L’expérience humaine du Dr Patrick Laguë au Gabon

L’optométriste victoriavillois, le Dr Patrick Laguë, a vécu, du 20 janvier au 1er février, « une grande expérience humaine » à Lambaréné au Gabon en Afrique centrale. Pour l’optométriste de 36 ans d’expérience, il s’agissait de sa toute première participation avec la fondation Iris Mundial qui a pour mission d’améliorer la santé visuelle des personnes vulnérables dans les pays en voie de développement en leur donnant accès à des services ophtalmologiques préventifs et curatifs.

Dr Laguë a donc pu, avec l’organisme, aider des centaines et des centaines de gens à mieux voir le monde. « J’y ai vécu un voyage enrichissant, unique et plein de compassion. Nous étions attendus et ils nous ont fait un accueil chaleureux aux allures d’un grand événement dans la ville », souligne-t-il. 

Sur place, le Dr Laguë a fait la rencontre d’un « peuple jovial, résilient et vouant un grand respect à ses aînés, entre autres… » 

Attablé au café Farniente du centre-ville de Victoriaville, non loin de la clinique où il exerce sa profession, Patrick Laguë raconte au www.lanouvelle.net qu’il s’était toujours promis, quand son horaire le lui permettrait, qu’il accompagnerait, un jour, les gens d’Iris Mundial qu’il connaît bien d’ailleurs. « Les fondateurs sont des amis, des chums de classe. Je leur avais manifesté mon intention de leur donner du temps à un certain moment. »

L’optométriste a donc joint les rangs d’une équipe bénévole multidisciplinaire composée notamment de 11 optométristes, 3 ophtalmologistes et de 4 ou 5 opticiens, des professionnels d’un peu partout au Québec. Le groupe avait pour rôle d’offrir des examens de la vue, des lunettes de prescription et lunettes solaires, de même que des médicaments oculaires.

Invité par la Fondation Internationale de l’Hôpital du Docteur Albert Schweitzer, le groupe a été reçu à l’hôpital Albert Schweitzer de Lambaréné, une ville située à l’ouest du Gabon, sur les rives du fleuve Ogooué. « Nous étions à environ 240 km de la capitale où nous avons atterri. Il nous a fallu faire cinq heures et demie de route pour parvenir à Lambaréné, une ville d’environ 38 000 habitants », relate Patrick Laguë.

Bon nombre de Gabonais aussi ont dû en faire du chemin pour aller à la rencontre des Québécois. « Des gens ont fait plusieurs heures de route pour venir nous voir. On était très attendus, observe le Dr Laguë. La première journée, la longue file d’attente comptait plus de 300 personnes. Une dame que j’ai vue vers 16 h 30, à un moment donné, s’était levée à 4 h du matin pour avoir sa chance. » Une chance qui n’a pas souri à tous. Certains ont dû revenir le lendemain. Mais au final, le groupe a reçu 1900 personnes, des gens de tous âges. Pendant cinq jours, quelque 1800 Gabonais ont bénéficié des services de l’équipe. « La dernière et sixième journée, nous nous sommes rendus effectuer du dépistage dans une école où l’on a vu une centaine d’enfants », précise le Victoriavillois.

Chaque professionnel avait son rôle à jouer. Patrick Laguë a constaté une belle synergie. « On était chacun à nos postes pour faire en sorte d’être efficace. Pour voir autant de gens, il fallait être ordonné. « En fin de journée, s’il y avait embouteillage à un endroit, tous se rendent pour aider », signale-t-il.

Le Dr Laguë avait été affecté au tri et aux tests préliminaires. Il se trouvait en quelque sorte au début de la chaîne. « Après l’inscription et l’acuité visuelle, il y avait moi. Mon travail consistait à prendre la pression des yeux et à vérifier la force de l’œil », explique-t-il. 

Chaque professionnel apportait ses instruments de base pour pouvoir être autonome dans son travail. « Nous ne disposions pas de tous les instruments, mais on avait les principaux pour pouvoir faire du dépistage. On amène des instruments de base, chacun doit être autonome dans ce qu’il offre, autant au niveau survie, sécurité et au niveau des instruments dont on a besoin pour faire le travail. Mais les gros instruments ce sont ceux d’Iris Mundial dans les entrepôts. »

Les participants à cette mission de coopération internationale apportent aussi dans leurs bagages des milliers de paires de lunettes. « Des lunettes usagées que nous donnent les gens et à qui on remet 20 $ de rabais pour l’achat de leurs lunettes. Nous avions avec nous près de 7000 lunettes, sans compter près d’une trentaine de caisses d’instruments, de contenants et de médicaments », confie le Dr Laguë tout en rappelant, au passage, que février constitue le mois d’Iris Mundial. Durant tout le mois, pour chaque monture vendue, un montant de 10 $ est versé pour la mission caritative d’Iris Mundial dont l’action s’étend aussi au Sénégal, au Pérou et en Haïti.

« J’en ai fabriqué aussi sur mesure, m’occupant particulièrement de lunettes d’enfants. Mais on a aussi acheté des paires », fait-il savoir.L’optométriste victoriavillois, au cours de ses six jours de pratique en sol gabonais, a vu des gens de tous âges, de très jeunes enfants jusqu’aux aînés. « Nous avons vu un grand nombre de problèmes, des cas particuliers aussi. J’ai notamment constaté beaucoup de glaucomes, un problème qui, s’il n’est pas traité, peut dégénérer et mener à une perte de vision », précise-t-il. 

Expérience positive

Patrick Laguë se réjouit de sa participation à cette aventure positive, malgré des imprévus. « Ce qui est prévisible dans un voyage de la sorte, c’est qu’il y aura plein d’imprévus, dit-il avec philosophie. Il faut pratiquer l’art de gérer les imprévus. »

Une anecdote le démontre lorsqu’il décide d’aller se dégourdir en s’adonnant à la course. « Mais rendu à l’hôtel, il n’y avait plus d’eau pour me doucher. Je n’y avais pas pensé à celle-là. Il faut vivre avec les aléas », commente-t-il.

Les professionnels du Québec ont pu compter sur la présence de bénévoles locaux dans chacune des salles de travail. Certains ont assuré la traduction. « Dans tout le Gabon, il y a 50 dialectes. Une de nos bénévoles connaissait une dizaine de dialectes grâce à son travail qui l’amène dans différentes régions. Ces gens-là nous ont été précieux pour faire en sorte qu’on puisse bien s’intégrer. Si les jeunes en général parlent français, les personnes plus âgées le parlent un peu, mais reviennent vite à leur langue », observe le Dr Laguë.

L’optométriste qualifie de valorisant le travail accompli. En même temps, confie-t-il, il y a ce choc vécu d’avoir laissé des gens en plan, des Gabonais qui n’ont pu être vus. « On éprouve ce sentiment d’avoir aidé, mais aussi cette dualité de déchirement. C’est ce qui est crève-cœur dans la mission, de laisser des gens de côté. Mais on ne pouvait tout faire. »

Certes, les besoins sont immenses, de sorte que les intervenants peuvent peut-être percevoir leur action comme une goutte dans l’océan. « Mais un de mes amis m’a dit : on s’en va allumer des étincelles. J’aime cette image. On est allé pour aider et voir comment faire pour qu’ils s’en sortent différemment, pour qu’ils puissent s’aider eux-mêmes, d’où la formation qui est aussi dispensée », conclut Patrick Laguë.