Sablière d’Arthabaska : à la Ville de protéger et de préserver son écosystème
Il y a quelques mois, nous nous demandions si Victoriaville ferait honneur à sa réputation de chef de file en développement durable en lien avec un mégaprojet immobilier de 330 unités d’habitation (réduit depuis à 300) projeté sur le site de la sablière d’Arthabaska. Ce site, rappelons-le, se trouve au cœur d’un écosystème riche en biodiversité formé par un boisé centenaire (le Boisé-des-Frères-du-Sacré-Cœur), la rivière Nicolet ainsi que des marais.
La fragmentation de cet écosystème par l’implantation d’un nouveau quartier aura assurément un effet perturbateur sur la biodiversité qu’il accueille, dont certaines espèces vulnérables comme l’hirondelle de rivage et la tortue serpentine. Il est donc clair pour nous que l’ensemble de ce lieu, et tout particulièrement la portion où le promoteur souhaite construire ses unités d’habitation, doit être conservé et devrait être consacré à la mise en place d’un parc nature destiné à préserver l’habitat de la faune et la flore en présence, la quiétude du secteur ainsi que le patrimoine historique de ce lieu.
Or, malgré le manque flagrant d’acceptabilité sociale, qui s’est traduit au cours des derniers mois par des dizaines d’interventions aux périodes de questions des séances du conseil municipal, une pétition ayant recueilli plus de 1500 signatures ainsi que différentes actions de mobilisation, le maire et le conseil municipal persistent et tout porte à croire qu’ils vont signer.
Il faut dire que le maire Antoine Tardif le veut depuis longtemps son « quartier signature ». À la suite de son élection par acclamation à l’automne 2021, la Ville a présenté son plan stratégique quinquennal au printemps 2022 dans lequel on retrouve deux orientations très explicites à cet égard, à savoir : 1) « Créer un quartier signature en harmonie avec l’environnement naturel du territoire » et 2) « Accompagner les promoteurs immobiliers dans l’élaboration de leur concept d’aménagement pour renforcer l’intégration de composantes écologiques à leurs projets ». Il n’est donc pas surprenant que le maire et le conseil municipal appuient le projet et agissent comme s’ils en étaient eux-mêmes les promoteurs.
Il est désolant de constater que les plus fervents défenseurs du « développement durable » sont aussi ceux qui sont les plus prompts à affirmer que l’environnement, l’écologie et la biodiversité n’ont pas ou peu de valeur intrinsèque et que leur destruction n’a pas ou peu d’effet comme ce fut le cas lors du dévoilement des études environnementales par le promoteur le 9 janvier dernier. Le cas du projet de la sablière d’Arthabaska démontre ainsi pourquoi ce concept est de plus en plus critiqué et remis en question. Même la directrice du Bureau du développement durable de Victoriaville, Sophie Séguin-Lamarche, reconnaît que ce concept, et d’autres comme ceux de « justice climatique ou de transition écologique sont devenus des fourre-tout sans substance, incapables d’inspirer une mobilisation collective ».
Si ce projet n’est pas durable d’un point de vue environnemental et écologique, il ne l’est pas davantage d’un point de vue économique et fiscal. À court terme, ce développement immobilier permettra certes d’augmenter le parc d’habitations, d’agir sur la pénurie de logements et à la Ville de tirer de nouveaux revenus afin de maintenir les comptes de taxes les plus bas possible. À moyen et long termes, toutefois, ce nouveau développement se traduira par des besoins en infrastructures et en services qui nécessiteront de nouvelles dépenses qui devront être comblées par de nouveaux revenus. Deux choix seront alors possibles : augmenter les taxes municipales et/ou développer de nouveaux projets immobiliers. Selon la logique de l’administration municipale actuelle, le choix est clair : prioriser le développement immobilier. Mais jusqu’où toute cette logique nous mènera? Toute une réflexion à ce sujet s’impose.
D’ici là et comme l’écrit la directrice du Bureau du développement durable : « ce qui compte, ce sont les actions. Et ces actions ne viendront pas d’en haut. Elles émergeront de nos quartiers, de nos écoles, de nos entreprises locales. Elles prendront forme dans les décisions quotidiennes de millions de citoyens. Chaque geste, aussi petit soit-il, contribue à bâtir un réseau de résilience plus vaste, plus fort ». La Ville de Victoriaville a donc tout intérêt à écouter sa fonctionnaire et ses citoyens pour ainsi prendre toutes les actions requises et utiliser tous les moyens nécessaires pour assurer la protection et la préservation de l’écosystème de la sablière d’Arthabaska.
En conclusion et pour répondre à la question de départ : est-ce que la Ville de Victoriaville fera honneur à sa réputation de leader en développement durable? Peut-être, mais pour ce que ça vaut… En contrepartie, est-ce que la Ville de Victoriaville saura s’imposer comme un chef de file de la conservation et de la restauration des écosystèmes et de la biodiversité? Rien n’est moins sûr.
Collectif « Sauvons la sablière d’Arthabaska »
Victoriaville