La commissaire à l’éthique blanchit Pierre Fitzgibbon pour sa chasse au faisan

QUÉBEC — Le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, n’a pas enfreint le Code d’éthique en participant l’an dernier à une chasse au faisan sur une île privée du lac Memphrémagog, conclut la commissaire à l’éthique et à la déontologie.

Ariane Mignolet a remis son rapport à l’Assemblée nationale mercredi, après avoir mené une longue enquête — la sixième en quatre ans — sur les agissements du superministre Fitzgibbon.

L’opposition avait réclamé cette enquête, ayant noté que l’île en question appartient à plusieurs hommes d’affaires dont certains bénéficient de subventions du ministère de l’Économie.

La frontière entre la sphère personnelle et la sphère professionnelle n’a pas été franchie, conclut Mme Mignolet. 

«Ainsi, il n’a pu se placer dans une situation où son intérêt personnel pouvait influencer son indépendance de jugement dans l’exercice de sa charge», écrit-elle dans son rapport.

L’invitation à participer à l’activité de chasse est «acceptable», dans la mesure où elle n’a pas été faite en échange d’une intervention ou d’une prise de position du ministre.

Elle n’était pas non plus susceptible d’influencer son indépendance de jugement dans l’exercice de ses fonctions et ne risquait pas de compromettre son intégrité ou celle de l’Assemblée nationale, selon la commissaire. 

L’avantage a été reçu par le ministre dans le contexte d’une relation purement privée et n’avait pas à être déclaré, tranche-t-elle.

Visiblement satisfait du rapport, le premier ministre François Legault a dénoncé la plainte «ridicule» de l’opposition libérale. «On a le droit sur ses temps libres d’aller à la chasse», a-t-il soutenu. 

M. Fitzgibbon a toujours assuré n’avoir rien à se reprocher. La chasse au faisan sur l’île de la Province est une chasse prestigieuse en costume traditionnel autrichien, accessible sur invitation seulement.

Mise en garde

Mme Mignolet formule toutefois une mise en garde: la frontière séparant les sphères personnelle et professionnelle de la vie d’un élu est parfois ténue. 

«Il ne s’agit pas d’interdire aux parlementaires de participer à des activités de nature privée, mais de les inciter à faire preuve de vigilance en tout temps», déclare-t-elle.

Elle a rappelé au ministre Fitzgibbon, et à l’ensemble des élus, que l’apparence d’un conflit d’intérêts peut être tout aussi dommageable qu’un conflit d’intérêts avéré lorsqu’il est question de maintenir la confiance des citoyens. 

Dans le cas de M. Fitzgibbon — qui entend prendre part à une nouvelle partie de chasse au faisan dès cet automne — il faut se garder de conclure à une absence de risques, prévient-elle.

Un risque existerait «si différentes personnes y participent ou si le contexte varie, même légèrement; par exemple, il pourrait s’agir (…) d’une négociation en cours», a-t-elle expliqué.

«Bien qu’en l’espèce rien n’indique que la frontière entre la sphère privée et la sphère professionnelle a été franchie, il s’agit parfois d’un terrain hasardeux.»

«Vigilance constante», insiste Ariane Mignolet, qui souligne à grands traits l’importance pour un ministre de faire preuve de prudence, surtout lorsqu’il y a des liens entre les participants et ses responsabilités ministérielles.

Interrogé mercredi à savoir s’il allait changer quoi que ce soit dans sa manière d’agir, M. Fitzgibbon a répondu d’un sec «aucunement», avant de tourner les talons. 

«Il y a une ligne, la vie personnelle et professionnelle. Ça, c’est ma vie personnelle et ça ne vous regarde pas», a-t-il plus tard ajouté. 

Six enquêtes

Depuis son arrivée en politique en 2018, M. Fitzgibbon a fait l’objet de pas moins de six enquêtes de la commissaire à l’éthique et à la déontologie.

Il avait dû se retirer du cabinet Legault en 2021, après le quatrième rapport de la commissaire, qui lui reprochait sa négligence à se départir d’actions dans deux entreprises faisant affaire avec le gouvernement.

Pierre Fitzgibbon avait réintégré le cabinet après s’être conformé aux exigences de la commissaire en se départissent des intérêts qu’il possédait dans White Star Capital et ImmerVision.