étaient bel et bien en classe. Ça comptait pour moi. C’était loin d’être le cas de tous à l’époque. À Hull et Laval, c’était loin d’être une priorité», conclut-il.
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