Julie Dubois, une pionnière chez les pompiers de L’Érable

Fille d’action, Julie Dubois de Villeroy n’avait jamais envisagé, du moins jusqu’en 2009, d’enfiler la tenue de combat des pompiers. Première femme à intégrer le Service de sécurité incendie régional de L’Érable (SSIRÉ), la pompière de 39 ans a gravi les échelons pour devenir également la première femme officière obtenant le grade de lieutenant, puis celui de capitaine en septembre. Entrevue avec une femme qui carbure à l’adrénaline.

Le monde de l’incendie s’est pointé par hasard dans la vie de Julie Dubois. Non, elle ne vient pas d’une famille de pompiers. «Mon père était mécanicien et ma mère, secrétaire d’école. Je n’avais pas non plus d’amis pompiers», raconte-t-elle en entrevue téléphonique.

Mais, en 2007, Julie, native de Manseau,  déménage à Villeroy avec son conjoint pour se rapprocher tous deux de leur emploi. Et le hasard fait en sorte qu’elle emménage tout juste en face de la caserne. «J’ai commencé à voir les gars (les pompiers) sortir et je me disais que ça avait l’air cool», dit-elle. Mais il y a aussi un peu de ce drame en 2004 alors que son frère a perdu la vie dans un incendie. «C’est peut-être un mélange de tout ça», note-t-elle pour expliquer son intérêt pour le métier.

Le parcours

Julie Dubois a été embauchée comme pompière au SSIRÉ en début d’année 2009. «Le directeur à l’époque, M. Gagné (Mario) était vraiment ouvert aux femmes dans les services d’incendie. Il était vraiment heureux que je sois là», se souvient-elle. Dès son entrée, Julie a entrepris sa formation le jour même. Une formation qu’elle a terminée en juin 2010. Engagée en février 2009, elle apprend le mois suivant qu’elle attend un enfant. «J’ai donc suivi ma formation au complet pendant ma grossesse. Même que la veille de mon accouchement, j’étais en formation pour les appareils respiratoires. Deux semaines plus tard, j’endossais mon appareil et les cours reprenaient», relate la pompière qui a développé une véritable passion pour le domaine.

Son intégration dans un monde rempli d’hommes s’est bien déroulée. «Ça s’est bien passé. Au début, les gars me paternaient. Ça a duré deux ou trois mois. Ils se sont rendu compte qu’un père, j’en avais un, et que je n’en avais pas besoin d’autres. Mais c’était correct. Ils faisaient attention à moi. Ils ont pu constater que je faisais la job comme les autres.» Peut-être bien que les femmes ont un peu plus à prouver, souligne-t-elle. Mais Julie Dubois vit bien avec ça. «On s’entend, je ne suis pas aussi forte que les gars, mais j’ai une autre façon de gérer ça. Je vais réussir à faire le même travail, peut-être pas de la même manière. Je vais y aller plus prudemment, plus lentement. Je me complète beaucoup avec les gars. Je peux voir certaines choses qu’ils ne verront pas», exemplifie-t-elle.

L’adrénaline et le désir d’aider

Interrogée sur ce qu’elle affectionne particulièrement comme pompière, Julie Dubois répond tout de go : l’adrénaline. Mais il y a plus encore : le sens du devoir. «Le désir d’aider les citoyens et de me sentir utile m’anime, exprime-t-elle. Ce qui vient me chercher, lors d’une intervention, c’est quand on fait une différence dans la vie des familles et des gens. Quand on arrive à temps, qu’on reçoit l’appel à temps et qu’on réussit, par exemple, à sauver une maison, on a la satisfaction du devoir accompli.»

C’est aussi cette volonté qui fait qu’elle a levé la main pour servir comme pompière lors du G-7 dans Charlevoix et à l’occasion de la tragédie de Lac-Mégantic à l’été 2013. «À Lac-Mégantic, je voulais me sentir utile, pouvoir aider et faire une différence et éviter aux pompiers d’effectuer une partie ingrate du travail. C’est de leur enlever un gros poids. Ça a été une expérience en soi», témoigne la capitaine.

La Villeraine d’adoption aime tout du travail de sapeur, de la réhabilitation des pompiers jusqu’à rouler les boyaux et nettoyer les équipements à la suite d’une intervention. Le monde de l’incendie constitue aussi un mode de vie qui lui plaît énormément. «Un mode de vie de gang. On entend souvent dire que les pompiers constituent une grande famille et c’est vrai. Oui, j’ai ma petite gang à Villeroy et à Notre-Dame-de-Lourdes, mais il y a aussi toute la grande famille du SSIRÉ. On n’est pas juste 11 pompiers, nous sommes 90. Et c’est aussi le cas avec les services d’incendie des environs», fait-elle valoir, tout en précisant que des affinités se développement. «C’est un petit monde, l’incendie. Tout le monde se connaît.»

Par ailleurs, en une dizaine d’années, Julie Dubois en a vécu des interventions. Mais jamais une aussi particulière que le violent incendie survenu à l’entreprise Fruit d’Or, son précédent employeur. «Non seulement c’est le plus gros et le plus long feu, mais c’était aussi gros sur le plan personnel. J’ai vu l’entreprise naître. Quand j’y ai commencé, elle ne s’appelait pas Fruit d’Or. J’ai vu la  transition, les agrandissements et toute l’évolution de l’entreprise», exprime-t-elle.

Gravir les échelons

En devenant pompière au SSIRÉ, Julie Dubois a fait figure de pionnière et tracé la voie à d’autres. «Ça a fait des petits, c’est plaisant», souligne-t-elle, tout en précisant que les casernes de Lyster et de Villeroy comptent aussi une femme dans leur rang, sans compter une nouvelle recrue à la caserne de la Paroisse de Plessisville. D’abord pompière, Julie a accédé au grade de lieutenant en 2014, un titre lui conférant un rôle particulier, soit la responsabilité d’une équipe sur le terrain lors des interventions.

Puis, récemment, elle voit s’ouvrir le poste de capitaine. Elle soumet sa candidature, passe les tests, les simulations et l’entrevue. Et elle est choisie, devenant ainsi capitaine en septembre dernier. «Le capitaine joue un rôle différent. Un chapeau davantage de gestion d’intervention. On se salit moins les mains», explique-t-elle, tout en avouant un petit pincement au cœur de s’éloigner de l’intervention directe. «J’avoue que ça me titillait de me couper de l’intervention parce que je suis une fille d’action. J’ai une belle équipe dynamique, travaillante et passionnée. On est habitué de travailler ensemble», fait-elle remarquer.

La nouvelle capitaine se voit encore servir sa communauté et sa population pendant un bon moment. «Je vois mon nouveau chapeau comme une opportunité d’en faire encore plus pour mes casernes de Villeroy et de Lourdes, et de mettre l’épaule à la roue pour le service au complet», indique Julie, une fille de changement qui n’apprécie pas se faire dire «qu’on a toujours fait ça de même».

«Pourquoi ne pas tenter une nouvelle façon de faire, si ça peut aller mieux? Je vois le travail, j’aime ça quand ça bouge. Il faut que ce soit motivant pour tous», plaide la capitaine qui salue l’ouverture de son groupe. «Une belle équipe de travaillants, des passionnés ouverts, toujours partants à essayer des choses. Mine de rien, on pratique tous ce métier par passion, car personne ne vit de ça comme pompier à temps partiel», observe Julie Dubois qui, depuis 2012, occupe un emploi à temps plein à la MRC de L’Érable. Sa nouvelle fonction, elle le voit comme un beau défi qui survient plus tôt que prévu. «Je ne m’attendais pas à ce que ça arrive aussi rapidement. Mais j’ai sauté sur l’occasion», conclut-elle.