Une rentrée judiciaire sous le signe de la coopération

Coopération, partenariat et collaboration, cette notion du travail d’équipe ressort des allocutions des nombreux invités qui se sont exprimés en fin de journée, mercredi, à l’occasion de la rentrée judiciaire du Barreau d’Arthabaska qui célèbre d’ailleurs ses 140 ans d’existence.

Pour l’occasion, le Barreau d’Arthabaska a accueilli, non seulement plusieurs de ses membres, mais également six représentants de la magistrature, la bâtonnière du Québec et la cheffe de la direction de la Fondation du Barreau du Québec.

C’est sous le thème Un Barreau rassembleur que la bâtonnière du Barreau d’Arthabaska, Me Maude Tessier, souhaite orienter ses efforts et ses actions pour la prochaine année. « Dès mon arrivée dans le district d’Arthabaska en 2021, j’ai été à même de constater l’exemplarité du travail accompli par la magistrature et par nos membres pour accompagner les justiciables, a-t-elle indiqué. Je tiens à mettre en lumière notre désir constant de réinventer, sans toutefois dénaturer, la justice d’aujourd’hui via l’implantation de nouvelles procédures et projets-pilotes qui sont et seront essentiels afin d’optimiser le temps de cour mis à notre disposition. »

La bâtonnière a salué l’apport inestimable des différents intervenants, de même que l’efficacité et le dévouement de tout le personnel des palais de justice qui s’assurent du bon déroulement des audiences malgré l’enjeu criant de la rétention de personnel.

En ce 140e anniversaire du Barreau d’Arthabaska, Me Tessier a invité ses membres à célébrer leur rigueur, leur engagement et leur dévouement. « Vous faites partie de cette histoire et vous avez tous contribué au rayonnement du Barreau d’Arthabaska. Pour la prochaine année, je souhaite renforcer le sentiment d’appartenance de nos membres. Votre présence en si grand nombre aujourd’hui est de bon augure pour les prochaines activités prévues à notre calendrier », a-t-elle souligné.

Une première

Pour une toute première fois, la Fondation du Barreau du Québec, créée en 1978, a été invitée à se présenter à la communauté juridique lors d’une rentrée judiciaire, a fait remarquer Me Anne-Marie Poitras, cheffe de la direction de l’organisme.

« La Fondation du Barreau du Québec marque la volonté de la communauté juridique de donner une place importante à l’avancement du droit et au soutien des études en droit. Ces deux piliers, l’avancement du droit et le soutien à la relève juridique sont au cœur de notre mission », a-t-elle expliqué.

Ainsi, la Fondation œuvre concrètement à faire avancer le droit notamment par son programme de subvention à la recherche, par ses concours juridiques pour reconnaître la qualité et la pertinence de certains écrits juridiques et par des conférences sur le Web où chercheurs et professeurs partagent leurs réflexions et constats sur des sujets de droit variés et nouveaux.

« Les projets de recherche que nous soutenons couvrent notamment les sujets novateurs et branchés sur les enjeux sociaux, comme le pouvoir juridique des émojis, la judiciarisation de l’itinérance, les enjeux légaux liés au marketing d’influence et les récents changements sur l’identité de genre dans le Code civil », a souligné Me Poitras.

Quant à la relève juridique, l’accessibilité à la profession constitue un défi, insiste-t-elle. « Nous croyons que toute personne caressant le rêve de devenir avocat devrait pouvoir y accéder, peu importe son parcours. Pour certaines personnes cependant, le chemin peut être plus difficile et c’est leur détermination et leur persévérance qui leur permettront de réaliser leur rêve », a fait valoir Me Poitras.

Ainsi, pour aider les jeunes issus de différents milieux à y parvenir, la Fondation offre des bourses axées sur la persévérance, plutôt que sur l’excellence.

L’an prochain, l’organisme doit lancer de nouvelles bourses pour des stages en région en raison des besoins criants dans un contexte de pénurie d’avocats en dehors des grands centres. « Certaines régions particulièrement touchées par le manque de relève ont été identifiées, comme l’Abitibi, la Côte-Nord, le Bas-Saint-Laurent, la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine. Même dans la région de Victoriaville et ailleurs, cette relève peut être en demande. On prendra le temps de bien élaborer cette bourse pour s’assurer qu’elle réponde bien aux besoins de chacune des régions. Nous croyons que la justice doit être accessible à toute personne, peu importe sa localisation géographique. Et si la Fondation peut contribuer à attirer la relève en région, ce sera mission accomplie », a lancé Me Poitras.

La cheffe de la direction était notamment accompagnée par Me Ann Marie Prince, ex-procureure aux poursuites criminelles et pénales à Victoriaville qui exerce maintenant sa profession à Montréal, mais toujours membre du Barreau d’Arthabaska. Elle siège aussi comme administratrice au conseil d’administration de la Fondation du Barreau du Québec.

Une collaboration essentielle

Le thème de la rentrée évoque, pour le président du Jeune Barreau d’Arthabaska, Me Marc-André Pitre,  un appel à la solidarité et à l’efficacité collective. « Le travail collaboratif est pour moi l’un des piliers importants sur lequel repose notre système de justice. Chaque intervenant, du juge aux avocats, en passant par les greffiers et tous les auxiliaires de justice, joue un rôle primordial dans le déroulement du processus judiciaire. Ensemble nous formons un maillon essentiel de notre société, a-t-il fait valoir. Le dialogue et le respect mutuel entre avocats, juges et acteurs du système judiciaire permettent de bâtir une justice des plus harmonieuses et des plus efficaces tout en maintenant un climat favorable au développement de la pratique des jeunes avocats. »

Les nouveaux défis qui se présentent nécessitent selon lui un travail main dans la main. « La concertation entre les différents acteurs, le partage des expériences et des compétences et la recherche constante de solutions innovantes sont des éléments essentiels pour faire face aux différents enjeux. Notre objectif commun est de faire en sorte que le système judiciaire fonctionne, non seulement avec rigueur, mais aussi avec compassion, équité et efficacité. Soyons les artisans de cette vision et ensemble continuons à bâtir un système judiciaire qui fait honneur à nos valeurs et à notre engagement », a-t-il plaidé.

Pour sa part, Me Claudia Chabot de Thetford Mines, présidente de l’Association des Barreaux de province, a évoqué la problématique du manque de relève en région. « Il est fondamental pour les justiciables d’être entendus et jugés dans leur district judiciaire. L’accessibilité aux tribunaux et aux juges pour traiter des urgences, par exemple, est aussi essentielle pour les avocats pratiquant en région. Les services judiciaires doivent être de même qualité et efficacité autant dans les grands centres qu’en dehors de ceux-ci », a-t-elle exprimé, tout en saluant les efforts de toutes les cours afin d’être présentes dans l’ensemble des districts judiciaires du Québec, mais aussi pour le maintien des relations privilégiées avec les avocats, peu importe l’endroit de leur pratique. « Vous pourrez toujours compter sur notre association pour travailler avec vous à la bonne reconnaissance et à l’amélioration de notre système de justice », a fait savoir Me Chabot.

La bâtonnière du Québec

Le Barreau du Québec célèbre ses 175 ans, a relevé la bâtonnière Me Catherine Claveau. « Ça fait donc 175 ans que notre Barreau est une institution humaine au service de la population et conséquemment de la justice. Une institution qui change avec son temps et qui reflète aujourd’hui l’évolution de la diversité du Québec », a-t-elle noté.

Si, par exemple, l’assermentation des femmes au Barreau n’a pas toujours été un droit acquis, la bâtonnière signale que les femmes représentent maintenant 57% des membres. « Nous devons continuer d’approfondir l’accès à la profession à toutes les diversités, a-t-elle soutenu. Nous poursuivons nos actions réelles liées à la protection et à l’accompagnement du public issu de la diversité. Nous pouvons nous réjouir que le Barreau du Québec soit humain et moderne.

Notre souci de mieux servir la justice en protégeant et en accompagnant les personnes les plus vulnérables de notre société continuera de motiver plusieurs de nos travaux dans la prochaine année. »

Le Barreau du Québec se penchera aussi, a-t-elle dit, sur l’intelligence artificielle qui propose des opportunités inédites pour améliorer l’efficacité et l’accessibilité au système de justice. « Toutefois, elle nous impose une responsabilité accrue de protection des justiciables. Il nous faut garantir que ces nouvelles technologies soient utilisées de manière éthique et respectueuse des droits fondamentaux », a-  t-elle prévenu.

Son organisation, par ailleurs, poursuivra ses efforts et revendications en lien avec le manque criant de financement de notre système de justice. « Ce sous-financement a un impact sur les délais et prive les plus défavorisés d’une expérience de justice à laquelle ils ont droit. La justice ne peut être rendue pleinement sans les ressources nécessaires », a affirmé Me Catherine Claveau tout en insistant sur le travail d’équipe. « Ensemble continuons à œuvrer pour un système de justice qui soit à la hauteur des attentes de tous. C’est à travers l’engagement collectif que nous pouvons garantir une justice équitable et accessible pour tous », a-t-elle terminé.

La parole aux magistrats

Quatre des six juges, qui ont pris part à cette rentrée judiciaire, ont pris la parole, à commencer par François Dugré, juge coordonnateur de la région 3 à la cour municipale de la Ville de Québec.

Le juge Dugré a soulevé la récente réforme législative, une transformation visant à améliorer l’efficacité et la cohérence des cours municipales et ultimement à offrir une meilleure offre de services aux citoyens.

Le Québec compte 89 cours municipales et plus de 70 juges. « Au Québec, les cours municipales oeuvrent depuis 1851. Elles ont souvent été des plus innovantes, faisant preuve d’une approche humaine et avant-gardiste. Il y a près de 30 ans, a-t-il rappelé, c’est au sein d’une cour municipale québécoise qu’a été créé le tout premier tribunal spécialisé en matière de violence conjugale au Québec. Il a aussi servi de modèle aux réformes récentes du système de justice québécois. Les cours municipales ont donc été des pionnières dans l’établissement des tribunaux spécialisés en santé mentale, reconnaissant ainsi la nécessité d’adapter la justice aux besoins spécifiques des populations les plus vulnérables. »

Pour le juge Dugré, les besoins des citoyens doivent être placés au cœur des préoccupations. « La justice ne se mesure pas uniquement par le nombre de décisions rendues, mais aussi par la manière dont elles sont rendues. Il est de notre devoir de créer un environnement dans lequel chaque citoyen se sente entendu et respecté. Tous méritent une justice accessible, efficace et surtout profondément humaine », a-t-il mentionné.

Cour du Québec

Juge coordonnateur à la Cour du Québec pour la région Mauricie-Bois-Francs-Centre-du-Québec, David Bouchard a qualifié de très approprié le thème de la rentrée. « Se rassembler définit parfaitement les caractéristiques de votre Barreau qui couvre trois districts judiciaires, trois régions de coordination à la Cour du Québec, quatre régions administratives, neuf MRC et près de 70 villes, villages et municipalités. Mais c’est aussi se rassembler afin d’offrir des services de justice de proximité si importants au bénéfice des justiciables de nos milieux », a-t-il dit.

Le juge Bouchard, comme ses collègues, a constaté la solidarité présente dans le Barreau d’Arthabaska. « Cela est tout à votre honneur, a-t-il noté, et ça contribue à créer un environnement de travail agréable et respectueux d’autrui, surtout aujourd’hui dans un contexte où le virtuel prend de plus en plus d’espace dans l’univers judiciaire. »

Tout en encourageant les avocats à poursuivre leur participation aux différents modes alternatifs de résolution des conflits, le juge Bouchard observe aussi la présence plus grande de la technologie dans le système judiciaire. « Nous devons l’accepter tous ensemble dans le but ultime d’améliorer le service aux citoyens », a-t-il commenté, tout en informant les membres du Barreau sur la mise en place prochaine d’un projet-pilote de cour régionale de comparution virtuelle. « Pour Victoriaville notamment, cela va signifier la disponibilité quotidienne d’un juge en matière criminelle. Plus de détails suivront cet automne », a-t-il fait savoir.

Cour supérieure du Québec

Juge coordonnateur pour le district d’Arthabaska de la Cour supérieure du Québec, Philippe Cantin a partagé, pour sa part, les objectifs principaux pour l’année à venir.

À l’occasion des 175 ans de la Cour supérieure, les juges, a-t-il fait part, ont participé en 2023-2024 à un grand chantier de réflexion.

« De cet exercice s’est dégagé un premier constat : le système de justice est d’abord au service et au bénéfice des citoyens. Comment rendre des services réellement adaptés aux besoins des citoyens? », a exposé le magistrat.

La Cour supérieure, a-t-il signalé, entend se concentrer sur cinq priorités stratégiques, dont la simplification et l’harmonisation des processus administratifs susceptibles de réduire les délais, les coûts et favoriser une meilleure compréhension du fonctionnement du système et le maintien de la confiance du citoyen envers le système judiciaire.

L’optimisation et l’utilisation des technologies font aussi partie des objectifs de la Cour supérieure qui suit également de près les progrès en matière d’intelligence artificielle.  « Le grand défi dans tout ça est que la technologie demeure au service des citoyens et non que les citoyens soient à la remorque de la technologie », a précisé le juge Cantin.

Fournir le soutien et l’accompagnement nécessaire aux juges pour assurer un exercice serein de la fonction judiciaire, mieux faire connaître les domaines d’activités et modes de fonctionnement du tribunal figurent parmi les priorités.

D’ailleurs, à cet effet, des juges iront visiter des écoles et des cégeps.

Autre élément important, enfin : cultiver la profession en région. « Les citoyens peu importe où ils se trouvent sur le territoire doivent avoir accès à une justice de proximité et de qualité », a soutenu le juge coordonnateur, ajoutant vouloir continuer à faire des régions des milieux accueillants et inspirants pour continuer de rendre une justice de proximité en lien avec les réalités. 

Les défis à relever, croit-il lui aussi, nécessitent l’engagement de tous les acteurs du système. « C’est en travaillant ensemble que nous contribuerons, dans un contexte parfois difficile, à maintenir un lien de confiance du citoyen envers le système de justice. »

Une justice humaine

De son côté, Mélanie Roy, juge en chef adjointe à la Chambre de la jeunesse de la Cour du Québec, participait pour la première fois, à ce titre, à une rentrée judiciaire. « Cette rentrée permet un moment de réflexion pour la communauté juridique et une belle occasion de réitérer notre volonté de coopération », a-t-elle souligné.

La magistrate a salué au passage les avocats et avocates du Barreau d’Arthabaska pour leur travail et leur dévouement quotidien afin de maintenir un système de justice efficace et digne de confiance.

Après la présentation de la nouvelle équipe de direction à la Cour du Québec, la magistrate a confié vouloir placer au cœur de son mandat les dossiers relatifs aux enfants, à la santé mentale, aux personnes vulnérables ainsi que ceux relatifs à la justice rendue auprès des Premières Nations et des Inuits.

Bien que la justice soit en constante évolution et même si les pratiques et les rôles se transforment, a-t-elle observé, un principe demeure : la justice doit conserver son caractère humain. « N’oublions jamais que le droit est une science humaine et que nous sommes tous au service des citoyens. Voilà ce qui est attendu des juges, de la compétence, certes, mais aussi de l’humanité », a-t-elle exprimé.

Selon elle, les magistrats doivent être hautement qualifiés, professionnels et indépendants. « Mais les compétences en droit ne suffisent pas, les compétences  et qualités humaines sont essentielles. Oui pour le savoir-faire, mais aussi le savoir-être. »

La juge Roy qualifie de primordiale l’importance du perfectionnement des juges. « Je vous assure qu’à la Cour du Québec les programmes de formation aident à enrichir les connaissances juridiques et à perfectionner leurs connaissances en matière de réalité sociale, de diversité culturelle et sexuelle. »

La coopération, dans son esprit, constitue également un élément essentiel. « La coopération est également une pierre angulaire du système judiciaire. La Cour du Québec entend consolider sa relation de partenaire avec tous les acteurs du système afin d’atteindre l’objectif commun de rendre la justice plus simple, plus efficace.

Les tribunaux à cet effet ne peuvent agir en vase clos. Ils peuvent heureusement compter sur le dévouement de tous les acteurs du système judiciaire. »

La juge Roy a souligné l’esprit de collaboration du Barreau du Québec.  « Vos propositions et votre apport en vue d’améliorer le système sont un gage de réussite. Vous pouvez compter sur la Cour du Québec afin de rendre notre système plus accessible, plus simple et plus efficace. Je vous souhaite une bonne année judiciaire, une année enrichissante, productive, efficace et coopérative », a-t-elle conclu.

La bâtonnière du Barreau d’Arthabaska, Me Maude Tessier, dans son mot de la fin, a remercié tous les invités. « Merci d’avoir accepté de donner généreusement de votre temps. La pertinence de vos allocutions, vos messages trouveront écho dans notre pratique pour la prochaine année », a-t-elle terminé.