Acceptabilité sociale et éolien industriel en milieu habité et cultivable

Lettre à Michael Sabia, président-directeur d’Hydro-Québec (HQ) :

M. Sabia,
Thierry Vandal, ex-PDG d‘Hydro-Québec, a dénoncé les décrets gouvernementaux qui obligeaient HQ à acheter, au privé et à un coût prohibitif, de l’énergie éolienne dont elle n’avait pas besoin.

Eric Martel, ex-PDG d’Hydro-Québec, a dénoncé le projet Apuiat sur la Côte-Nord comme étant inutile et allant générer des pertes de 200 millions $ sur une période de 20 ans. La CAQ, alors dans l’opposition, abonde dans le même sens mais une fois au pouvoir cède devant le puissant lobby éolien et autorise le projet.

Sophie Brochu, ex-PDG d’Hydro-Québec, a dénoncé le Dollarama de l’énergie et la création d’une pénurie artificielle d’énergie électrique bradée à vil prix à des firmes étrangères énergivores au détriment des entreprises québécoises.

Avec pour résultat que l’aventure éolienne encouragée par nos gouvernements successifs a assujetti notre société mère aux aléas de politiciens non experts n’agissant pas dans l’intérêt public. Une aventure chaotique qui, depuis le deuxième appel d’offres de 2000 MW en 2008, aura généré des pertes de plus de 9 milliards $ (incluant le cadeau de 2.7 milliards $ aux promoteurs privés pour le câblage, les sous-stations et les pylônes) et une projection de 25 milliards $ de pertes à terme en 2042.

À cela s’ajoutent les projets éoliens de gré à gré, de la Seigneurie de Beaupré et des 4-5-6 ièmes appels d’offres, tous déficitaires, dont la dernière retenue au printemps 2024 de contrats pour un approvisionnement de 1550 MW d’énergie éolienne qui générera des pertes d’au moins 150 millions $/année.

Mais il y a pire. Outre les surcoûts liés à la filière éolienne, la majorité des projets en milieu habité rencontrent une forte opposition créant dans les communautés une division sociale qui impacte sévèrement voisins, familles, amis, commerces, organismes, élus, agriculteurs; tous s’affrontent dans un climat anxiogène et délétère. D’un milieu rural paisible les riverains qui se sont fait enfoncer dans la gorge un projet dont ils ne voulaient pas se retrouvent soudainement en zone industrielle, meurtris et désabusés; ils ont perdu leur cadre de vie, leur quiétude, une partie de leur patrimoine familial, des liens sociaux indispensables et leur confiance dans le processus démocratique.

Loin de s’améliorer la situation se détériore alors que le gouvernement actuel renchérit en voulant accélérer la mise en chantier de 10 000 MW d’énergie éolienne supplémentaire qui miteraient le territoire de façon irréversible. De la frontière américaine à la Gaspésie en passant par la Montérégie, le Centre-du-Québec, la Beauce et le Bas-Saint-Laurent, une ligne continue d’éoliennes plus hautes que la place Ville-Marie est en voie de surgir au milieu de milliers de kilomètres de nouvelles lignes de transport prévues pour acheminer cette énergie. Une cicatrice indélébile dans le paysage et dans le cœur des gens. La Belle Province livrée aux gens d’affaires.

Récemment, vous avez annoncé que dorénavant Hydro-Québec serait maître d’œuvre du développement éolien et qu’un projet de 3000 MW verrait le jour dans les territoires non organisés du Moyen-Nord québécois. Vous dites vouloir, en plus de faire des économies d’échelle, rechercher « la nécessaire acceptabilité sociale » qui fait défaut ailleurs au Québec.

En ce sens :

Étant donné l’effet cumulatif des impacts négatifs générés par les éoliennes industrielles de plus en plus imposantes et puissantes (division sociale, pollution visuelle et sonore, dévaluation marchande, risques sanitaires, etc.);

Étant donné le pacte gouvernement-promoteur-municipalité qui étend sa domination sur le citoyen en multipliant les manœuvres pour l’empêcher d’exercer son droit fondamental d’exprimer son choix sur la pertinence ou non de ces projets;

Nous demandons donc à Hydro-Québec :

De surseoir à tout nouveau projet éolien en territoire habité et cultivable sous toutes ses formes, soit par appel d’offres, de gré à gré, de type privé-public, communautaire, nationalisé ou autre. 

D’exercer son rôle de maître d’oeuvre en excluant tout intermédiaire privé dans le développement de tout nouveau projet éolien en territoire non organisé.

De revendiquer son expertise dans le secteur énergétique et de continuer à se questionner sur l’opportunité ou non de développer de nouveaux mégas projets éoliens non seulement d’un point de vue économique, social et environnemental, mais également dans une perspective de fiabilité et de sécurité du réseau.

De favoriser et d’encourager un débat national sur les besoins du Québec en énergie dans le cadre d’une transition énergétique qui tient compte des aspirations et des valeurs des citoyens.

Nous avons au Québec, au cours des 25 dernières années, à l’intérieur d’un processus souffrant d’un lourd déficit démocratique, répondu aux demandes et besoins des promoteurs privés de l’éolien et de leurs actionnaires, à très, très fort coût, en dollars et en douleurs. Au nom de la justice sociale, par équité et par respect des principes fondamentaux de la loi sur le développement durable il est maintenant temps de répondre aux besoins de la population rurale, véritable gardienne du territoire.

« Le territoire est habité de façon extensive ce qui ne permet pas d’éloigner suffisamment les éoliennes des routes et des habitations. » BAPE 267, Conclusion, page 110.

 

Claude Charron

Comité des riverains des éoliennes de l’Érable (CRÉÉ)