Québec: la littératie progresse, mais l’écart entre Montréal et les régions se creuse

MONTRÉAL — Une nouvelle étude conclut que le niveau de littératie des Québécois s’est amélioré partout au Québec entre 2016 et 2021, mais que l’écart s’est agrandi entre celui de l’agglomération de Montréal et celui, moins élevé, des autres régions.

L’étude de la Fondation pour l’alphabétisation, réalisée par l’économiste Pierre Langlois, précise que la cadence de rattrapage de plusieurs régions est nettement insuffisante pour suivre le rythme de la progression montréalaise et de ses périphéries. 

Entre 2016 et 2021, la différence entre la région de Montréal et le reste du Québec de la proportion de la population qui n’atteignait pas le niveau 3 de littératie est passée de 4,8 % à 5,3 %. 

Le niveau 3 en littératie correspond notamment à la capacité de comprendre des textes plus longs et denses, puis à en interpréter correctement le sens ou encore, à effectuer des liens adéquats entre les différentes idées qu’il contient. Il est établi par le Programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes (PEICA)

L’étude observe que l’actuelle pénurie de main-d’œuvre entraîne une entrée plus précoce sur le marché du travail et que le vieillissement de la population limite la croissance du profil scolaire de plusieurs MRC. De plus, la région de Montréal bénéficie de la présence des pôles universitaires et de l’arrivée d’une immigration spécialisée. 

Même des agglomérations avec des pôles universitaires, comme celles de Québec, de Gatineau, de Sherbrooke, de Rimouski et de Trois-Rivières ne parviennent pas à suivre la courbe de croissance du profil scolaire de l’agglomération de Montréal; par conséquent, leurs résultats en littératie sont inférieurs.

«Même si ces régions ont des pôles, ceux-ci sont parfois éloignés pour une partie de la population qui demeure dans des MRC se trouvant à l’autre bout de la région, nuance M. Langlois. Ça fait en sorte qu’on a des jeunes, surtout des garçons, qui, plutôt que de s’éloigner pour poursuivre des études collégiales ou universitaires, préfèrent aller travailler dans des milieux manufacturiers ou industriels à proximité qui offrent des salaires attrayants.»

Littératie et diplomation

En jumelant les plus récents résultats du PEICA aux données du dernier recensement canadien, réalisé en 2021, il a été possible de tisser des liens entre le niveau de littératie et le taux de diplomation observé dans les régions. 

C’est dans le Nord-du-Québec que le niveau de littératie est le plus faible, alors que près des deux tiers (64,1 %) de la population n’atteindraient pas le niveau 3. La Côte-Nord, la Gaspésie et l’Abitibi-Témiscamingue complètent le peloton: dans ces régions, entre 50 et 58,7 % de la population n’ont pas le niveau 3 de littératie.

M. Langlois explique ces résultats entre autres par la présence plus prononcée de membres des Premières Nations, où le taux de décrochage scolaire est «astronomique» et tire à la baisse la moyenne régionale.

Les MRC Nord-du-Québec (64,1 %), de la Minganie-Golfe-du-Saint-Laurent (62,2 %) et d’Acton (61,7 %), en Montérégie, sont celles où la proportion de répondants dont la littératie est inférieure au niveau 3 est la plus élevée. La MRC de La Tuque, en Mauricie, et celle d’Abitibi-Ouest, suivent avec une proportion de 61,4 %. Les MRC de La-Haute-Côte-Nord, de la Vallée-de-la-Gatineau, de Les Etchemins, dans Chaudière-Appalaches, et de la Haute-Gaspésie comptent elles aussi plus de 60 % de leur population avec un taux de littératie sous le niveau 3 du PEICA.

Ces municipalités régionales de comté ont aussi pour point commun d’avoir une proportion de résidants âgés de 15 ans et plus sans diplôme supérieure à 30 %, au-dessus de la moyenne québécoise établie à 18,2 %. Uniquement dans la région de Montréal, ce taux atteint un plancher, à 15 %.

«Déjà, si on ne complète pas ses études secondaires, dans 85 % des cas, on n’atteint pas ce fameux niveau 3 qui est le seuil jugé acceptable en littératie», indique M. Langlois.

Il faut d’ailleurs prendre en compte l’âge moyen des résidants de ces MRC pour bien apprécier les résultats, nuance l’économiste.

«Si on regarde la situation d’un point de vue historique, c’était encore possible, il y a 50 ou 60 ans, de décrocher au primaire, rappelle l’auteur de l’étude. Donc on fait face, dans certaines régions, à beaucoup de répondants confrontés à des enjeux de littératie qui sont âgés de 65 ans et plus. Alors c’est sûr que dans les MRC qui vivent un vieillissement de leur population, ça peut venir plomber ses résultats en littératie.»

Pistes de solution

La Fondation pour l’alphabétisation conclut à l’urgence de renforcer les efforts pour améliorer les compétences en littératie au Québec. Il faut, dit-elle, s’affairer à réduire le décrochage scolaire, notamment chez les garçons, à encourager la fréquentation collégiale, à améliorer le profil de littératie des élèves des écoles de métiers et des centres professionnels, ainsi qu’à mettre en place une stratégie nationale de formation continue en milieu de travail.

«Il est primordial de passer en mode solution. Notre principal objectif en mesurant ces divers indices liés au niveau de littératie des Québécois demeure toujours celui de mieux comprendre l’enjeu afin que la société soit en meilleure posture pour y réagir, permettant ainsi de faire du Québec une société hautement alphabétisée», souligne André Huberdeau, président du  conseil d’administration de la Fondation pour l’alphabétisation.