La Maison-Blanche a aussi dans sa mire la taxe canadienne imposée aux géants du web

OTTAWA — Le président américain Donald Trump a signé jeudi un autre décret, qui autorise des «tarifs réciproques», et la Maison-Blanche a désigné la taxe canadienne sur les services numériques comme l’un de ces irritants commerciaux.

La Maison-Blanche a envoyé un document qualifiant d’«injustes» les taxes du Canada et de la France sur les services numériques, parce qu’elles visent des entreprises américaines.

S’exprimant dans le bureau ovale jeudi après-midi, M. Trump a fustigé le Canada sur le plan commercial et a souligné ses faibles dépenses en matière de défense, affirmant que le pays était un «prétendant très sérieux au titre de 51e État».

«Le Canada a été très mauvais pour nous sur le plan commercial, mais maintenant, le Canada va devoir commencer à payer, a-t-il affirmé. Le Canada va être une situation très intéressante, car nous n’avons tout simplement pas besoin de leurs produits.»

Alors que M. Trump s’attaquait davantage à l’économie canadienne, les entreprises observaient avec inquiétude.

«La conférence de presse m’a frappé parce que le Canada est clairement toujours au premier plan de ses préoccupations et que ce n’est pas un bon endroit où se trouver», a expliqué Matthew Holmes, vice-président exécutif de la Chambre de commerce du Canada.

«Nous avons toujours l’épée de Damoclès qui pèse sur nous et nous devons être toujours prêts à affronter ce qui nous attend.»

Il a déclaré que les menaces constantes, les délais changeants et le déplacement des objectifs minent profondément la certitude des entreprises au Canada, depuis les décisions d’investissement en capital jusqu’aux commandes d’expédition individuelles.

M. Holmes estime que l’ordonnance de tarifs réciproques vise principalement d’autres marchés, comme l’Europe, la Corée du Sud, le Japon et l’Inde. Toutefois, les détails sont peu nombreux et la situation générale est alarmante.

«Le signal plus large qu’elle envoie est une escalade, une large prolifération de tarifs… augmentant la probabilité d’une guerre commerciale de grande envergure, qui toucherait plusieurs économies», a déclaré M. Holmes.

La Chambre fait également partie d’une série de groupes d’affaires qui ont depuis longtemps averti le gouvernement Trudeau que sa taxe de 3 % sur les services numériques, entrée en vigueur au cours de l’été, deviendrait une épine dans le pied des États-Unis.

Cette politique controversée a suscité la colère de groupes de pression basés aux États-Unis, car elle oblige les grandes entreprises technologiques à payer des impôts sur les revenus gagnés grâce à l’engagement des utilisateurs en ligne au Canada.

Le PDG du Conseil canadien des affaires, Goldy Hyder, a affirmé que la taxe «continuait d’être un problème» soulevé lors des réunions qu’il a eues à Washington cette semaine avec de hauts fonctionnaires américains, des membres du Congrès et des chefs d’entreprise.

«Elle est considérée par les Américains comme un irritant qui viole (l’Accord Canada–États-Unis–Mexique) de la même manière que les Canadiens pensent que les tarifs douaniers violent l’accord», a-t-il indiqué, dans une déclaration envoyée par courriel.

Le plus récent budget du gouvernement libéral de Justin Trudeau estimait que cette taxe, rétroactive pour les premières années, devrait amener dans les coffres d’Ottawa quelque 5,9 milliards $ sur cinq ans.

La Maison-Blanche soutient dans une fiche d’information que «le Canada et la France utilisent ces taxes pour collecter chacun plus de 500 millions $ par année auprès des entreprises américaines».

Le plus récent décret présidentiel de M. Trump indique que les États-Unis riposteront à une vaste gamme d’irritants, notamment les subventions et les «exigences réglementaires contraignantes».

Le décret identifie également une série de barrières commerciales non tarifaires, allant des exigences commerciales en matière de santé humaine et animale aux politiques d’approvisionnement des gouvernements, à la protection de la propriété intellectuelle et aux barrières commerciales numériques.

«Cela pourrait être une refonte massive de la manière dont les tarifs sont fixés», croit William Pellerin, avocat spécialisé en commerce international chez McMillan.

Il explique que les pays fixent leurs tarifs douaniers dans le cadre d’accords commerciaux et doivent généralement fixer les mêmes niveaux tarifaires pour tous les pays, en respectant ce que l’on appelle le principe de la «nation la plus favorisée». À moins que les pays ne concluent d’autres accords commerciaux pour réduire encore les tarifs.

Mais cette mesure renverserait ces normes, en permettant de les ajuster au cas par cas. Cette mesure soulève toutes sortes de questions sur son fonctionnement, sans parler de la rapidité avec laquelle tout cela pourrait être mis en œuvre.

La mise en vigueur du décret de M. Trump lancera le gouvernement américain dans un processus complexe qui, selon M. Pellerin, prendra probablement des mois à régler, au mieux.