Le N.-B. amende sa motion de reconnaissance de la Journée de vérité et réconciliation

FREDERICTON — Le gouvernement du Nouveau-Brunswick a apporté un amendement pour retirer la notion de «territoire non cédé» dans sa motion de reconnaissance de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation en raison d’une poursuite judiciaire déposée par des Premières Nations.

La motion amendée a également été modifiée pour insérer une précision indiquant que les pensionnats pour enfants autochtones étaient situés dans des provinces «autres que le Nouveau-Brunswick».

La motion originale, qui avait été déposée par le chef du Parti vert, David Coon, affirmait que le Nouveau-Brunswick est «situé sur les territoires non cédés et traditionnels» des Nations Wolastoqiyik, Mi’kmaq et Peskotomuhkati. Elle décrivait aussi les abus subis par les enfants autochtones forcés de fréquenter le système des pensionnats.

On soulignait que plus de 150 000 enfants avaient été ainsi séparés de leurs familles sur une période de plus d’un siècle, ajoutant que bon nombre d’entre eux avaient subi des abus physiques, psychologiques, émotionnels et spirituels en plus d’être négligés et mal nourris.

Dans la nouvelle version de la motion, adoptée jeudi par l’Assemblée législative, on déclare que le Nouveau-Brunswick est le «territoire historique» de trois Premières Nations et que le gouvernement fédéral «a adopté un système de pensionnats dans des provinces autres que le Nouveau-Brunswick à travers les Canada».

Vendredi, le premier ministre Blaine Higgs a répondu aux journalistes que le gouvernement ne pouvait pas affirmer une chose dans une motion et défendre son contraire devant le tribunal. Il faisait alors référence à la revendication territoriale déposée en cour par six chefs de la Nation Wolastoqey en novembre dernier. Ils revendiquent environ 60 % du territoire de la province.

«Nous faisons l’objet d’une poursuite en revendication territoriale et s’il s’agissait d’une situation incontestée, nous ne serions pas devant le tribunal, a soutenu M. Higgs. Alors si l’on approuvait une motion qui dit que l’on est en accord avec la requête selon laquelle le territoire est non cédé, à quoi ça servirait de se défendre en cour?»

Dans leur revendication, les chefs visent aussi des entreprises comme Énergie NB et le géant de la foresterie J.D. Irving, qui exploiteraient des ressources situées sur leurs territoires traditionnels. Les chefs réclament la rétrocession de leur territoire, une compensation pour l’usage du territoire pendant plus de 200 ans et un titre de propriété sur environ 60 % de la province.

Blaine Higgs se dit inquiet de voir d’autres requêtes judiciaires semblables être déposées par d’autres Premières Nations revendiquant les 40 % restants du territoire de la province.

Dans un communiqué publié vendredi, le chef Ross Perley de la première nation de Tobique se réjouit du fait que la province reconnaisse la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation chaque année, le 30 septembre, mais il se désole de voir que la motion n’en fait pas un jour férié.

M. Perley a ajouté que le fait de reconnaître la souffrance des survivants des pensionnats en niant que ces atrocités sont survenues en territoire traditionnel non cédé ne constitue pas un exemple de réelle volonté de vérité et de réconciliation.

Il a rappelé que les externats pour enfants autochtones qui existaient au Nouveau-Brunswick, comme le Sussex Vale Indian Day School, «précédaient le système des pensionnats et partageaient le même objectif: assimiler les enfants autochtones à la culture coloniale et dépouiller notre peuple de sa langue et de ses pratiques».

«Retirer toute mention du Nouveau-Brunswick d’une motion proclamant la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation constitue un refus déplorable de reconnaître la vérité et le rôle qu’y a joué cette province», a-t-il tranché.

David Coon s’est dit déçu de l’amendement apporté par le gouvernement à sa motion, mais a reconnu que cela était «prévisible» compte tenu de «la mauvaise relation que ce gouvernement entretient avec les Premières Nations dans cette province».

Le chef par intérim du Parti libéral, Roger Melanson, a lui aussi fait part de sa déception.

«Ne pas reconnaître que le territoire n’a pas été cédé par les Premières Nations — je vois cela comme une tentative du gouvernement de réécrire l’histoire et la réalité de notre pays et de notre province, a-t-il dit. Ce qu’ils demandent, c’est du respect. Je crois que le gouvernement a été irrespectueux.»