À 95 ans, monsieur Fleury est ma source d’inspiration

Nous essayons de nous entourer de certitudes en permanence, mais vivre, c’est faire les foins en plein mois de juin, à travers des moments d’incertitude avec la température.  

Encore aujourd’hui, je pense souvent à l’été de mes 15 ans. Contrairement à mes amis qui travaillaient chez Provigo, chez André Lalonde Sport ou au Pizza Royal, moi j’ai eu un téléphone pour me demander si j’étais disponible pour faire les foins sur une ferme à Saint-Norbert.

Du haut de mes 6 pieds et de mes 155 livres de muscles, j’ai hésité quelques instants avant de me rendre à ma première journée de travail à la ferme.  Mais bon, je me suis dit : «Pourquoi pas! Au pire, à la fin de ma première journée, j’annoncerai que mon expérience se terminera là.»

La nature est toujours l’enseignant!

Cet amour pour cette ferme dure depuis bientôt 31 ans. J’ai vécu des moments privilégiés avec madame Fleury, monsieur Fleury et leur fils René : le propriétaire. En leur présence bienveillante, j’ai intégré dans mon être que la nature est toujours l’enseignant.

Je me souviens d’un moment très précis, comme si c’était hier. Le foin était coupé. Il était couché au sol dans l’énorme champ. On était prêt à presser les fameuses balles de foin!

Et puis là! Une énorme pluie vient de changer nos plans. Je tombe en panique et je maudis la température.  Je réalise que tous nos efforts  pour avoir du bon foin sec viennent de partir avec la pluie.

Monsieur Fleury me regarde avec un sourire et me dit tout simplement :

«Yannick, on ne peut pas aller contre la nature. Maintenant, il pleut et plus tard il fera beau.  C’est ça la vie. On ne peut pas contrôler la température. Par contre, tu peux te maîtriser. Parce que pendant que tu nourris des émotions négatives sur quelque chose où tu n’as pas de pouvoir, tu ne fais pas le travail que tu aurais l’occasion de faire lorsqu’il pleut.»

Tout change!

L’une des grandes lois universelles venant de la nature est que «Tout change!» Il n’y a rien de permanent : le soleil se lève, le soleil se couche. Il fait chaud, il fait froid. On sème, on récolte. C’est sec, c’est humide. En gros, la seule chose qu’il y a de permanent dans la vie, c’est le changement. Il n’y a rien qui ne change pas.  Attends-toi à de l’inattendu.

Avec la pandémie, on vit des moments de doute, de colère et de peur. Certaines personnes seront malades, d’autres décéderont.  Il y aura des pertes d’emploi, des faillites et des drames humains.  Telle une tempête, nous serons secoués à différents niveaux.

Alors, j’imagine monsieur Fleury me dire avec beaucoup de compassion et de bienveillance : «Ce moment de pandémie est difficile. Mais tout change! Rien n’est permanent. Tu aurais aimé que tout se déroule comme prévu, comme lorsqu’il avait plu durant la période des foins. Mais la vie, ce n’est pas ça.  Vivre, c’est aussi l’art d’accueillir des expériences de vie, plus ou moins catastrophiques. Ensemble, on va se maîtriser pour accueillir ce moment d’incertitude, car il y aura un lendemain de la COVID-19. Tout change!»

Et si à la suite à cette période d’incertitude suivait un éveil collectif sur l’importance de la santé, de la famille, de l’entraide, du partage, de la cocréation, du pardon, du lâcher-prise et de l’empathie.

Merci monsieur Fleury

Parfois, je me demande si monsieur Fleury sait réellement à quel point il a influencé ma vie tant personnelle, familiale que professionnelle. Il m’a aidé à intégrer dans tout mon être que la nature est toujours l’enseignant. Et en ce moment, elle m’enseigne encore, en temps réel, plusieurs lois universelles de la vie. Tout change est assurément l’une des lois qu’il faut connaître, intégrer et surtout appliquer.

À  95 ans, monsieur Fleury est confiné dans l’une de nos résidences à Victoriaville.  Il trouve le temps long sans avoir de la visite. Mais, il sait que cela aussi changera.

Yannick Fréchette
Psychoéducateur, consultant en éducation, conseiller municipal et père de trois adorables enfants