La demande d’injonction de l’UQAM à propos du campement est accueillie en partie

MONTRÉAL — La demande d’injonction provisoire déposée par l’Université du Québec à Montréal (UQAM) concernant le campement propalestinien installé sur son campus a été accueillie en partie, lundi.

Dans sa décision concernant le campement installé à l’UQAM, le juge de la Cour supérieure Louis-Joseph Gouin fait valoir que «la sécurité est présentement mise à mal» sur les lieux du campement et qu’il est «urgent d’y pallier avant qu’un événement malheureux ne se produise».

Il ordonne donc aux manifestants d’apporter plusieurs changements à leur campement, notamment de libérer un espace avec les bâtiments et de retirer les objets qui bloquent les fenêtres et les caméras de surveillance.

«Ces mesures de sécurité ne nuiront pas à l’exercice du droit à la liberté d’expression, incluant celui de manifester, des défendeurs», a-t-il soutenu dans son jugement.

«En fait, il s’agit ainsi de bien encadrer la manifestation qui a présentement lieu dans la cour intérieure du Complexe des sciences Pierre-Dansereau, et ce, afin qu’elle se déroule en toute sécurité pour toutes les parties, sous réserve de leurs droits respectifs à faire valoir lors des étapes subséquentes du processus d’injonction.

«Il est difficile d’imaginer qu’une partie puisse s’opposer à cela», a-t-il écrit.

Le juge impose donc qu’un espace de deux mètres soit dégagé tout le long des immeubles entourant la cour intérieure du Complexe des sciences Pierre-Dansereau, où est installé le campement depuis le 12 mai.

L’UQAM avait notamment plaidé que les manifestants représentaient un risque pour la sécurité en bloquant une sortie de secours, en étant en possession de bidons d’essence et de barres de fer et en «surchargeant» potentiellement le réseau électrique de l’université avec des rallonges non autorisées.

De leur côté, les avocats des manifestants ont déclaré que les participants aux campements avaient déjà pris des mesures pour dégager les sorties et que la manifestation s’était déroulée en toute sécurité et pacifiquement.

Le juge Gouin oblige les manifestants à dégager toutes les portes et fenêtres et tous les murs extérieurs. Par ailleurs, les cartons mis en place pour bloquer la vue des caméras de surveillance devront être retirés.

Finalement, le juge force les manifestants à permettre aux représentants de l’UQAM et du Service de sécurité incendie de Montréal de visiter le campement afin qu’ils puissent «vérifier la sécurité des lieux et des installations».

L’injonction provisoire est valide jusqu’au 6 juin.

Dans un communiqué en réaction au jugement, l’université a affirmé que cette décision permettra «de rétablir l’accès, la sortie et la circulation de la communauté universitaire au Complexe des sciences Pierre-Dansereau, et d’assurer la sécurité des personnes et des lieux».

Elle affirme qu’elle compte sur les personnes visées par l’injonction pour la respecter.

«Par ailleurs, l’UQAM poursuivra le dialogue avec les étudiantes et les étudiants, dont celles et ceux qui se trouvent sur le campement, en lien avec leurs préoccupations sur la situation en Palestine et en Israël», a assuré le recteur Stéphane Pallage.

«Une fois les questions de sécurité réglées, le dialogue sur le fond des revendications pourra se prolonger dans la sérénité.»

Lundi en fin d’après-midi, la Confédération des syndicats nationaux (CSN) a déploré par voie de communiqué «que (l’UQAM) ait choisi la voie de la judiciarisation au lieu de celle du dialogue avec les étudiantes et les étudiants actuellement mobilisés contre la guerre à Gaza».

Le Syndicat des professeurs et des professeures de l’UQAM (SPUQ) et le Syndicat des professeures et professeurs enseignants de l’UQAM (SPPEUQAM), qui font partie de la CSN, ont également déclaré qu’ils sont en désaccord avec la voie empruntée par l’UQAM, dans le même communiqué.

«C’est en discutant avec les étudiantes et les étudiants que de nombreuses universités d’Amérique du Nord ont pu trouver un terrain d’entente avec leurs étudiantes et étudiants dans des contextes semblables», a affirmé Geneviève Hervieux, présidente du SPUQ, qui appelle au dialogue.

Revendications

Selon le juge Gouin, les changements qui devront être apportés au campement ne nuiront pas à la liberté d’expression des manifestants.

«Ne pas mettre en place ces mesures continuerait à créer de sérieux inconvénients au niveau de la sécurité pour l’UQAM. Mettre en place ces mesures ne fait que réduire la superficie du campement, sans nuire au droit de manifester des défendeurs», a-t-il expliqué.

À son avis, «dans l’état actuel de la situation, aucune des parties ne sera brimée par la mise en place de mesures de sécurité, lesquelles pourraient d’ailleurs faciliter le rapprochement entre elles afin de procéder le plus rapidement possible à la prochaine étape de l’injonction, soit celle de l’interlocutoire».

Vendredi dernier, le juge Gouin avait entendu les arguments des deux parties lors d’une audience tenue au palais de justice de Montréal.

Depuis la mi-mai, les manifestants propalestiniens campent dans la cour intérieure du Complexe des sciences Pierre-Dansereau, emboîtant le pas à d’autres rassemblements similaires qui ont eu lieu sur des campus ailleurs au Canada et aux États-Unis.

Les participants du campement exigent que l’UQAM rompe ses liens avec les institutions israéliennes et révèle l’étendue de ces relations. Ils demandent aussi au gouvernement du Québec de faire marche arrière en ce qui concerne l’ouverture du Bureau du Québec à Tel-Aviv.

De son côté, l’UQAM assure que sa fondation n’a «aucun investissement dans l’armement», et qu’elle n’a pas non plus «d’entente de mobilité ni d’entente-cadre avec des universités israéliennes».

Dans sa demande d’injonction, l’UQAM ne demandait pas le démantèlement complet du campement, mais recherchait plutôt des balises pour assurer la libre circulation dans le secteur du Complexe des sciences — ce qu’elle a obtenues.

D’autres universités demandent toutefois aux tribunaux d’ordonner le démantèlement des campements érigés depuis plusieurs semaines sur leur campus.

L’Université McGill, aussi à Montréal, demande une injonction interlocutoire pour forcer les manifestants à démonter les dizaines de tentes installées sur son terrain, après avoir échoué à convaincre une juge plus tôt ce mois-ci d’accorder une injonction provisoire fondée sur l’urgence. L’affaire devrait maintenant être entendue sur le fond en juillet.

L’Université de Toronto a par ailleurs annoncé lundi matin qu’elle demanderait une injonction pour le démantèlement d’un campement sur son campus du centre-ville, après qu’un avis d’intrusion envoyé vendredi n’a pas réussi à convaincre les manifestants de partir.