La cheffe nationale RoseAnne Archibald ouvre la réunion de l’APN malgré sa suspension

VANCOUVER — Vêtue d’un régalia, la cheffe nationale RoseAnne Archibald a fait son entrée au rassemblement annuel de l’Assemblée des Premières Nations (APN) à Vancouver suivie par une délégation de partisans énergiques, mardi.

La veille, la cheffe Archibald déclarait sur Twitter avoir été «effacée» de l’ordre du jour à la suite de sa suspension imposée en juin dernier. Au lieu de cela, elle a dirigé les cérémonies d’ouverture et a souhaité la bienvenue aux participants dans un discours.

«Il y aura beaucoup de choses dont nous devrons discuter plus tard et je n’aborderai rien de tout cela pour l’instant», a-t-elle dit en faisant référence à sa suspension.

Le rassemblement annuel de l’APN se tient dans un contexte où les membres de l’exécutif ont demandé par voie de communiqué aux 2400 délégués de ne pas laisser les conflits de ressources humaines impliquant la cheffe éclipser «le travail réel et continu qui est nécessaire au nom des citoyens des Premières Nations».

«Le Comité exécutif demande en outre à la Cheffe nationale de cesser immédiatement toute action et déclaration équivalant à de graves violations en matière de confidentialité et des intérêts touchant la vie privée des employés de l’APN, des fournisseurs de services et d’autres personnes, notamment par l’entremise d’une série d’allégations de mauvaise conduite», peut-on également lire dans le communiqué.

«Le Comité exécutif estime que ces actions sont préjudiciables, illégales et inappropriées», renchérit-on.

Dans son propre mot d’ouverture, le chef musqueam, Wayne Sparrow, qui accueille le rassemblement sur son territoire, a demandé à tous les participants de demeurer respectueux.

«Quand je suis arrivé, certains aînés sont venus me voir. Il y avait des affiches qui n’étaient pas appropriées sur notre territoire. Peu importe vos opinions, voir des mots comme ceux-là est très blessant pour nos aînés et nos leaders», a-t-il dit.

La cheffe Archibald a fait écho à cette demande en disant «désavouer» toute affiche irrespectueuse et a qualifié les jurons de «forme de violence verbale».

«Ce ne sont pas les gens qui m’ont appuyée. Les gens qui me soutiennent veulent du changement. Les gens qui me soutiennent veulent nous voir marcher ensemble vers le progrès. Les gens qui me soutiennent aiment et se soucient de nos peuples», a-t-elle déclaré devant le parterre de délégués.

Mme Archibald affirme que sa suspension est une violation de la Charte de l’Assemblée et que les chefs régionaux n’ont pas le pouvoir de suspendre le chef national. Elle prétend que la suspension est un moyen de l’intimider, de la punir et de la faire taire sur ses allégations d’une possible utilisation abusive des fonds publics.

Un tribunal de l’Ontario a rejeté la semaine dernière sa proposition visant à faire annuler sa suspension qui est entrée en vigueur le 17 juin après une enquête sur quatre plaintes portées contre elle par son personnel. RoseAnne Archibald a allégué qu’elle avait été attaquée pour avoir tenté d’enquêter sur la corruption au sein de l’APN. Elle réclame une vérification judiciaire des livres de l’organisation pour les huit dernières années.

«Évidemment, je demande à nos amis de lancer une vérification et une enquête indépendante sur l’APN et je demande aux chefs et aux militants de parler aux chefs pour s’assurer que cette vérification soit lancée et qu’une enquête soit menée sur la corruption et le climat toxique à l’APN», a-t-elle lancé mardi avant de pénétrer à l’intérieur du lieu de la rencontre.

Elle a insisté sur le fait que toute sa carrière a été marquée par la transparence, la responsabilité et la vérité.

«Regardez dans chacune des organisations où je suis passée, je les ai toujours laissées dans un meilleur état qu’à mon arrivée. L’APN a besoin d’un ménage, elle a besoin de guérison et ça fait partie de l’œuvre de ma vie en matière de transparence, de responsabilité et de vérité», a-t-elle martelé.

La cheffe Archibald a laissé entendre qu’elle irait plus loin à ce sujet lors de sa conférence.

Un projet de résolution soumis à l’Assemblée demande qu’elle soit écartée de ses fonctions et qu’une nouvelle élection ait lieu parce qu’elle n’a pas obtenu les 60 % requis des suffrages exprimés lorsqu’elle a été élue l’an dernier.

Pour sa part, la cheffe Wendy Jocko de la Première Nation algonquine de Pikwakanagan en Ontario a déclaré sur les réseaux sociaux qu’elle présenterait une résolution d’urgence lors de la réunion de l’APN, appelant à la fin immédiate de ce qu’elle qualifie de suspension non fondée et illégale de RoseAnne Archibald.

La réunion de l’organisme s’ouvre au lendemain de l’annonce par l’APN d’un règlement de 20 milliards $ pour indemniser les enfants des Premières Nations et leurs familles des préjudices causés par le sous-financement chronique de la protection de l’enfance dans les réserves autochtones.

La cheffe régionale de l’APN, Cindy Woodhouse, la négociatrice en chef de l’accord sur la protection de l’enfance pour l’assemblée, a déclaré que le problème de leadership au sein de l’organisation n’affectait pas son travail.

Pour sa part, la ministre des Services aux Autochtones, Patty Hajdu, estime que de nombreuses organisations traversent de tels problèmes et que c’est l’occasion pour l’APN de déterminer la bonne approche de sa gouvernance. Elle signale que le gouvernement fédéral n’a pas à dicter aux peuples autochtones comment s’organiser, mais travailler avec eux.