Loi sur les langues officielles: Ottawa accusé de «passer un sapin» au Québec

OTTAWA — Le gouvernement Trudeau «passe un sapin» au Québec avec C-13, son projet de réforme de la Loi sur les langues officielles, dont il tente, de surcroît, d’accélérer l’adoption en limitant le temps de débat, accusent le Bloc québécois ainsi que plusieurs organisations militantes, chercheurs et autres individus associés au domaine de la langue française.

«Aucune mesure du projet de loi ne permet de promouvoir ou de protéger la langue française au Québec, soutiennent-ils dans une lettre ouverte publiée jeudi. En accordant le choix du régime linguistique fédéral ou québécois aux entreprises, le fédéral vient plutôt consacrer le droit de travailler en anglais.»

Selon les signataires, dont font partie la Société Saint-Jean-Baptiste, le Mouvement national des Québécoises et Québécois et le professeur émérite de sociologie Guy Rocher, le projet de loi «s’attaque» à l’application de la Charte de la langue française, communément appelée la loi 101, aux entreprises de compétence fédérale, une idée qui reçoit pourtant l’appui, énumèrent-ils, «de l’Assemblée nationale, de tous nos anciens premiers ministres et des maires de toutes les grandes villes du Québec».

Le projet de loi d’Ottawa consacre un nouveau droit de travailler et d’être servi en français au Québec et dans les régions à forte présence francophone des autres provinces dans les entreprises privées de compétence fédérale, comme les banques, les compagnies aériennes ou ferroviaires.

Or, le Québec veut plutôt assujettir ces entreprises installées sur son territoire à la Charte de la langue française qui, elle, ne donne pas un choix et fait du français la seule langue de travail.

Ainsi, selon le Bloc, C-13 constitue un recul pour le français au Québec puisque les entreprises privées de compétence fédérale pourraient choisir de s’y assujettir plutôt qu’à la loi 101, une option que le grand patron d’Air Canada, Michael Rousseau, avait lui-même dit préférer lors d’un passage houleux en comité parlementaire au printemps dernier.

M. Rousseau s’était préalablement vanté d’avoir pu vivre depuis 14 ans à Montréal sans parler un mot de français. Et C-13 «lui assure de pouvoir continuer» et permet à des entreprises comme la sienne de «continuer d’angliciser le Québec», a lancé lors de la période des questions aux Communes, mercredi, le porte-parole bloquiste en matière de Langues officielles, Mario Beaulieu.

Le secrétaire parlementaire de la ministre des Langues officielles, Marc Serré, lui a alors reproché ainsi qu’aux conservateurs, en lisant une réponse pré-écrite, de faire «circuler de fausses informations», réitérant que la modernisation de la Loi sur les langues officielles permettra de travailler et d’être servi en français par les entreprises privées de compétence fédérale d’un océan à l’autre.

Les libéraux ont indiqué dans les dernières semaines qu’ils souhaitent que le projet de loi C-13 franchisse l’étape de la troisième lecture de la Chambre des communes d’ici les Fêtes. Pour y arriver, ils tentent depuis ce temps de réduire considérablement le temps de débat en comité, ce qui a suscité l’indignation des conservateurs et des bloquistes qui dénoncent une motion «bâillon».

Le gouvernement libéral et son allié du Nouveau Parti démocratique conviennent qu’il est temps de passer à «la prochaine étape», ce qui, plaident-ils, a été demandé «haut et fort» par les témoins qui ont défilé.

Eux aussi sont en mesure de dresser une liste d’organismes qui appuient leur point de vue. M. Serré à notamment cité en entrevue la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario, la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick, la Société de la francophonie du Manitoba et une association de parents du Nouveau-Brunswick.

Il a également critiqué l’«hypocrisie» des conservateurs et des bloquistes qui, après avoir longuement réclamé une modernisation de la Loi sur les langues officielles, font maintenant «de l’obstruction» en comité, alors qu’ils ont présenté et débattu durant les quatre dernières rencontres d’amendements et de sous-amendements visant à entendre davantage de témoins.