« L’improbable conversation » : l’histoire d’une famille et d’une époque

Les neuf enfants de la famille Garand, cette dernière originaire de Saint-Valère, sont très unis et soudés. Une fratrie qui a toutefois fait face à un grand deuil qui est raconté dans le roman touchant intitulé « L’improbable conversation ».

Le livre écrit par Chantal et Dominique Garand (publié chez Tête Première) sera lancé le 18 mai à 14 h à la salle municipale de Saint-Valère. Il s’agit d’un lieu hautement significatif pour cette famille puisque c’est dans ce village qu’a vécu et est décédée, en 1961, la mère (Marguerite Tremblay) des neuf enfants, ces derniers alors âgés entre 17 ans et 7 mois. Si cette histoire est signée par les deux plus jeunes de la famille, les autres enfants ont pris part à la démarche qui avait comme objectif de revenir sur ce deuil dont la majorité ont fait abstraction au fil du temps. 

Les souvenirs de ce décès qui a bouleversé leur vie et leur quotidien étaient rares jusqu’à ce qu’ils prennent le temps (50 ans plus tard), tous ensemble, de partager ce dont chacun se souvenait. Le livre contient donc, en plus des mots des deux auteurs, des témoignages des autres membres de la famille. Il permet ainsi de mettre en lumière les différents points de vue et montrer qu’un même événement peut être vécu différemment par chacun.

Rencontrés à Victoriaville à quelques jours du lancement, Chantal et Dominique ont fait le point sur ce premier livre qu’ils ont écrit en duo. Il faut pour commencer rappeler que Chantal Garand, bien qu’originaire de Saint-Valère, réside en Norvège depuis 2003. L’écrivaine a publié son premier roman en 2018 (Natalia Z.), a reçu plusieurs reconnaissances. En 2023, avec sa nouvelle « Résonnance », elle a participé au collectif « Hors de soi ». Elle revient donc avec ce livre intime et personnel dont elle partage l’écriture avec son frère Dominique. Ce dernier réside à Beloeil, est professeur en études littéraires à l’UQAM et auteur de quelques essais. Il a publié son premier roman, « Florence, reprise », en 2015.

Les deux plus jeunes ont donc voulu, dans ce roman, raconter l’enquête qu’ils ont menée auprès de leurs frères et sœurs  (Madeleine, Monique, Jacinthe, Claire, Louis, François et Maurice) pour remettre des réminiscences sur cet événement tragique, entouré de silence jusqu’alors et qui a fait de cette femme, partie trop tôt, une icône que les deux écrivains ont voulu « humaniser » en quelque sorte.

Lorsque le décès est survenu, leur père Roland, bien qu’atterré par sa perte, a toutefois fait en sorte que la vie se poursuive pour les enfants. « Il a fallu ravaler les émotions, donc il n’y a pas eu de deuil familial », a découvert Chantal. C’est Monique, alors âgée de 16 ans, qui s’est occupée des deux plus jeunes qui avaient alors 4 ans pour l’une et 7 mois pour l’autre. Ensuite, le plus jeune a été confié à une tante le temps que Roland se remarie avec Germaine Verrette que les enfants ont dès lors appelée leur « nouvelle maman ».  

Ils se sont inspirés, comme le souligne Dominique, d’une importante correspondance de même que d’un journal familial où les parents Garand (qui ont d’ailleurs vécu une grande et belle histoire d’amour) notaient les événements importants en lien avec la famille et les lettres écrites par les autres enfants aussi. On peut d’ailleurs lire différents extraits dans « L’improbable conversation ».

Le livre est aussi une occasion de mettre en lumière une autre époque où la religion catholique était omniprésente et les sentiments de même que les émotions refoulés.

Cette réflexion familiale est née d’un texte écrit par Chantal il y a quelques années sur ce décès maternel alors qu’elle n’avait que 4 ans. Elle s’interrogeait sur l’événement dont elle avait peu de souvenirs. Elle a fait parvenir le texte aux autres membres de sa famille, ce qui a lancé le processus de lucidité, comme ils le disent eux-mêmes, une mise en perspective dont le résultat est maintenant publié, et ce, une cinquantaine d’années après le décès de Marguerite.

Ce roman est à la frontière du récit. Il pourrait même être caractérisé comme une autofiction collective. Il a nécessité beaucoup d’introspection de la part des frères et sœurs et ceux-ci ont accepté de se lancer dans ce périlleux retour en arrière. 

« L’improbable conversation » se veut donc une réflexion de fond sur la maternité et le patriarcat dans les années 60′ grâce à une histoire de famille de la région qui s’ouvre ainsi aux lecteurs.

Le livre sera disponible au lancement de même qu’en librairie dès le 13 mai.