Plus de bruit à Victo qu’à Montréal!

De retour depuis 2 ans dans un quartier résidentiel de Victoriaville après 45 ans à l’extérieur, j’étais loin de me douter qu’il y aurait souvent plus de bruit pendant le jour et le soir sur ma terrasse à l’arrière de la maison que dans le quartier de Pointe-Saint-Charles à Montréal, pas particulièrement calme et silencieux de jour comme de nuit, où j’habitais avant de déménager ici. 

À toute heure du jour ou du soir, 7 jours sur 7, c’est le concert incessant des tondeuses à gazon, coupe-bordures, souffleuses à feuilles, déchiqueteuses, scies à chaînes, taille-haies, scies circulaires, perceuses, sableuses, thermopompes, climatiseurs, filtreurs à piscine et autres machineries d’entretien extérieur, de rénovation et de climatisation qui se superposent et se succèdent, laissant vraiment peu de place pour la jouissance tranquille d’une terrasse et d’aménagements extérieurs. 

Il y a toujours un voisin qui a de l’entretien ou des travaux à faire, et c’est vrai, les terrains sont grands, alors ça peut être long. Lire un livre en toute quiétude sur la terrasse un bel après-midi d’été? Oublie ça! Prendre un repas en famille ou entre amis le samedi soir ou le dimanche midi? Souvent impossible. Et c’est sans compter les fois où il faut fermer toutes les fenêtres et les portes-fenêtres pour avoir du calme à l’intérieur.

Faut-il que la Ville réglemente de façon beaucoup plus restrictive l’utilisation de la machinerie d’entretien extérieur, de rénovation et de climatisation? La réglementation de la Ville de Victoriaville est parmi les plus permissives des municipalités au Québec. Tout est permis de 7 h à 22 h, 7 jours sur 7, pourvu qu’il s’agisse de travaux d’entretien domestiques, ce qui veut dire à peu près n’importe quoi! Il y a bien un règlement qui interdit le bruit au-delà de 60 db… à l’exception des travaux d’entretien domestiques!

Une recherche rapide m’a permis de constater qu’il y a de plus en plus de municipalités qui ont adopté ces dernières années des règlements plus restrictifs spécifiquement sur l’utilisation de machinerie d’entretien extérieur et de rénovation pour assurer la quiétude et la tranquillité des voisinages en milieu urbain. Typiquement, les horaires permis sont différents la semaine et la fin de semaine, pour épargner notamment l’heure des repas, mais les plus audacieux vont jusqu’à interdire carrément l’entretien extérieur et les travaux qui font du bruit le dimanche et les jours de congé et même prescrire des journées spécifiques pour ce faire.

Le bruit, un enjeu de santé publique de plus en plus préoccupant dans les villes

Selon l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), « la recension de la documentation scientifique montre que le bruit est un enjeu de santé publique qui peut avoir de multiples conséquences, tant physiques que psychosociales. (…) Pour l’année 2013, les coûts sociétaux des effets du bruit environnemental s’élèveraient à près de 680 M$ par année au Québec, selon une évaluation conservatrice ».

Même si les études scientifiques portent surtout sur l’impact des bruits routiers en milieu urbain (bruits d’ambiance continus), il n’y a aucun doute que le cumul et la superposition de bruits générés par les divers équipements d’entretien extérieur, de rénovation, de climatisation et de piscine finissent par avoir des effets aussi préoccupants sur la santé et, surtout, ils en auront de plus en plus si rien n’est fait pour modérer nos ardeurs.

L’impact sur l’environnement et la biodiversité

En plus du bruit, l’entretien de terrains presque entièrement gazonnés a un impact non négligeable sur la biodiversité et l’environnement du fait de l’utilisation d’engrais, de pesticides et d’herbicides chimiques ainsi que d’équipements motorisés à essence.

Par exemple, on estime qu’aux États-Unis, plus de 64 millions de litres d’essence sont utilisés pour l’entretien des terrains, ce qui représente plusieurs milliers de tonnes de gaz à effet de serre rejetés dans l’atmosphère, pratiquement sans aucune forme de contrôle (il n’y a pas de catalyseur sur les moteurs d’équipements d’entretien extérieur). Rien ne permet de croire que toutes proportions gardées, la situation soit différente ici. 

Pour un code de conduite volontaire de bonnes pratiques en matière d’entretien paysager

La solution passe-t-elle nécessairement par la réglementation? Bien sûr que non! La réglementation donne des outils pour intervenir dans les cas les plus extrêmes. Mais personne ne tient à dénoncer ses voisins pour les nuisances occasionnelles dont ils peuvent être responsables. Ça peut être une recette gagnante pour des relations de voisinage exécrables. D’ailleurs, il ne s’agit pas vraiment d’un problème individuel, mais d’un problème plus général. Si on vivait tous chacun sur notre île, il n’y en aurait pas de problème. Chacun endurerait les désagréments des bruits qu’il génère une fois par semaine ou aux deux semaines et ça serait pas si pire. Mais voilà, nous vivons en société, même s’il y en a qui ont tendance à l’oublier. Sans compter tous ceux qui font faire leur entretien par une compagnie et qui souvent ne sont pas là quand ça se passe.

Non, on parle d’un problème collectif, d’un problème de société. On parle du cumul et de la superposition de pratiques qui dans leur ensemble sont nuisibles à la quiétude, à la santé publique et à l’environnement. 

Un code de conduite volontaire adopté par le voisinage serait beaucoup plus efficace si on se donne la peine d’informer et de sensibiliser les gens. Et il faudrait qu’il s’applique autant aux particuliers qu’aux entreprises commerciales qui font de l’entretien paysager.

Pour le bruit, outre les horaires, on pourrait penser à la fréquence des entretiens, au type de machinerie utilisée, aux mesures d’atténuation qui pourraient être appliquées, etc. Par exemple, aujourd’hui, on fait fonctionner des camions et des autobus avec des batteries. On sait qu’il y a aussi des tondeuses et d’autres machineries d’entretien paysager qui fonctionnent à batteries. Est-ce que ça coûte plus cher? Peut-être. Peut-être aussi que la Ville peut aider (elle aide déjà les particuliers qui achètent une tondeuse électrique).

Pour les entreprises commerciales, avec l’amélioration des batteries qui progressent d’année en année et le prix de l’essence et les coûts d’entretien de la machinerie qui augmentent, le jour n’est pas très loin où à long terme l’utilisation de machinerie électrique va être plus rentable économiquement et beaucoup plus rentable pour l’environnement. Peut-être que la Ville pourrait exiger des entreprises commerciales, avec une période de transition et une forme d’aide quelconque, qu’elles achètent de l’équipement électrique quand vient le temps de remplacer leur équipement à essence. Pour l’environnement, il y a des façons de faire qui peuvent avoir un impact très positif pourvu qu’on se donne la peine de réfléchir à ce qui est vraiment nécessaire pour avoir un beau terrain, tout en préservant l’environnement et la biodiversité qui nous entourent. De plus en plus de villes et de particuliers adoptent des pratiques responsables à cet égard.(Voir https://en.m.wikipedia.org/wiki/Organic_lawn_management#Locations_with_organic_lawns (en anglais).

À l’heure des changements climatiques, il faut être de plus en plus sensible à nos comportements qui affectent l’environnement dans lequel on vit, mais qui affectent aussi nos voisins. Comme ça a été le cas pour le recyclage et la collecte des déchets dans les années 80′, Victoriaville a encore une occasion de se démarquer en tant que leader du développement durable et de la santé urbaine. Pourquoi ne pas saisir la balle au bond?

Pierre Morrissette

Victoriaville