Î.-P.-É.: les changements climatiques sont le sujet oublié de la campagne

STANLEY BRIDGE, Î.-P.-É. — Après une semaine de campagne électorale sur l’Île-du-Prince-Édouard, un sujet semble avoir été à peine abordé à la grande surprise de certains observateurs: les changements climatiques.

Au cours des sept premiers jours de la campagne, il a surtout été question de santé et de logement. Pourtant, il y a à peine quelques mois, la tempête Fiona frappait de plein fouet la province, faisant naître de grandes inquiétudes sur la hausse du niveau des océans.

Des observateurs se demandent bien pourquoi les changements climatiques ne sont pas le principal enjeu de la campagne électorale provinciale.

Et ils ne sont pas les seuls à s’interroger.

Phyllis Carr, dont le restaurant a été légèrement endommagé lors du passage de Fiona, dit que le littoral a changé au cours des dernières années. Pour elle, les changements climatiques sont «assurément» l’un des principaux enjeux de ces élections.

«Le degré d’érosion dans notre région est dingue, et dans toute l’Île-du-Prince-Édouard. Comment allons-nous reconstruire?, demande-t-elle. Les propriétaires vivant sur le littoral, comment vont-ils réagir à la perte de parcelles de terrain?»

Le bateau de pêche de Marvin Graham a été endommagé par la tempête du 24 septembre. Il espère pouvoir retourner travailler au cours de la prochaine saison. Lui aussi est convaincu que les changements climatiques et l’érosion devaient être des enjeux aussi importants que le système de santé. Toutefois, à moins d’un désastre naturel qui menacerait un domicile ou affecterait l’approvisionnement en nourriture, les changements climatiques semblent un sujet abstrait.

«Cela devrait être principale priorité», lance M. Graham.

Selon Peter Bevan-Baker, le chef du Parti vert, qui formait l’opposition à l’assemblée législative de la province, le gouvernement progressiste-conservateur «a démontré un manque complet d’imagination et une incapacité à présenter un plan» sur de nombreux sujets, notamment la protection de l’environnement.

«Il a vraiment, vraiment échoué à prévoir et à mettre en œuvre des plans pour réagir de façon proactive à ces événements et pour améliorer la situation», souligne-t-il en entrevue. 

Les Verts ont beau prétendre que l’environnement est leur raison d’être, il a surtout été question de santé, de logement, du coût de la vie et du manque de main-d’œuvre au cours des conférences de presse de M. Bevan-Baker.

Il dit ne pas vouloir fuir le sujet des changements climatiques, loin de là. Selon lui, c’est un enjeu «fondamental à la santé de [la] société». Il promet de placer les changements climatiques «au cœur de [sa] campagne» au cours des prochaines semaines.

Le chef progressiste-conservateur, Dennis King, affirme que son gouvernement «a réagi et s’occupe des changements climatiques» de façon dynamique.

Même s’il a fait peu d’annonces en environnement jusqu’à maintenant, M. King nie vouloir éviter le sujet. «Nous traitons de cette question avec le sentiment d’urgence qu’elle mérite. Chaque Insulaire sait que les changements climatiques sont une réalité.»

La cheffe libérale Sharon Cameron soutient que l’Île-du-Prince-Édouard n’est pas une grande émettrice de gaz à effet de serre.

«J’ai toujours cru qu’un bon programme doit être fondé sur trois piliers: social, économique et environnemental. À n’importe quel moment, un des ces piliers peut jaillir comme le plus important», dit-elle. Les changements climatiques seront un élément important de la plateforme libéral, promet Mme Cameron, mais pour le moment, le sujet «le plus important» pour la province, c’est la santé.

Xander Wang, un professeur agrégé de l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard, souligne que la tempête Fiona a démontré la vulnérabilité de la province à l’érosion du littoral dû au réchauffement des températures. Les pratiques agricoles et celles de la pêche devront être modifiées pour protéger les récoltes, ajoute-t-il. 

Selon lui, le prochain gouvernement devait être prêt à mettre en place des «politiques efficaces» pour s’adapter aux changements climatiques et en limiter les conséquences. À court terme, la population aura besoin d’appuis et de solutions pour protéger leurs terrains et leurs domiciles contre la prochaine tempête. «Tout évolue si rapidement avec le réchauffement», lance le Pr Wang.