Victoriaville : alimenter l’hôtel de ville par des véhicules électriques

La Ville de Victoriaville a été sélectionnée pour un défi innovation avec une filiale d’Hydro-Québec, Cléo, qui fera de Victoriaville la première ville au Canada à mettre à l’essai une borne V2X, une borne bidirectionnelle. Cette technologie permet d’alimenter un bâtiment en énergie grâce au courant électrique renvoyé par la batterie de l’auto en cours de chargement.

Cette bonne nouvelle, les autorités municipales l’ont apprise au début du mois de juin. Il s’agit ici d’une nouvelle technologie testée pour la première fois au pays.

Les véhicules électriques, habitués de recevoir de l’énergie, pourront maintenant en fournir à des bâtiments en cas de besoin.

« On connaît les bornes de recharge régulières où les citoyens branchent leurs véhicules électriques pour recevoir de l’énergie. Ici, on renverse complètement la tendance. Les citoyens pourraient se rendre à une borne de recharge V2X pour donner de l’énergie », expose le maire de Victoriaville, Antoine Tardif.

Mais le véhicule branché emmagasine aussi de l’énergie. Un logiciel dans la borne fait en sorte que le véhicule n’est jamais vidé et s’assure qu’il est toujours en mesure de rouler et de parcourir une distance intéressante. Il module la charge, la recharge et le don d’électricité, précise-t-on.

C’est à l’hôtel de ville qu’on positionnera la première borne comme banc d’essai. « On pourrait ainsi avec les véhicules électriques alimenter la borne qui elle alimenterait le bâtiment municipal. Cette façon de faire, avance le maire Tardif, peut rendre les bâtiments municipaux résilients en période de catastrophes naturels et de pannes de courant. »

L’hôtel de ville a été choisi comme premier lieu, car il abrite notamment le centre de mesures d’urgence. Mais si tout se passe comme prévu, d’autres bâtiments pourraient posséder une telle borne, comme le poste de pompiers Fernand-Giguère, un lieu névralgique, le Centre communautaire d’Arthabaska et les bibliothèques municipales, par exemple.

« L’objectif est la mise à l’essai de cette nouvelle technologie et si cela s’avère concluant, cela pourrait faire en sorte de doter partout, au Québec, les bâtiments, les édifices institutionnels de cette technologie qui viendrait protéger, sécuriser les bâtiments et amener son lot de bienfaits en période de crise », fait valoir le premier magistrat.

La Californie a déjà mis cette technologie à l’essai. « Et ça fonctionne bien, constate le maire Antoine Tardif. À Victoriaville, on aime toujours être les pionniers, les premiers, être à l’avant-garde. Nous allons la déployer chez nous.

Il n’y a rien qui porte à croire que ça ne fonctionnera pas. C’est juste que, de façon responsable, avant un déploiement à grande échelle, car il y a tout de même un coût, on veut la tester pour une première fois ici même à l’hôtel de ville. »

Ce projet représente un investissement de 350 000 $ financé à parts égales par la Ville et son partenaire Cléo. « On souhaite tout mettre en place si possible d’ici la fin 2024, au plus tard 2025 », précise le maire.

Une mini-révolution?

Le projet qui s’amène pourrait, sait-on jamais, laisser présager une sorte de mini-révolution dans la province alors qu’on entend beaucoup parler d’efficacité énergétique, estime Antoine Tardif.

« L’idée avec les bornes de recharge, c’est de faire en sorte, en se projetant dans le temps, que ça ne soit plus seulement des bornes pour fournir de l’électricité, mais aussi des bornes qui soient en mesure d’emmagasiner de l’électricité pour la retransmettre dans un édifice. Imaginons à Victoriaville, dit-il, avec le nombre de véhicules électriques que nous avons sur le territoire, advenant des bornes comme celles-là déployées un peu partout et qu’une panne survient, les propriétaires de véhicules pourraient se rendre à un bâtiment et donner de l’énergie pour une cause communautaire, pour les mesures d’urgence, pour un centre communautaire, par exemple. Si le projet s’avère concluant, c’est ni plus ni moins qu’une petite révolution qui se mettrait en place dans toutes les municipalités du Québec basée sur l’initiative et le partenariat de Victoriaville et de Cléo. »

Actuellement, on dénombrerait, à Victoriaville, quelque 1500 véhicules électriques. Le territoire compte plus d’une cinquantaine de bornes de recharge. On en retrouve à tous les bâtiments municipaux, entre autres.

Les statistiques révèlent que Victoriaville fait bonne figure au pays quant au nombre de véhicules électriques par 1000 habitants. Le taux à Victo s’établit à 4,9 véhicules par 1000 habitants, plus du double de la moyenne canadienne de 2,3.

Pourquoi Victo?

Tout part de l’organisme à but non lucratif IVÉO qui agit comme courtier d’innovation et facilite le maillage entre les besoins des villes partenaires et les meilleures solutions disponibles afin d’accélérer le développement de territoires plus intelligents et plus durables.

Les municipalités peuvent donc y déposer des projets, ce qu’a fait Victoriaville. Ensuite les entreprises privées peuvent se mailler avec une municipalité.

C’est ce qui s’est passé. Cléo, une filiale d’Hydro-Québec, a vu le projet de Victoriaville et a entrepris la démarche.

« J’ai discuté avec les représentants de Cléo récemment. Il était tout naturel pour eux de conclure un partenariat avec Victoriaville, considérant le volet développement durable de la Ville de Victoriaville, les innovations que nous avons réussi à mettre en place au fil des ans. Il s’agit vraiment d’un beau partenariat avec un joueur provincial d’envergure qui risque de mettre Victoriaville à l’avant-plan encore une fois comme un lieu d’innovation, cette fois-ci dans la transition énergétique », se réjouit le premier magistrat.

« Ça fait partie de notre stratégie, poursuit-il, et on est très avant-gardiste au niveau du déploiement des bornes de recharge pour encourager les citoyens à faire la transition vers les véhicules électriques lors de leur prochain achat. Mais avec ce projet, on pousse la technologie et la réflexion encore plus loin avec cette nouvelle façon de faire qui permettrait non seulement d’électrifier nos véhicules, mais aussi nos bâtiments. »

Le maire fait remarquer que présentement, en cas de panne de courant, la Ville doit utiliser des génératrices au diesel, des appareils polluants. « Quand on parle d’être vert, d’avoir des bâtiments qui sont alignés avec l’efficacité énergétique, on montrerait ainsi clairement l’exemple. »

Puisque les transports font partie des plus grands contributeurs au gaz à effet de serre (GES), Victoriaville, exprime le maire, veut donc « mettre en place tous les facilitants pour que les gens fassent la transition et qu’on ait un impact sur nos émissions ».

La stratégie de la Ville prévoit, en cas de panne, le recours à ses propres véhicules électriques pour alimenter ses bâtiments. « Avec notre propre flotte, on pourrait facilement venir contribuer à l’électrification des bâtiments municipaux et ensuite, au besoin, on pourrait même faire appel aux citoyens », lance le maire Tardif.

Les citoyens pourraient même éventuellement avoir droit à une redevance pour leur contribution. « C’est quelque chose qui est à l’étude, mais ce n’est pas le cas actuellement. Ce sera évalué par Hydro-Québec », conclut Antoine Tardif.