Deux autres corps ont été retrouvés vendredi à Akwesasne, dont celui d’un bébé

QUÉBEC — La police du territoire mohawk d’Akwesasne a déclaré vendredi qu’elle avait retrouvé les corps de deux autres personnes, dont un bébé, qui faisaient partie d’un groupe de migrants morts en tentant de passer aux États-Unis en traversant par bateau le fleuve Saint-Laurent.

Les autorités avaient déjà retrouvé jeudi les corps de cinq adultes et d’un enfant, membres de deux familles, roumaine et indienne, dans un secteur marécageux du fleuve sur le territoire mohawk qui chevauche la frontière entre le Québec, l’Ontario et l’État de New York.

Le chef de la police mohawk d’Akwesasne, Shawn Dulude, a déclaré que le bébé retrouvé vendredi était un citoyen canadien membre de la famille roumaine. Le corps d’une femme adulte soupçonnée d’être une ressortissante indienne a également été retrouvé vendredi. Le chef de police Dulude a indiqué que les huit personnes décédées auraient tenté d’entrer illégalement aux États-Unis depuis le Canada.

La police, a-t-il dit, était toujours à la recherche de Casey Oakes, un résident d’Akwesasne âgé de 30 ans, qui a été vu pour la dernière fois mercredi aux commandes d’un bateau qui a été retrouvé à proximité des corps. M. Dulude a toutefois précisé qu’il était trop tôt pour dire si M. Oakes était lié aux migrants décédés. «Pour le moment, nous ne savons pas, a-t-il déclaré aux journalistes à Akwesasne. Nous le recherchons.»

Vendredi, l’unité maritime de la police mohawk d’Akwesasne, avec l’aide de la Sûreté du Québec, de la Gendarmerie royale du Canada et du service de prévention des incendies de Hogansburg Akwesasne, a fouillé le fleuve dans la partie québécoise du territoire mokawk. Plus tard dans la journée, des bateaux de recherche et de sauvetage ont pu être vus naviguant lentement près des rives marécageuses des îles, alors que des morceaux de glace flottaient sur le fleuve.

Traversée parfois périlleuse

Tony Jackson, un résident d’Akwesasne âgé de 31 ans, s’occupait d’un feu de camp près du fleuve, où lui et deux amis regardaient un hélicoptère de la police survoler lentement le rivage. M. Jackson a déclaré qu’il était allé à l’école avec M. Oakes et qu’ils avaient fait du sport ensemble. «C’est une petite communauté, tout le monde se connaît.»

M. Jackson souligne que la navigation de plaisance est un mode de vie à Akwesasne et que de nombreuses personnes utilisent régulièrement des bateaux pour se rendre du côté canadien au côté américain de la communauté. Il a déclaré que les conditions météorologiques mercredi, lorsque M. Oakes a été vu pour la dernière fois, étaient bonnes pendant la journée, mais elles sont devenues plus difficiles par la suite. «Le vent d’est, ici, crée beaucoup de vagues, hautes de cinq pieds, peut-être plus», a déclaré M. Jackson. Il croit que le bateau de M. Oakes mesurait moins de six mètres de long.

Traverser le fleuve sur un petit bateau avec beaucoup de monde à bord, «c’est vraiment courir après le trouble», a-t-il dit.

Bien qu’il n’ait jamais entendu M. Oakes parler de transport de migrants, M. Jackson a déclaré qu’il avait personnellement vu des groupes traverser des champs avec des sacs à la main, et qu’il avait également parfois vu des bateaux transportant plusieurs personnes de l’autre côté du fleuve. Une fois du côté québécois d’Akwesasne, dit-il, la frontière n’est pas bien loin à pied.

«Quelques fois, en un mois, vous en verrez quelques-uns marcher sur la route avec tous leurs sacs», a-t-il déclaré.

La police mohawk a déclaré qu’elle travaillait avec Immigration Canada et le département américain de la Sécurité intérieure pour tenter d’identifier les victimes et de déterminer leur statut au Canada.

De passage à Moncton, au Nouveau-Brunswick, le premier ministre Justin Trudeau s’est montré troublé par cette affaire, mais a évité de s’avancer sur les circonstances. On a demandé au premier ministre si ces décès étaient liés au récent accord sur l’immigration entre le Canada et les États-Unis – qui a fermé les points d’entrée non officiels aux réfugiés potentiels cherchant l’asile au Canada –, mais M. Trudeau a refusé d’aller dans cette voie.

«Il y a une enquête en cours et je ne veux pas sauter sur les spéculations et les faits non confirmés qui circulent à présent, a-t-il dit. Il va falloir que l’on comprenne bien ce qui s’est passé pour pouvoir prendre les meilleures mesures pour protéger les gens vulnérables.»

Le ministre fédéral de la Sécurité publique, Marco Mendicino, s’était dit bouleversé dans un gazouillis publié plus tôt. «J’ai contacté le grand chef Abram Benedict pour lui exprimer nos condoléances. Dans l’attente de plus amples informations, mes pensées vont aux proches des victimes.»

Son homologue québécois, François Bonnardel, a pour sa part publié le commentaire suivant: «Mes pensées sont avec la communauté ce matin. Il y a une enquête en cours, on attend toujours les détails. La SQ est en soutien. On suit la situation de près».

Passage connu 

La police d’Akwesasne affirme que depuis janvier dernier, il y a eu 48 incidents de personnes qui tentaient d’entrer illégalement au Canada ou aux États-Unis via le territoire mohawk et que la plupart de ces migrants étaient d’origine indienne ou roumaine.

Le territoire est connu pour être un point de transit pour le trafic d’êtres humains et la contrebande, en raison de sa situation stratégique. Et en février, la police d’Akwesasne a signalé une augmentation du passage de clandestins sur le territoire mohawk.

«La nature du trafic d’êtres humains et les conditions météorologiques récentes ont mis en danger nos premiers intervenants lors d’événements vitaux», déclarait à l’époque la police dans un communiqué. «Au cours des derniers jours, des immigrants ont dû être transportés à l’hôpital, ce qui est non seulement préoccupant pour leur santé, mais réduit également la disponibilité de nos propres ambulances à Akwesasne.»

En avril 2022, six ressortissants indiens avaient été secourus d’un bateau qui coulait dans la rivière St. Regis, qui traverse le territoire mohawk d’Akwesasne et se jette dans le fleuve. Une septième personne, aperçue quittant le navire et pataugeant à terre, a ensuite été identifiée comme un citoyen américain. Les responsables américains des douanes et de la protection des frontières ont parlé de trafic d’êtres humains.