Le Canada enverra quatre chars Leopard 2 en Ukraine, annonce la ministre Anand

OTTAWA — Le gouvernement canadien n’a pas tardé à se joindre au mouvement en Occident pour envoyer des chars de combat en Ukraine: la ministre de la Défense, Anita Anand, a annoncé jeudi que le Canada ferait don d’au moins quatre Leopard 2 à ce pays assiégé par Moscou.

La décision du Canada a été dévoilée un jour après que l’Allemagne et les États-Unis ont annoncé, après des semaines d’hésitation, leur intention d’envoyer des chars de combat en Ukraine. Berlin a également annoncé qu’il autoriserait d’autres pays qui possèdent des Leopard, de fabrication allemande, à faire de même.

En conférence de presse à Ottawa jeudi, aux côtés du chef d’état-major, le général Wayne Eyre, la ministre Anand a déclaré que le Canada fournirait quatre Leopard 2A4 au cours des prochaines semaines. Le Canada offrira aussi de la formation pour l’utilisation de ces chars complexes, des munitions et des pièces de rechange.

«Ce don, combiné aux contributions d’alliés et de partenaires, aidera considérablement les forces armées ukrainiennes alors qu’elles luttent héroïquement pour défendre la liberté et la souveraineté de leur nation», a déclaré la ministre Anand lors d’une conférence de presse à Ottawa jeudi.

«Ces chars permettront à l’Ukraine de libérer encore plus de son territoire et de défendre son peuple contre l’invasion brutale de la Russie.»

La ministre Anand n’a pas exclu par ailleurs la possibilité d’envoyer éventuellement plus de chars Leopard à l’Ukraine. «Bien que j’annonce aujourd’hui le don de quatre chars, ce nombre pourrait augmenter à mesure que nous coordonnons les plans de don et de soutien avec nos alliés», a-t-elle déclaré.

Mais elle a aussi souligné la nécessité de s’assurer que l’Armée canadienne dispose de suffisamment d’armes lourdes pour entraîner et défendre le pays et ses alliés de l’OTAN.

Une flotte déjà sollicitée

Les quatre Leopard offerts par le Canada font partie d’un inventaire de 112 chars actuellement détenus par l’Armée canadienne, dont 82 sont conçus spécifiquement pour le combat. Selon d’ex-officiers de l’armée, la flotte de Leopard canadiens est déjà étirée à son maximum.

«Le nombre de Leopard que nous donnons a été soigneusement évalué afin de nous assurer que notre armée dispose des chars nécessaires pour maintenir notre propre préparation à l’entraînement et pour respecter les engagements du Canada envers l’OTAN», a soutenu jeudi la ministre de la Défense.

Mme Anand a d’ailleurs promis que les quatre chars seraient remplacés dès que possible — mais on ne sait pas encore quand. Le Canada avait déjà fait don à l’Ukraine de quatre obusiers M777 qui étaient également utilisés par l’Armée canadienne, mais ils n’ont pas été remplacés depuis.

Offensive russe au printemps

Kyiv implorait depuis des semaines ses alliés occidentaux d’envoyer de telles armes, alors que les forces ukrainiennes luttent pour faire des gains militaires contre la Russie dans l’est du pays. On craint également une éventuelle contre-offensive russe au printemps.

Berlin hésitait à fournir des chars sans un geste similaire de Washington, par crainte d’une nouvelle escalade des hostilités de la part de la Russie. Le gouvernement allemand hésitait également à permettre aux alliés qui possèdent des Leopard 2 de les envoyer en Ukraine.

Ces hésitations se sont évaporées mercredi lorsque le chancelier Olaf Scholz et le président Joe Biden ont promis chacun de leur côté que l’Allemagne et les États-Unis fourniraient des chars à l’Ukraine, ouvrant également toute grande la porte aux autres alliés.

Des responsables ont déjà expliqué que l’objectif pour les alliés est de fournir à l’Ukraine 88 de ces Leopard, ce qui constituerait deux bataillons.

Alexandra Chyczij, présidente nationale du Congrès ukrainien canadien, qui représente l’importante diaspora ukrainienne du Canada, a salué la décision du gouvernement. Elle estime que ces Leopard 2 changeront complètement la donne dans cette guerre contre Moscou. 

Un inventaire limité

Le Canada offre à l’Ukraine beaucoup moins de Leopard que certains pays comme l’Allemagne et la Pologne, qui ont tous deux promis 14 chars. Mais d’autres alliés européens envisageraient des dons plus modestes, qui s’alignent davantage à l’offre d’Ottawa.

Le lieutenant-général à la retraite Marquis Hainse, qui a été commandant de l’Armée canadienne («l’armée de terre»), a fait l’éloge des capacités du Leopard 2 sur les champs de bataille. Il estime que ce char agira comme «un as dans le jeu de cartes» des forces ukrainiennes.

Mais bien qu’il soit favorable à l’envoi de chars en Ukraine, il a souligné que ce don «modeste» démontrait la difficulté de remplacer ces équipements dans l’inventaire militaire canadien.

«Autrement dit: je salue à la fois la décision allemande et canadienne sur le déploiement des Leopard 2 en Ukraine, mais je mettrais également en garde contre le danger d’épuiser nos propres capacités dans tout ce processus», a-t-il estimé dans un courriel.

Le Canada a commencé à recevoir des Leopard des Pays-Bas et de l’Allemagne en 2007, pour protéger les soldats canadiens qui combattaient en Afghanistan. Ils sont depuis devenus un élément clé pour l’Armée canadienne.

Les Leopard 2A4 sont l’une des cinq versions différentes du char détenu par le Canada. Ils sont également les plus nombreux et les plus basiques de ceux conçus pour le combat, avec deux autres variantes qui possèdent un meilleur blindage, ainsi que des capteurs et des armes améliorés.

Prêts au combat

Le chef d’état-major Eyre a déclaré que les chars donnés à l’Ukraine avaient été utilisés par l’armée canadienne pour l’entraînement des soldats, mais qu’ils étaient prêts au combat et similaires aux Leopard 2A4 que la Pologne et d’autres alliés envoient en Ukraine. 

«Ça nous permettra d’avoir une interopérabilité de la formation, des pièces de rechange et des munitions», a-t-il déclaré.

On ignorait jeudi quelles unités fourniraient les quatre chars donnés à l’Ukraine. La plupart des Leopard sont répartis entre trois escadrons de 19 chars chacun: deux sont situés à Edmonton et un troisième à Gagetown, au Nouveau-Brunswick.

L’école du Corps blindé royal canadien, à Gagetown, possède également une douzaine de Leopard, utilisés pour former les équipages de chars et les mécaniciens. Quelques autres Leopard se trouvent dans un garage de réparation et d’entretien à Montréal.