Les Tigres retireront le 91 d’Alexandre Daigle

Le temple des Tigres sera le théâtre du rituel le plus sacré qui soit dans le monde sportif. L’organisation procèdera au retrait d’un huitième numéro en 30 ans d’histoire, le 17 février, contre les Sea Dogs de Saint John. Le 91 porté par Alexandre Daigle sera sacralisé et ne pourra jamais plus être arboré par un joueur des Félins.

Le conseil d’administration, à la suite d’une réflexion longuement mûrie, a arrêté son choix sur cette bombe sur patins qui a fait accourir les foules comme pas un à travers la Ligue de hockey junior majeur du Québec de 1992 à 1995.

Daigle est sans contredit le Tigre possédant la plus grande notoriété dans l’histoire de l’équipe. Son immense talent et, surtout, son histoire biscornue d’anecdotes, de succès et de déclarations controversées ont défrayé les manchettes à de nombreuses occasions.

Daigle n’a jamais laissé personne indifférent. Supervedette, forte personnalité, spectaculaire comme pas un, il est devenu le seul joueur de l’histoire de la concession à avoir été réclamé au premier rang au total lors du repêchage de la Ligue nationale de hockey, un exploit que seulement huit autres patineurs de la LHJMQ sont parvenus à éditer, et ce, en 48 ans.

Il n’y a pas un amateur de hockey qui ne se souvient pas de cette sélection des Sénateurs d’Ottawa, qui l’avaient préféré à Chris Pronger et Paul Kariya notamment, voyant en lui un outil marketing exceptionnel pour convertir la clientèle francophone à la cause des jeunes Sens.

«Il a été la première mégavedette du circuit depuis Mario Lemieux. Il a eu un impact immédiat au chapitre des assistances dans la LHJMQ. Les gens se déplaçaient pour le voir jouer. La ligue avait besoin d’un joueur comme lui à l’époque», a raconté le journaliste Christian Paquin, affecté à la couverture des Tigres durant une dizaine d’années.

Daigle a été le choix de première ronde des Victoriavillois en 1991. Déjà identifié comme une étoile montante à 15 ans, il s’est joint à une formation plutôt mal en point. Les Félins venaient de traverser une pénible saison de dix victoires. Dès l’âge de 15 ans, alors qu’il défendait les couleurs des Régents de Laval-Laurentides-Lanaudière au niveau midget AAA, on plaçait en lui d’immenses attentes.

«Il a eu une pression énorme sur les épaules en jeune âge. Il savait la gérer, par contre. Il était bien conscient de son statut de joueur d’impact. On parlait de lui comme du futur Guy Lafleur, du joueur d’impact de la décennie», a poursuivi le journaliste.

Dès son arrivée dans les Bois-Francs, Daigle n’a pas tardé à s’imposer. À 16 ans, il a complété la saison avec 110 points, dont 35 buts, en 66 rencontres. L’année suivante, il faisait bouger les cordages 45 fois et se faisait complice de 92 buts, la plupart venant du bâton de son partenaire et ami Claude Savoie, qui a largement profité du talent de son coéquipier pour engraisser sa fiche offensive.

Au terme de cette deuxième campagne, les Sénateurs ont sélectionné Daigle au premier rang. «Il n’a jamais caché publiquement, d’ailleurs, que son objectif était d’être réclamé au premier rang au total», a rappelé Christian Paquin.

En entrevue après être monté sur la scène pour enfiler le chandail des Sénateurs, Daigle avait même lancé «qu’on ne se souvenait jamais des deuxièmes», témoignant de la confiance, frôlant parfois l’arrogance, qui l’avait souvent caractérisé en entrevue.

Daigle a fait le saut dans la Ligue nationale à 18 ans. En 84 matchs, il a inscrit 20 buts et obtenu 31 passes. L’année suivante, le fameux lock-out de 1994 est venu freiner son élan après 47 rencontres. Il a disputé 18 matchs avec les Tigres en début de campagne, inscrivant 34 points, dont 14 buts, avant de rejoindre les Sénateurs après le conflit de travail. À son palmarès, on doit ajouter deux médailles d’or au Championnat mondial junior (1993 et 1995).

«Son stage junior s’est fait en deux étapes. Il y a eu avant le lock-out, où il brûlait la ligue et répondait aux attentes, puis après le lock-out, où il a affiché un rendement moins constant. Statistiquement, il produisait. Il attirait toujours autant les foules, mais son jeu était moins convaincant. Le directeur général des Sénateurs à l’époque Randy Sexton l’avait d’ailleurs dit en entrevue. C’est dommage pour lui, parce que le lock-out a laissé un moins bon souvenir aux amateurs de hockey junior», a poursuivi le journaliste, qui compare le retrait du numéro 91 chez les Tigres avec l’intronisation d’Éric Lindros au Temple de la renommée du hockey, plus tôt cette semaine.

Dans la LNH, Daigle a disputé 616 matchs avec six équipes différentes. Il a totalisé 327 points, dont 129 buts. Il a complété sa carrière de hockeyeur dans la Ligue élite suisse, principalement à Davos, avant de retraiter du sport national et de se lancer en affaires en sol montréalais dans le domaine de l’immobilier.

Daigle, même si sa carrière professionnelle ne s’est pas déroulée comme prévu, aura laissé sa marque dans le monde de hockey. Son lucratif contrat avec les Sénateurs d’Ottawa (12 millions $ pour cinq ans à 18 ans) a mené les autorités de la LNH à mieux encadrer la législation du circuit en matière de boni à la signature et de contrat d’entrée. Dans la LHJMQ, Daigle a pavé la voie, entre autres, aux Vincent Lecavalier et Sidney Crosby en ce qui a trait à l’encadrement des joueurs. «Le passage de Daigle avec les Tigres a possiblement servi à préparer la LHJMQ en matière d’encadrement des joueurs vedettes comme Lecavalier et Crosby. À l’époque, les demandes d’entrevue pour Alexandre Daigle fusaient de toute part. Personne n’y était préparé», rappelle le journaliste Christian Paquin, qui précise que même les revues à potins s’intéressaient à la vedette des Tigres.

Daigle verra son numéro 91 être immortalisé avec ses proches. Son entourage a toujours été très présent tout au long de sa carrière.