«La décision la plus difficile de ma vie»

VICTORIAVILLE. On pourrait croire à un épisode de Lance et compte, mais ce n’est pas de la fiction. Aussi farfelu que cela puisse paraître, les Tigres annonceront prochainement la nomination d’un troisième directeur général en six mois. Ce qui était jadis le fer de lance de l’ex-président Éric Bernier, la stabilité, semble désormais être chose du passé.

Le nouveau président de l’organisation, Johnny Izzi, a une fois de plus vécu un week-end rocambolesque lorsque Yanick Jean lui a annoncé qu’il quittait le navire au profit des Saguenéens de Chicoutimi. Jean, quelques mois plus tôt, venait d’être embauché à titre de directeur général des félins, en remplacement de Jérôme Mésonéro, qui l’avait lui-même congédié de son poste d’entraîneur-chef quelques semaines auparavant.

M. Izzi a appris la défection de Jean vendredi soir, vers 17 h. Il avait, plus tôt durant la semaine, donné l’autorisation aux Saguenéens de Chicoutimi de discuter avec Jean. Une clause dans son contrat – il écoulait la première année d’une entente de trois ans – stipulait qu’il pouvait quitter les Tigres pour une autre formation du circuit Courteau à condition que ce soit pour la double fonction de directeur général et d’entraîneur-chef.

L’état-major des Saguenéens avait prévu faire l’annonce de cette nomination lundi, laissant ainsi leur pilote Patrice Bosch diriger les deux rencontres prévues le week-end avant de se faire remercier. Or, la nouvelle a coulé dans les médias vendredi, en soirée. En deuxième période du match opposant les Sags à l’Océanic au Colisée de Rimouski, le Réseau des sports a diffusé la nouvelle. Elle s’est propagée telle une traînée de poudre sur les médias sociaux.

Le coordonnateur des communications des Tigres, Pierre-Olivier Gingras, mis au parfum de cette fuite, s’est alors dirigé vers la table de M. Izzi, assistant à la Fête des fêtes au Colisée Desjardins, pour l’en informer. Le président de l’organisation a aussitôt interrompu ses festivités, choqué et déçu de la tournure des événements. Pressés par la twittosphère, les Tigres ont alors envoyé un court communiqué pour confirmer la nouvelle.

Les Saguenéens, également bousculés dans leur plan, ont finalement présenté Jean en conférence de presse samedi. Le directeur des opérations hockey des Sags, Laval Ménard, et le gouverneur Phil Desgagnés se sont indignés de la façon dont l’information avait coulé, insistant pour dire que la fuite ne provenait pas de leur organisation.

Yanick Jean, de son côté, s’est montré véhément lorsqu’interrogé à propos de cette fuite. Chez les Tigres, il était le seul avec le président Izzi à être au courant de ces tractations. «Je ne peux pas croire que ce genre de chose arrive. J’ai beaucoup trop de respect pour les gens du milieu pour faire ça. C’est inconcevable d’apprendre cette nouvelle au cours d’un match. Les Saguenéens m’ont appelé à 1 h 30 du matin samedi pour me dire qu’il fallait que je sois à Chicoutimi en matinée à cause de cette fuite. Disons que ce n’était pas le scénario envisagé», a-t-il expliqué.

Quant à sa décision de quitter les Tigres quelques mois seulement après avoir accepté l’étonnante proposition de l’équipe pour le poste de directeur général, Jean confit qu’il a dû prendre une décision déchirante. «Ça a été la décision la plus difficile de ma vie, dans sur le plan personnel que professionnel. Je viens du Saguenay, j’ai joué pour les Sags. J’y ai gagné et j’ai même été entraîneur avec cette équipe. D’un autre côté, ma famille et moi étions bien implantés à Victo. On y était depuis plusieurs années et l’organisation des Tigres m’a beaucoup donné», a-t-il dit.

Yanick Jean est conscient qu’il quitte les Tigres à un moment délicat. La période des transactions s’ouvrira dans un peu plus de deux semaines. Il s’agira d’un moment clé dans la reconstruction de l’équipe. «Mais nous avons toujours travaillé en équipe. Tout le monde dans l’organisation participait aux décisions. M. Izzi nous a donné une orientation que nous suivions. Nous travaillions en étroite collaboration, que ce soit avec Daniel Fréchette (qui agissait à la fois à titre d’entraîneur des gardiens de but et adjoint au directeur général), Bruce Richardson et les entraîneurs adjoints. Après tout, le hockey est un sport d’équipe. C’est ce qu’on enseigne aux jeunes», a souligné Jean.

Déjà, quelques transactions ont été conclues par les Tigres. Elles seront confirmées à l’ouverture de la période des échanges. «Ce sera à mon successeur de choisir s’il souhaite ou non poursuivre dans cette direction. Une grosse partie du travail a déjà été fait en prévision de la période des transactions. L’équipe n’est donc pas dans l’eau chaude. Tous ont participé à ce processus», a-t-il affirmé.

D’un autre côté, Jean se réjouit de se joindre aux Sags à ce moment-ci de la campagne. Il pourra faire les changements souhaités afin de miser sur une équipe à son image. «Évidemment que le timing est bon. Ça n’aurait pas été idéal d’arriver deux jours avant la fin de la période des transactions», a-t-il poursuivi.

Quant à l’avenir des Tigres, Jean estime que l’organisation, qui a amorcé un cycle de reconstruction l’été dernier, se dirige dans la bonne direction. «J’en suis convaincu. Tant sur la glace qu’au sein du personnel hockey et administratif, les bases de l’équipe sont de plus en plus solides. Les gens ont à cœur le succès de l’organisation», a-t-il enchaîné.

Sans s’avancer sur un successeur potentiel, il souligne que quelques membres du personnel hockey à l’emploi de l’organisation seraient en mesure de lui succéder si telle était la volonté du président des félins. Daniel Fréchette s’avère l’un de ces candidats. Avec l’équipe depuis dix ans à titre d’entraîneur des gardiens de but, il a pris du galon au cours de l’été, devenant l’adjoint de Jean à la direction générale. Il a épié, entre autres, les joueurs du circuit au cours des derniers mois. Il partage présentement son temps entre le Québec et l’Allemagne, où il a été embauché à temps partiel par les Panthers d’Ausbourg, dans la première ligue. Le nom de Bruce Richardson a également été avancé.

Yanick Jean a fait savoir que sa conjointe, Annabelle Guay, commissaire industrielle de la Corporation économique de Victoriaville et sa région, et ses enfants demeuraient à Victoriaville même s’il a accepté le défi des Saguenéens. «Disons que ça chamboule les plans de tout le monde. On verra pour la suite des choses», a-t-il laissé entendre. Jean sautera sur la glace du Centre Georges-Vézina pour la première fois mardi après-midi à l’occasion d’une séance d’entraînement. Son premier match à la barre de l’équipe aura lieu jeudi (4 décembre), alors que sa troupe accueillera le Drakkar de Baie-Comeau.