Transat Québec-Saint-Malo : Alex Turcotte réalise un rêve

Natif de Maddington Falls où habitent toujours ses parents, Alex Turcotte a, non seulement, vu un rêve devenir réalité en participant à la Transat Québec-Saint-Malo, mais il a remporté cette prestigieuse épreuve avec son groupe, l’équipe Atlas du skipper Gilles Barbot, un équipage de 16 personnes.

Partie de Québec le 30 juin à destination de Saint-Malo, en France, l’équipe Atlas, qui se mesurait à 27 autres équipages, a parcouru en 15 jours pas moins de 5400 km avant d’arriver bon premier à destination, premier dans sa classe, mais aussi toutes classes confondues. « Nous étions tous très fiers », commente-t-il en entrevue téléphonique avec le www.lanouvelle.net.

Alex Turcotte et ses coéquipiers affichaient une certaine confiance au départ de la course. « D’une part nous étions une bande d’amateurs compétitifs, mais dans l’équipe, certains sont des professionnels de la course au large. Nous avions un équipage compétent et compétitif et un bateau performant », souligne-t-il. Un bateau construit en 2009 au coût de 15 M $ US et comportant un mât de 125 pieds. « On tentait cependant de demeurer humbles et pragmatiques par rapport à nos chances », confie-t-il.

L’équipe Atlas a connu un excellent départ avec son embarcation longue de 70 pieds, ce qui lui a permis de prendre l’avance. « Mais nous avons perdu beaucoup de temps, environ six heures, lors du passage à Saint-Pierre-et-Miquelon en raison de l’absence de vent », relate-t-il.

Dans l’Atlantique, le groupe d’Alex Turcotte a retrouvé le devant du peloton. Puis, en empruntant une trajectoire plus au nord, l’équipe Atlas a perdu sa première place pendant une dizaine de jours.

Mais toute une fin de course se dessinait au grand plaisir des organisateurs. L’équipe Atlas a su revenir de l’arrière pour une fin de parcours très excitante au cours des quatre ou cinq derniers jours. Alex Turcotte et ses coéquipiers ont réussi à franchir la ligne d’arrivée vingt minutes avant la deuxième équipe. « C’est l’équivalent d’une photo-finish d’une longueur de nez pour une course de 400 m par exemple, fait remarquer le Maddinois d’origine. C’était très serré. Une douzaine de bateaux sont arrivés très rapidement. Les organisateurs de la course étaient très contents parce que ça a fait un beau spectacle d’avoir une fin de course aussi regroupée après plus de 5000 km. Ça a ajouté au spectacle et au suspense. »

Il faut savoir que les vainqueurs peuvent parfois arriver une ou deux journées d’avance sur les autres.

Le matin de la fin de la course, Alex Turcotte et les autres membres de l’équipe n’ont jamais ralenti la cadence. « Jusqu’à environ 30 minutes de la fin, nous restions très calmes et très concentrés, car tout était possible jusqu’à la fin. »

Une belle traversée

Après le départ de Québec, les membres de l’équipe Atlas, parvenus au golfe du Saint-Laurent, commençaient à ne plus apercevoir les autres bateaux.

« Trois ou quatre jours plus tard, au large de Terre-Neuve, se rappelle Alex Turcotte, le premier d’une autre classe est passé devant nous à environ deux kilomètres. On le voyait très bien. Le radar nous indiquait aussi d’autres équipes pas très loin. Par la suite, on n’a pas revu personne pendant cinq ou huit jours. »

Certains équipages, raconte Alex, ont vécu certaines situations difficiles. Un bateau a coulé, notamment, et un autre a dû regagner la terre ferme en raison d’une entrée d’eau importante. « En ce qui nous concerne, on a réussi à passer entre deux dépressions. On a connu une journée où ça a brassé un peu plus. Je me sentais comme une balle dans une laveuse, sinon on a quand même bénéficié d’un temps assez clément », fait-il savoir.

La préparation

L’équipage d’Atlas a pris part à un camp d’entraînement en décembre 2023 en prévision de la course de l’été 2024. « Tout le groupe s’est retrouvé à Vigo en Espagne. On a fait un voyage de Vigo jusqu’aux îles Canaries, un périple de 1500 km pour apprendre à se connaître et confirmer aussi nos positions sur le bateau », explique Alex Turcotte.

Plusieurs réunions d’équipe ont aussi été tenues en lien avec la logistique, l’organisation, les rôles et responsabilités de chacun. « Il y a eu beaucoup de préparation théorique et beaucoup d’organisation. Moi j’étais responsable de la logistique au Québec et j’étais l’un des trois aubergistes pour planifier la nourriture pour 16 personnes pendant 15 jours. Un bon défi », affirme-t-il.

Même s’ils pensaient franchir la distance en 10 ou 12 jours, il y avait, selon Alex, assez de bouffe pour peut-être 18 et même 20 jours. « Or, les gens mangeaient beaucoup au début, de sorte qu’à cinq jours de la fin, on a dressé un inventaire et il nous a fallu passer un peu plus en mode rationnement et établir des règles », note-t-il en riant.

Sur le bateau, Alex Turcotte oeuvrait principalement au chariot d’écoute pour les grandes voiles pour les différents ajustements, pour enlever ou augmenter la puissance des grandes voiles. « On travaille à aller chercher le maximum de vitesse avec des ajustements », signale-t-il.

Intéressé depuis l’adolescence

Ce ne sont pas les plans d’eau qui abondent dans le petit village de Maddington Falls.

Pourtant, l’intérêt d’Alex Turcotte pour la voile se manifeste à l’adolescence. « Je me souviens d’avoir suivi Gerry Roufs et d’avoir été marqué par son décès. D’ailleurs, dit-il, la classe dans laquelle nous avons fait la Transat portait son nom en son honneur. »

Dans la voile, l’adepte apprécie « ce sentiment d’exploration et de liberté ». La vraie piqûre pour la voile, Alex Turcotte l’a eue à l’âge de 23 ans sur les eaux au large de Cape Code. « Cela m’a convaincu que je voulais en faire dans ma vie.

Finalement, j’ai fait mon brevet élémentaire et mon stage en 2011 et acheté mon propre voilier en 2014. Depuis ce temps, je fais de la course toutes les semaines sur le lac Saint-Louis à Montréal. Certains vont jouer au golf, moi je fais ma course de bateau », énonce-t-il.

Alex Turcotte a joint les rangs de l’équipe de course Atlas en 2019. Il devait, en 2020, effectuer la Transat Québec-Saint-Malo, mais la pandémie a eu raison de l’épreuve qui a été annulée.

« J’ai continué en 2022, toujours avec Atlas, pour voir mon intérêt et ma capacité à faire de la course plus au large, à partir pour plus d’une journée et dormir à bord. Une course de la sorte, c’est quand même assez militaire comme organisation, explique-t-il. Cela exige de la discipline. On fonctionne par quarts de travail de trois ou quatre heures, suivis d’une période pour dormir, manger et se reposer. On fait cela de manière très disciplinée pour s’assurer d’avoir toujours un bon niveau d’énergie, sinon tu crées une dette d’énergie et de sommeil qui nuira à la longue. »

Alex Turcotte se considère chanceux d’avoir pu vivre pareille expérience qu’il avait en tête depuis son adolescence. « Peu de personnes peuvent avoir la chance de le faire. Il faut vouloir, être déterminé et il faut que les astres soient alignés. Ça a été le cas pour moi cette année », exprime-t-il.

Toute personne intéressée, souligne-t-il, peut contacter l’équipe Atlas fondée par Gilles Barbot, un François arrivé au Québec il y a plus d’une vingtaine d’années dans le but de promouvoir, favoriser et développer l’intérêt de la course au large chez les Québécois et les Canadiens. « Tout le monde qui a de l’intérêt peut les contacter, mais pour de telles courses, il y a plus d’appelés que d’élus, indique Alex Turcotte. La nature de l’organisation est de développer les compétences, de bâtir un bassin d’équipiers qui ont des compétences pour de telles compétitions. Une certaine sélection se fait donc en vue d’une course comme la Transat Québec-Saint-Malo. Il y a les compétences de voile, certes, mais aussi les personnalités. Le but est de bâtir une équipe unie, avec une bonne chimie. Comme n’importe quel sport, il ne s’agit pas seulement de posséder les compétences techniques, il faut s’assurer également d’une bonne cohésion dans l’équipe. »

Alex Turcotte compte bien reprendre le large un bon jour, d’ici deux ou trois ans peut-être. Des compétitions comme Fastnet Race ou le RORC Carribean 600, une course de 600 milles dans les Caraïbes, le tentent beaucoup. Mais, pour le moment, il s’accorde une pause pour passer du temps en famille.