Accusé d’avoir «vendu à rabais» le Québec, Legault se défend
QUÉBEC — Accusé d’avoir «vendu à rabais» le Québec, François Legault a dû défendre, jeudi, ses stratégies de négociations devant la menace de droits de douane du président Donald Trump sur les produits canadiens comme l’aluminium.
Il a assuré qu’il allait «jouer dur» si les Américains jouent dur.
À son retour d’une mission de deux jours à Washington, il a fait face aux critiques de l’opposition qui lui reproche notamment de faire déjà des concessions, mais aussi de menacer de mettre en place des droits de douane réciproques sur l’aluminium – ce que l’industrie voit d’un mauvais oeil au Québec.
Même la ministre responsable du Saguenay-Lac-Saint-Jean – une région productrice d’aluminium -, Andrée Laforest, a appelé à une certaine prudence.
«Il va falloir communiquer ensemble, travailler ensemble, voir les meilleures positions, a-t-elle commenté en mêlée de presse. Ça nous oblige quand même à avoir des bonnes discussions. Il faut prendre des bonnes décisions maintenant. En fait, il faut bien réfléchir.»
Mercredi, M. Legault avait dit être prêt à «beaucoup de compromis dans l’aéronautique, dans la forêt, dans, peut-être, la sécurité à long terme sur l’aluminium».
«Il nous a vendus à rabais», a lancé le député libéral Frédéric Beauchemin, à la période de questions.
Il l’a traité de «pee wee» qui met déjà les deux genoux à terre avant même de commencer les négociations, ce qui a fait sortir de ses gonds le leader parlementaire caquiste, Simon Jolin-Barrette.
«Quelle industrie va-t-il sacrifier? L’aéronautique, nos forêts, l’aluminerie? a demandé M. Beauchemin. Amateur.»
«La forêt, l’aéronautique, l’aluminium, il est prêt à faire de nombreuses courbettes pour faire plaisir à Trump, il nous l’a dit hier», a aussi dénoncé la cheffe parlementaire de Québec solidaire (QS), Ruba Ghazal.
«Il a son jeu de cartes, il montre ses cartes à tout le monde: ‘voici ce que je suis prêt à laisser tomber tout de suite’», a illustré le député péquiste Pascal Paradis, pour tourner le chef caquiste en dérision.
«Tout ça, ça a l’air de la panique, de l’improvisation, et ça affaiblit le Québec», a-t-il poursuivi.
Dans ses réponses, M. Legault a fait valoir les atouts du Québec, notamment les métaux précieux qu’il offrirait à l’Europe plutôt qu’aux États-Unis, mais aussi les appels d’offres du gouvernement, à réviser «pour exclure» les entreprises américaines.
«Si vous jouez dur, on va jouer dur», c’est ainsi qu’a résumé le premier ministre ses échanges avec les représentants des États-Unis.
Il a dit faire la distinction entre les intérêts des entreprises et l’intérêt des Québécois – ce que son adversaire libéral Marc Tanguay lui a reproché.
«Ce qu’on veut, c’est donner un incitatif pour que nos alumineries vendent ailleurs qu’aux États-Unis», a plaidé. M. Legault.
Le Québec est avantagé, car les États-Unis dépendent de son aluminium. La province exporte 2,9 millions de tonnes au sud de la frontière, donc 60 % de l’aluminium des États-Unis vient d’ici, a-t-il rappelé.
«Ça mettrait dans la merde les États-Unis, a-t-il lâché en Chambre. (…) Il faut utiliser chaque occasion de se battre.»
M. Tanguay a fait valoir que l’industrie et les travailleurs désapprouvaient la démarche de M. Legault.
«Réalise-t-il que ce sont des emplois dans toutes les régions du Québec? Les travailleurs, travailleuses qui l’ont entendu hier (mercredi) n’étaient pas du tout rassurés, parce que les industries n’étaient pas rassurées.»
Il a rappelé que le Québec exportait pour 8,8 milliards $ d’aluminium aux États-Unis.
M. Legault a assuré qu’il «n’est pas question qu’on oublie et qu’on ne défende pas tous les travailleurs du Québec».