Une champignonnière dans un ancien magasin de meubles

En démarrage depuis une année maintenant, l’entreprise Umami champignon, propriété de Steve Rousseau, se veut un excellent modèle d’agriculture urbaine. En effet, la champignonnière s’est installée dans un bâtiment qui a abrité de nombreuses années un magasin de meubles.

C’est dans le secteur Defoy de la municipalité de Daveluyville que le trentenaire, originaire de Victoriaville, a trouvé le lieu pour se lancer, à sa manière, dans l’agriculture. Mais avant d’en arriver là, Steve a bourlingué à travers le Canada. « J’étais dans l’Ouest canadien et je tournais en rond », a-t-il confié. Ainsi, après avoir visité des fermes dans ce coin du pays, il a décidé de revenir dans la région et de réaliser sa technique de gestion et technologie d’entreprises agricoles, profil légume biologique au Cégep de Victoriaville. 

Pendant ses trois années d’études, il n’a pas cessé de travailler, ce qui lui a permis d’acheter une terre à Saint-Antoine-de-Tilly. « Le plan initial était d’avoir une ferme maraîchère », indique-t-il. Mais à la suite d’un cours de recherche, lors duquel il a étudié les champignons, il s’est intéressé au sujet qu’il a pu explorer avec un plan d’affaires qui faisait partie des travaux du cours. Cela l’a amené à rencontrer des gens avec de l’expérience dans cette culture particulière. Il faut également dire que sa terre, au sol argileux, nécessitait une préparation de quelques années avant d’être propice à la culture maraîchère, donc un bon prétexte pour tenter autre chose en attendant.

Il a donc poussé son apprentissage du côté des champignons, avec différentes formations au Québec et du travail sur le terrain dans l’Ouest. Tout cela lui a permis d’obtenir une expertise lui permettant de faire un véritable plan d’affaire en 2022 et de demander du financement. Au départ, il souhaitait construire des bâtiments neufs, mais à la suite de la pandémie, le budget était largement dépassé par la hausse des coûts. Il a donc commencé à magasiner et a trouvé le bâtiment de 4412 pieds carrés (assorti d’une maison et d’un second bâtiment à l’arrière d’une superficie de 5600 pieds carrés, mais non isolé) qu’il a acquis en décembre 2023. Une fois l’achat fait, il a dû attendre que la Municipalité modifie le zonage de l’endroit afin d’y permettre la culture de champignons.

Pour l’aider dans son démarrage, il a élaboré une série de vêtements aux couleurs de son entreprise (pour hommes et femmes) qu’il vend d’ailleurs toujours sur sa page Web. Il a également organisé des visites de sa ferme et propose des formations aussi.

Sept variétés

Rapidement, il est parvenu à mettre en place une salle de culture et une chambre froide. Il a commencé par la culture de huit espèces différentes et, à ce jour, il a en éliminé une seule. Cela fait en sorte que chez Umami (goût délicieux et savoureux en japonais) champignon, on fait la production du pleurote jaune, gris, perle noire, du shiitaké, de la pholiote adipeuse, du pioppino ainsi que de la crinière de lion. Tout cela dans deux salles de fructification. Pas de champignon de Paris dans sa production, ce marché étant sous un monopole.

Steve produit actuellement à partir de mycélium (l’appareil végétatif sur lequel pousse le champignon) qu’il se procure au Québec (sauf pour le shiitake qui provient de l’Ontario), mais son objectif est d’en arriver à produire lui-même ces blocs qui permettent aux champignons de pousser grâce à des conditions d’humidité, de température, de ventilation et de lumière contrôlées. Il confie avoir présentement un peu de difficulté à obtenir une régularité dans ses récoltes, mais travaille à trouver des solutions dans ce domaine où l’expertise, dans la province, est assez rare.

Même s’il produit depuis quelques mois seulement, il est parvenu à cultiver jusqu’à 400 livres de champignons par semaine au cours de l’été. On a pu s’en procurer notamment du côté des Allées Champs et à la Ferme des Possibles. « Là, je suis davantage à 150-200 livres hebdomadairement », mentionne-t-il. Il faut dire que les marchés fermiers ont fermé leurs portes pour l’hiver et qu’il ne lui reste donc plus que les distributeurs alimentaires pour vendre ses produits. 

C’est par eux que certains restaurants servent des champignons québécois, mais Steve voudrait bien faire connaître ses produits dans des cuisines de la région, ce qui semble difficile pour le moment. Il souhaiterait aussi qu’on puisse acheter ses champignons dans les supermarchés de la région, ce qui demande de longues démarches.

Dans son entreprise, Steve Rousseau est unique propriétaire pour le moment. Sa mère et le conjoint de celle-ci viennent lui donner un coup de main, particulièrement pour rénover les locaux, tout comme son père qui vient aussi donner de son temps. Il a donc toute la production sur les épaules, de même que la livraison. Cela lui demande tout son temps, en plus de ses projets d’agrandissement qui lui permettront d’augmenter la superficie de production en plus d’aménager un laboratoire et un système de pasteurisation pour le mycélium qu’il envisage de faire. Il songe actuellement, et fait des démarches en ce sens, à fusionner avec une autre champignonnière, ce qui permettrait de partager les risques et les avantages.

Donc, même s’il conserve sa terre à Saint-Antoine, il n’a pas l’intention d’y faire la culture maraîchère à court terme. « Mais je la garde » insiste-t-il. Steve se trouve bien au Centre-du-Québec, d’où il peut facilement rayonner dans une grande partie de la province. Il estime qu’il y a de l’avenir dans la culture des champignons puisque chez les consommateurs, le goût pour cet aliment se développe. En plus, cette production agricole se réalise toute l’année, même dans notre climat nordique, ce qui est un avantage notable. Pour Steve, qui s’était donné comme défi de démarrer sa ferme il y a sept ans, il faut trouver un nouvel objectif. « Je veux couper l’importation de l’Ontario et de la Chine », espère-t-il, en parlant des champignons bien entendu. Il estime qu’il y a véritablement un marché à prendre et que, pour ce faire, il faut être compétitif.

Il continue d’avoir plein d’idées et de projets en tête, notamment d’installer des serres de culture maraîchère qui pourraient être alimentées par la chaleur générée par le mycélium ou encore d’ouvrir une boutique. « Je n’ai pas l’intention de ralentir », termine-t-il.