Les succès des Phillies de Philadelphie prennent en partie racine à… St-Bruno

MONTRÉAL — Depuis le début d’octobre, toute l’organisation des Phillies des Philadelphie ressent une grande fierté. Une fierté qui est ressentie jusqu’à Saint-Bruno.

«Ça se peut qu’on ne se rende pas en Série mondiale, mais quelle ‘ride’!», a laissé tomber le Québécois Alex Agostino, superviseur régional pour les Phillies depuis maintenant 17 ans, lorsque joint par La Presse Canadienne plus tôt cette semaine.

Les Phillies ont été la troisième et dernière équipe repêchée pour les séries éliminatoires de la Ligue nationale avec une fiche de 87-75. Coup sur coup, ils ont surpris Cardinals de St. Louis et les Braves d’Atlanta lors des deux premiers tours, avant d’aller chercher une grosse victoire mardi à San Diego, en lever de rideau de la série de championnat. Cette série se déplace maintenant vers Philadelphie pour les matchs nos 3, 4 et 5, avec les deux équipes à égalité avec une victoire de chaque côté.

«C’est pour cette raison-là que tu travailles, pour gagner une Série mondiale. Que tu sois un joueur, un ‘coach’, un dirigeant, un dépisteur, un ‘coach’ des ligues mineures, poursuit-il. Évidemment, on aime tous le baseball, on aime le travail qu’on fait, qui nous permet de mettre de la bouffe sur notre table, mais y a rien qui ne bat gagner dans la meilleure ligue au monde.»

Agostino roule sa bosse dans le baseball majeur depuis plus de 25 ans. D’abord avec les Expos de Montréal, il a suivi une partie de la direction quand Jeffrey Loria s’est porté acquéreur des Marlins de la Floride. Il a gagné une Série mondiale avec les Marlins, en 2003, mais l’ambiance n’était pas la même.

«À Philadelphie, on sent qu’on fait partie d’une grande famille et ça part de notre propriétaire, John Middleton. Je peux te garantir que dans les bureaux à Philadelphie, tout le monde se sent euphorique, tout le monde sent qu’il fait partie de l’équipe.

«Tous les directeurs de départements sont allés à San Diego et on a eu un message personnel (du vice-président aux opérations baseball) David Dombrowski que tout le monde était invité pour les trois matchs à Philadelphie.»

Agostino devra toutefois rater cette invitation, puisque sa fille se marie ce week-end. Mais n’espérez pas le croiser autour de Montréal si les Phillies atteignent la Série mondiale.

«David nous a invités pour les matchs de la Série mondiale et à tous les partys d’équipe.»

Loin d’être exceptionnel, ce traitement représente bien ce que c’est que de travailler pour les Phillies.

«Je suis tellement heureux pour ce propriétaire-là, parce que je sais quelle sorte de personne il est, de quelle façon j’ai été traité depuis 17 ans, souligne Agostino, dont le contrat vient d’être prolongé de deux autres années. Je sais comment il traite les familles, les gens qui travaillent dans les bureaux à Philadelphie.

«Là-bas, personne ne s’en va. Tout le monde veut travailler là pendant 30 ans, ça veut dire quelque chose. Et ça, pour moi, c’est important que quelqu’un qui vient de ce coin-là, qu’il ait un job dans la vente de billets ou dans le marketing ou n’importe quoi, qu’il veuille rester là. Ces gens-là ‘trippent’ comme si c’étaient eux qui jouaient. Moi, ça me soulève. Ça me donne des frissons.»

Mais l’inverse est aussi vrai: la haute direction apprécie énormément les travailleurs de l’ombre de l’organisation.

«Avant le dernier repêchage, M. Middleton nous a adressé la parole et il était très émotif. Il nous a tous remerciés, car il estimait que les succès de l’organisation commençaient avec nous, avec le travail que nous avions accompli pour permettre aux Phillies d’engranger de jeunes espoirs.»

Des 26 joueurs inclus au sein de la formation des Phillies pour cette série de championnat, neuf sont des choix de premiers tours: Alec Bohm, Nick Castellanos, Zach Eflin, Bryce Harper, Aaron Nola, Kyle Schwarber, Bryson Stott, Noah Syndergaard et Zack Wheeler. Évidemment, tous n’ont pas été sélectionnés par les Phillies: des gars comme Harper et Schwarber ont été acquis sur le marché des joueurs autonomes, d’autres, comme Syndergaard, l’ont été à la suite de transactions.

C’est à ce moment que des gens comme Agostino contribuent aux succès de l’équipe.

Trouver des perles

Agostino est superviseur régional pour tout le nord-est des États-Unis et du Canada, du «Mid-Atlantic», qui comprend notamment la Pennsylvanie, le New Jersey et l’État de New York, ainsi que la Caroline du Nord, la Virginie et la Virginie occidentale.

En anglais, on définit son travail comme un «cross-checker»: il vérifie le boulot des trois dépisteurs sous ses ordres.

«Les gars qui vont sortir au premier tour, on les connaît tous et on les a tous au sommet de nos listes. C’est comme ça pour les quatre ou cinq premiers tours, explique-t-il. C’est après que notre travail est mis en valeur.»

Les dépisteurs d’Agostino ont pour mission de dénicher les perles qui passent sous le radar des autres dans leur région respective. Leurs noms sont alors soumis à Agostino, qui fait le déplacement pour aller confirmer ou non l’intérêt des Phillies. D’où le «cross-checking». C’est ensuite à Agostino de «vendre» ces espoirs au dépisteur-chef et à Dombrowski.

Le receveur Logan O’Hoppe et le lanceur droitier Ben Brown sont deux de ces projets d’Agostino et son équipe. O’Hoppe a été repêché en 23e ronde en 2018. Brown, dont la rapide atteint les 98 m/h, a été un choix de 33e tour un an plus tôt. Les deux frappent à la porte des Majeures — O’Hoppe a même disputé ses premiers matchs cette saison. Mais ils ne font plus partie de l’organisation.

O’Hoppe, alors plus bel espoir parmi les joueurs de position de l’organisation des Phillies, a servi de monnaie d’échange pour obtenir le voltigeur de centre Brandon Marsh — un choix de deuxième tour — des Angels de Los Angeles à la date limite des transactions. Marsh est le voltigeur de centre partant des Phillies depuis.

Brown était le prix à payer pour soutirer le releveur David Robertson, un joueur d’expérience qui a déjà gagné en séries, aux Cubs de Chicago. Deux échanges un contre un pour des joueurs de premier plan dans les Majeures.

«Avant que David (Dombrowski) n’effectue les transactions, Brian Barber (directeur du dépistage) m’a appelé pour me dire qu’il allait échanger deux espoirs que j’avais dénichés. Il n’était pas obligé de faire ça: il n’était même pas en poste quand on les a repêchés! Mais qu’il prenne la peine de m’appeler pour me dire qu’on était meilleurs maintenant grâce au travail que j’avais fait, ça m’a touché. Même Baseball America m’a lancé des fleurs sur Twitter en soulignant que ces deux gars étaient mes trouvailles.

«Logan, c’était ce qui était le mieux pour sa carrière: on a J.T. Realmuto devant lui pour encore quelques années. Là, il va aller jouer avec (Shohei) Ohtani et Mike Trout. Ses parents m’ont appelé pour me remercier de l’opportunité que j’avais donnée à leur fils, mais je donne le mérite à notre système de développement: j’ai vu du talent brut, du cœur. Eux, ils les ont menés jusqu’aux Majeures.»

Agostino ne veut absolument pas qu’on lui attribue les succès des Phillies. Espérons qu’il ne nous en voudra pas d’écrire qu’il y a un peu de flair québécois derrière ceux-ci.