Rencontre Trudeau-Biden: les migrations, le NORAD et Haïti en tête de liste

WASHINGTON — Le président américain Joe Biden rencontrera vendredi le premier ministre Justin Trudeau où plusieurs dossiers seront sur la table. 

Voici quelques-unes des questions dont les deux dirigeants sont susceptibles de discuter. 

Migration: Les deux pays sont déjà proches d’un accord visant l’Entente sur les tiers pays sûrs. Le traité bilatéral entre le Canada et les États-Unis, entré en vigueur en 2004, est conçu pour limiter les demandes d’asile dans les deux pays, mais ne s’applique actuellement qu’aux points d’entrée officiels. 

En conséquence, plusieurs estiment que cela encourage les demandeurs d’asile à entrer au Canada par des passages frontaliers non officiels, ce qui leur permet de faire une demande. 

Des sources au courant des pourparlers affirment que les deux parties travaillent depuis juin à l’extension de l’accord pour couvrir la longueur de la frontière canado-américaine. 

Un tel accord aiderait à résoudre un casse-tête politique majeur pour M. Trudeau, tout en donnant à M. Biden la couverture politique dont il aurait besoin pour consacrer davantage de dépenses à la sécurité de la frontière nord des États-Unis. 

Modernisation du NORAD: Jusqu’au mois dernier, le système conjoint de défense continental, le Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD), était peut-être mieux connu pour suivre le père Noël le 24 décembre. 

Toutefois, une série d’objets volants non identifiés en février dérivant dans l’espace aérien nord-américain, dont un décrit par les responsables américains comme un ballon de surveillance chinois, a remis à l’avant-plan certaines lacunes du NORAD et le besoin de moderniser le système. 

Couplé aux ambitions effrontées du président russe Vladimir Poutine, l’effort conjoint en cours, mais largement opaque pour mettre à niveau le NORAD – rarement mentionné dans les déclarations précédentes de MM. Trudeau et Biden – est soudainement au centre des préoccupations des deux gouvernements. 

Des reportages suggèrent que le Canada pourrait accepter un échéancier accéléré.

Aider Haïti: La liste des points chauds de la politique étrangère dans le monde qui évoquent instantanément le Canada est courte, mais Haïti est sûrement en tête. Et alors qu’Haïti s’enfonce de plus en plus dans l’anarchie à la suite de l’assassinat du président Jovenel Moise en 2021, le besoin d’une intervention militaire s’est accru.

Certains hauts responsables américains ont expressément désigné le Canada comme le pays idéal pour diriger l’effort. La réponse de M. Trudeau a été diplomatique, mais ferme: la crise est mieux gérée à distance. «Nous savons par expérience difficile que la meilleure chose que nous puissions faire pour aider est de permettre aux dirigeants haïtiens de se sortir de cette crise», a-t-il déclaré le mois dernier. 

Les experts militaires au Canada affirment que les Forces armées canadiennes ne sont pas en mesure de mener une quelconque intervention. Les responsables américains ont déclaré mercredi qu’ils cherchaient une solution de toute urgence, mais insistent sur le fait que les discussions sont de nature multilatérale et devront impliquer la perle des Antilles elle-même, et peut-être même l’Organisation des Nations unies. 

Minéraux critiques: Aucune conversation de haut niveau entre les États-Unis et le Canada ces jours-ci ne serait complète sans parler des minéraux critiques, essentiels à la construction des véhicules électriques que M. Trudeau perçoit comme des éléments importants pour bâtir une économie propre. 

Le Canada possède les minéraux, le cobalt, lithium, magnésium et des éléments de terres rares, entre autres. Il a aussi une stratégie pour les développer, mais l’industrie en est encore à ses balbutiements et les États-Unis veulent ces minéraux maintenant. 

La question a de profondes implications sur la politique étrangère: la Chine domine depuis longtemps la chaîne d’approvisionnement en minéraux critiques, ce que l’administration Biden est déterminée à changer. 

«C’est vraiment l’un des moments les plus transformateurs depuis la révolution industrielle», a déclaré Helaina Matza, coordinatrice spéciale adjointe du département d’État pour le partenariat du G7 pour les infrastructures et l’investissement mondiaux. 

«Nous comprenons que nous ne pouvons pas le faire seuls.»

De l’eau, de l’eau partout: Le Canada et les États-Unis négocient depuis 2018 pour moderniser le Traité du fleuve Columbia, un accord de 1961 conçu pour protéger un bassin versant transfrontalier clé de la taille du Texas dans le nord-ouest du Pacifique. Malgré 15 séries de pourparlers distinctes, les progrès ont été au mieux médiocres. 

Pendant ce temps, le Canada subit des pressions américaines pour autoriser la Commission mixte internationale — l’organe d’enquête d’un accord distinct sur les eaux limitrophes de 1909 — à se pencher sur le ruissellement minier toxique en Colombie-Britannique qui, selon les communautés autochtones des deux côtés de la frontière, empoisonne leurs terres et leurs eaux depuis des années. 

Ajoutez à tout cela la pression croissante exercée sur le Canada pour qu’il redouble d’efforts pour extraire et traiter les minéraux critiques. Le mystère promet de s’épaissir.

Autres enjeux frontaliers: Le flux de migration irrégulière n’est pas le seul problème bilatéral centré sur la frontière. Des critiques des deux côtés affirment que les voyages entre les deux pays n’ont pas été les mêmes depuis la pandémie de COVID-19. 

Le programme de voyageurs Nexus, un système accéléré très prisé au Canada, est tombé en arrêt l’année dernière au milieu d’un différend concernant des agents frontaliers américains travaillant en sol canadien. Le compromis trouvé est largement considéré comme moins simplifié que l’ancien système. 

Bon nombre de ces mêmes voix contestent les nouvelles mesures fiscales imposées par le Canada pour décourager les étrangers de posséder des biens immobiliers au nord de la frontière; certains au Capitole ont été bruyants en pressant l’administration Biden d’exiger une exemption.

Un accord commercial sous un autre nom: Indépendamment de ce dont les deux dirigeants finiront par parler, cela se produira dans le cadre de l’Accord États-Unis-Mexique-Canada, connu au Canada sous le nom d’ACEUM. L’ère du nouvel accord commercial, qui a véritablement commencé en 2020, n’a pas été sans heurts, notamment des différends concernant l’accès des États-Unis au marché laitier canadien et la façon dont les États-Unis définissent le contenu automobile étranger.

L’administration Biden est également fermement opposée au projet canadien de taxe sur les services numériques, qu’elle considère comme une violation. L’accord doit être réexaminé en 2026, et beaucoup de choses pourraient se passer d’ici là, particulièrement au Capitole et à la Maison-Blanche.

Il convient également de noter que même s’il n’est pas couvert par l’accord commercial, le différend sur le bois d’œuvre résineux demeure un irritant permanent. La ministre du Commerce international, Mary Ng, a rencontré plus tôt ce mois-ci des chefs de file de l’industrie pour discuter des «droits américains injustifiés et illégaux» sur le bois d’œuvre, promettant qu’une solution qui protège les emplois canadiens «est la seule résolution que nous accepterons». 

En d’autres termes, ne retenez pas votre souffle pour une percée dans un différend «qui dure depuis Adam et Eve», a déclaré Tony Wayne, ancien ambassadeur américain au Mexique et ancien secrétaire d’État adjoint américain aux affaires économiques et commerciales.