Le phénomène météorologique La Niña est (enfin) terminé

WASHINGTON — Après trois années pénibles, le phénomène climatique La Niña, qui augmente l’activité des ouragans dans l’Atlantique et aggrave la sécheresse dans l’Ouest, s’est dissipé, a annoncé jeudi l’Administration nationale des océans et de l’atmosphère (National Oceanic and Atmospheric Administration, ou NOAA) des États-Unis.

C’est généralement une bonne nouvelle pour les États-Unis et d’autres régions du monde, notamment l’Afrique du Nord-Est frappée par la sécheresse, ont indiqué les scientifiques.

Le globe est maintenant dans un état considéré comme «neutre» et tend probablement vers un El Niño à la fin de l’été ou à l’automne, a prédit la climatologue Michelle L’Heureux, la responsable du bureau de prévision El Niño/La Niña de la NOAA.

«C’est terminé, a déclaré le chercheur Azhar Ehsan, qui dirige les prévisions El Niño/La Niña de l’université de Columbia. Dame Nature a décidé de se débarrasser de ce phénomène parce que c’en était assez.»

La Niña est un refroidissement naturel et temporaire de certaines parties de l’océan Pacifique qui modifie les conditions météorologiques dans le monde entier.

Lorsque le phénomène La Niña se produit, les tempêtes sont plus nombreuses dans l’Atlantique pendant la saison des ouragans, car il supprime les conditions qui empêchent la formation de tempêtes. Des conditions neutres ou un El Niño rendent le déclenchement des tempêtes plus difficile, mais pas impossible, selon les scientifiques.

Le changement climatique est un facteur majeur de l’aggravation des phénomènes météorologiques extrêmes, au même titre que La Niña, selon les scientifiques, et de nombreuses études et rapports le démontrent.

Victor Gensini, professeur de sciences atmosphériques à l’Université de l’Illinois du Nord, explique que le réchauffement d’origine humaine est comme un escalier roulant qui monte: il fait augmenter les températures et aggrave les phénomènes extrêmes, tandis que La Niña et El Niño sont comme des sauts en avant et en arrière sur ce même escalier roulant.

La Niña a également légèrement atténué les températures moyennes mondiales, empêchant le réchauffement de battre des records annuels de température, tandis qu’El Niño a légèrement accéléré ces températures, établissant souvent des records, ont précisé les scientifiques.

La Niña a tendance à rendre l’Afrique de l’Ouest humide, mais l’Afrique de l’Est, autour de la Somalie, sèche. C’est l’inverse qui se produit avec El Niño : la Somalie, frappée par la sécheresse, recevra probablement des «petites pluies» régulières, a expliqué M. Ehsan, de l’université de Columbia. Selon la NOAA, le phénomène La Niña se traduit par des conditions plus humides en Indonésie, dans certaines parties de l’Australie et en Amazonie, alors que ces régions sont plus sèches dans le cas d’El Niño.

El Niño signifie davantage de vagues de chaleur pour l’Inde, le Pakistan et d’autres parties de l’Asie du Sud, ainsi que des moussons plus faibles dans ces régions, a expliqué M. Ehsan.

Cette La Niña particulière ― qui a commencé en septembre 2020, mais est considérée comme vieille de trois ans parce qu’elle a affecté trois hivers différents ― était inhabituelle et l’une des plus longues jamais enregistrées. Elle a fait une brève pause en 2021, mais est revenue en force avec une intensité record.

«J’en ai assez de cette La Niña», a avoué M. Ehsan. Mme L’Heureux est du même avis et se dit prête à parler d’autre chose.

Les quelques autres fois où il y a eu une La Niña à triple creux, c’était après de forts El Niño et il y a des raisons physiques claires à cela. Mais ce n’est pas ce qui s’est passé avec cette La Niña, a expliqué Mme L’Heureux. Celle-ci n’a pas été précédée d’un fort El Niño.

Même si cette La Niña a déconcerté les scientifiques par le passé, ils affirment que les signes de son départ sont clairs : l’eau dans la partie clé du Pacifique central s’est réchauffée à un niveau légèrement supérieur au seuil d’une La Niña en février, l’atmosphère a montré quelques changements, et le long du Pacifique oriental près du Pérou, un réchauffement semblable à celui d’El Niño se prépare déjà sur la côte, a déclaré Mme L’Heureux.

Une La Niña ou un El Niño est un phénomène qui pousse le système météorologique à partir du Pacifique et qui a des effets d’entraînement dans le monde entier, a expliqué Mme L’Heureux. Lorsque les conditions sont neutres, comme c’est le cas actuellement, la poussée du Pacifique est moins forte. Cela signifie que d’autres facteurs climatiques, y compris la tendance au réchauffement à long terme, ont plus d’influence sur les conditions météorologiques quotidiennes.

En l’absence d’El Niño ou de La Niña, les prévisionnistes ont plus de mal à prévoir les tendances météorologiques saisonnières pour l’été ou l’automne, car l’océan Pacifique a une grande influence sur les prévisions à l’échelle des semaines.

Les prévisions d’El Niño faites au printemps sont généralement moins fiables que celles faites à d’autres moments de l’année, et les scientifiques sont donc moins sûrs de ce qui se passera ensuite, a expliqué Mme L’Heureux. Mais les prévisions de la NOAA indiquent qu’il y a 60 % de chances qu’El Niño prenne le dessus à l’automne.

Il y a également 5 % de chances que La Niña revienne pour une quatrième période sans précédent. Mme L’Heureux a déclaré qu’elle ne souhaitait vraiment pas cela, mais qu’une telle éventualité excite la scientifique en elle.