Le communautaire en a assez de l’inaction de Montréal dans la lutte contre le sida

MONTRÉAL — Un peu plus de six mois après la tenue de la Conférence internationale sur le sida à Montréal, les organismes communautaires qui luttent contre le VIH-sida en ont assez de l’inaction des élus et ont décidé de couper les ponts.

Dans un communiqué publié mardi matin, la Table des organismes communautaires montréalais de lutte contre le sida (TOMS) annonce qu’il ne lui est «plus possible» de demeurer au sein de l’alliance «Montréal sans sida». Ce plan d’action, qui inclut aussi la Direction régionale de santé publique, a été mis sur pied en 2018.

Cette initiative décrite comme étant unique avait été créée dans la foulée de la Déclaration de Paris qui remonte à 2014. Elle s’inscrit également dans le cadre du projet des «Fast-track cities» auquel contribuent les Nations unies.

La trentaine d’organismes membres de la TOMS dénoncent malheureusement «le désengagement des élus montréalais et de la mairesse Valérie Plante» dans la lutte contre le sida. Ils disent attendre depuis près de trois ans que les élus s’engagent «envers la réalisation du plan d’action» et «envers les cibles intermédiaires de l’ONUSIDA».

La TOMS reconnaît que la signature de la Déclaration de Paris a été «l’une des premières actions de la mairesse lors de son entrée en poste en 2017». Or, Valérie Plante n’aurait depuis jamais signé les versions amendées de la déclaration.

Le coordonnateur de la TOMS, Olivier Gauvin, explique avoir tout fait pour s’entretenir avec Valérie Plante depuis 2020. Seule la conseillère municipale Josefina Blanco aurait pris le temps de communiquer avec les groupes communautaires, mais cela n’a mené à aucune nouvelle signature d’engagements par la Ville de Montréal.

«Ça fait maintenant trois ans qu’on attend pour que la Ville signe ces amendements-là et continue son engagement dans les villes sans sida. Malheureusement, on n’a rien derrière en ce moment», explique M. Gauvin en entrevue à La Presse Canadienne.

Pourtant le temps presse puisque de nouvelles cibles intermédiaires ont été adoptées pour 2025 et voilà que Montréal se retrouve aux abonnés absents.

Du côté du cabinet de la mairesse Valérie Plante, on se dit «surpris» et «déçu» de ce retrait. On assure que la lutte contre l’épidémie demeure une priorité. De plus, on soutient qu’une rencontre a eu lieu à la fin janvier pour «échanger sur les conditions de réussite de la démarche».

«Nous sommes donc surpris du retrait de TOMS à l’initiative, ce qui est dommage considérant les importants efforts de concertation et de collaboration faits par la DRSP et la Ville dans les derniers mois», répond le cabinet. Le hic, c’est que sans la signature de Valérie Plante au bas de la déclaration amendée, il n’y a plus d’engagement montréalais et la Ville ne fait tout simplement plus partie du mouvement.

Dévoilé en 2018, le plan d’action de Montréal sans sida «devait être le premier pas ambitieux d’une démarche d’implication des personnes vivant avec le VIH et des communautés touchées par le VIH», soutient la TOMS, mais seule une campagne de sensibilisation en serait sortie. Les organismes communautaires déplorent que l’objectif principal d’améliorer les conditions de vie des communautés marginalisées semble écarté.

Si la Ville a nommé deux personnes du Service de la diversité et de l’inclusion sociale pour contribuer aux travaux de «Montréal sans sida», ces gens n’ont aucun pouvoir décisionnel. «Il faut absolument qu’un élu entérine et c’est là que ça bloque», renchérit le coordonnateur de la TOMS.

Plus que l’inaction des élus montréalais, les organismes communautaires décrient les pratiques répressives des autorités contre les groupes marginalisés. Ils lancent un appel à un véritable engagement et un travail en profondeur sur la réduction des méfaits et la lutte contre l’épidémie de sida afin qu’elle soit chose du passé d’ici 2030.

D’ici là, le communautaire est déterminé à ne plus servir de caution pour permettre aux politiciens de marquer des points sur son dos.

Absence à Séville

L’automne dernier, en octobre, un sommet international réunissait les villes membres des «Fast track cities» à Séville, en Espagne. Montréal n’y était pas représentée. Au terme de ce sommet, les villes membres ont signé une «Déclaration de Séville» avec de nouveaux engagements.

Encore une fois, «on n’a pas de nouvelles sur la signature de cette déclaration-là», mentionne Olivier Gauvin.

Toutes les parties répètent sans réserve avoir l’intention de poursuivre le travail afin d’améliorer les conditions de vie des personnes marginalisées et de prévenir la propagation du virus. Il semble cependant qu’elles le feront sous une autre forme que celle de «Montréal sans sida».

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