Carol Todd craint que le Néerlandais qui a harcelé sa fille ne purge pas sa peine

Carol Todd craint que le Néerlandais reconnu coupable de harcèlement et d’extorsion contre sa fille adolescente, Amanda, décédée plus tard par suicide, ne puisse purger la peine de 13 ans qui lui a été infligée par un tribunal de la Colombie-Britannique le mois dernier.

Mme Todd a dit qu’elle savait dès le début du procès d’Aydin Coban devant la Cour suprême de Colombie-Britannique en juin dernier que toute peine serait convertie une fois de retour aux Pays-Bas.

«Je ne savais pas exactement ce que cela signifiait. Je pensais que s’il était condamné à dix ans, il en purgerait peut-être cinq», a-t-elle déclaré jeudi en entrevue.

Ce n’est que lorsqu’un journaliste néerlandais l’a contactée après la condamnation de Coban en août que Mme Todd a dit avoir appris qu’il était possible qu’il ne purge pas la peine canadienne parce qu’un tribunal de son pays d’origine lui avait déjà imposé une peine maximale pour des crimes similaires commis à la période où il harcelait sa fille.

Coban a été condamné à près de 11 ans de prison en 2014 pour des crimes impliquant plus de 30 jeunes, avant d’être extradé vers le Canada en 2017 pour faire face à des accusations liées à Amanda, notamment pour extorsion, harcèlement et distribution de pornographie juvénile.

Une fiche d’information du ministère de la Justice des Pays-Bas explique que les prisonniers néerlandais qui sont renvoyés chez eux après avoir été reconnus coupables et condamnés à l’étranger peuvent soit voir leur peine de prison commuée à la durée qu’ils auraient reçue pour leur crime aux Pays-Bas, soit voir la peine purgée dans son intégralité.

Cependant, une peine «ne peut jamais dépasser la peine maximale pour le crime concerné aux Pays-Bas», indique le document.

Mme Todd a rapporté que le journaliste néerlandais s’est entretenu avec des avocats qui ont indiqué que la loi néerlandaise stipule également que lorsqu’une personne est reconnue coupable et condamnée, puis reconnue coupable du même type d’infraction au cours de la même période, la peine existante s’applique.

Mme Todd a contacté les procureurs de la Couronne en Colombie-Britannique après la publication de l’article du journaliste néerlandais sur la conversion potentielle de la peine de Coban.

Ils ont vérifié que c’était la loi, a-t-elle constaté.

C’est «navrant» de savoir que Coban ne passera peut-être pas sa peine canadienne derrière les barreaux, a-t-elle déclaré.

Au lieu de cela, elle «espérait un peu de karma», a-t-elle dit dans un gloussement.

Mme Todd s’est rappelé que le procès avait servi un «bon objectif» dans le droit canadien en créant un précédent pour la condamnation de ceux qui exploitent des enfants en ligne.

«Je dois garder cela en tête, parce que si je ne le fais pas, je serai frustrée et en quelque sorte en colère», a-t-elle dit. 

Au cours du procès de neuf semaines en Colombie-Britannique, le tribunal a appris que Coban avait utilisé 22 pseudonymes pour harceler Amanda pendant deux ans, à partir de l’âge de 12 ans.

Le procès a révélé comment Coban a mis à exécution ses menaces d’envoyer des photos d’Amanda exposant ses seins à sa famille, ses amis et les administrateurs de l’école à moins qu’elle ne se conforme à ses demandes de se livrer à des «spectacles» sexuels devant une caméra Web.

Amanda avait 15 ans lorsqu’elle s’est enlevé la vie en octobre 2012 dans sa maison de Port Coquitlam, en Colombie-Britannique, quelques semaines après avoir publié une vidéo utilisant des cartons pour décrire comment elle avait été tourmentée par un cyberprédateur.

Prononçant la peine le 14 octobre, la juge Martha Devlin a déclaré qu’elle avait entendu la voix d’Amanda.

«J’ai considéré les mots d’Amanda tels qu’exprimés dans sa vidéo et dans les messages qu’elle a envoyés de son vivant», a annoncé la juge Devlin au tribunal.

«Elle ne pouvait pas échapper aux images ou aux vidéos. C’était une “histoire sans fin”», a-t-elle souligné, citant la description d’Amanda Todd de son calvaire dans la vidéo.

Carol Todd a rappelé que sa fille aurait eu 26 ans ce week-end, au moment où Coban devrait être ramené dans son pays pour purger le reste de sa peine néerlandaise.

Il doit être rapatrié dans les 45 jours suivant sa condamnation au Canada, une date limite qui tombe la semaine prochaine, a-t-on appris lors du procès. Le ministère de la Justice a indiqué jeudi que Coban n’avait pas encore été renvoyé.

Mme Todd a demandé aux procureurs de l’informer du retour de Coban dans son pays d’origine. Elle ne savait pas quand l’audience pour convertir sa peine pourrait avoir lieu, mais elle espère y assister virtuellement.

Mme Todd a assisté au procès néerlandais de Coban, où il a été dit que le cas d’Amanda n’était pas considéré comme faisant partie de ces procédures, mais comme une affaire distincte devant être entendue au Canada.