Les Allées Champs : le rêve de Joanie Desrochers devenu réalité
Depuis ses débuts en 2017, rue Marcel à Saint-Christophe-d’Arthabaska aux limites de Victoriaville, la ferme maraîchère à taille humaine Les Allées Champs en a fait du chemin semant des nouveautés, comme l’autocueillette de fleurs instaurée l’an dernier. Et la ferme construit actuellement une toute nouvelle serre.
Les Allées Champs, c’est d’abord une affaire de famille, la famille Desrochers avec à sa tête Joanie et sa sœur Gabrielle, son bras droit.
Le projet des Allées Champs, c’est le rêve de longue date de Joanie. « J’avais déjà pensé faire ça il y a très longtemps, mais mon père m’avait alors un peu découragé. Il me disait que c’était un dur métier et qu’il était difficile d’en vivre », se rappelle Joanie qui a grandi sur la ferme laitière familiale tout juste à côté.
Joanie Desrochers a bifurqué alors vers un autre domaine, la gestion d’établissement de restauration, dans lequel elle a œuvré pendant environ deux ans.
Puis, un reportage de La Semaine verte avec Jean-Martin Fortier, à l’origine des Jardins de la grelinette, une microferme biologique, a eu l’effet d’une bougie d’allumage. « Ça a rallumé l’envie, confie la fermière. Je me suis informée, j’ai suivi plusieurs formations pendant deux ou trois ans. Puis en 2016, j’en ai parlé plus sérieusement à mes parents. Nous sommes allés visiter les Jardins de la grelinette et quand ils ont vu ce que c’était, mes parents ont été convaincus. »
L’année suivante, c’était le coup d’envoi pour les Allées Champs.
« La première année, on a construit la toute petite serre. Le kiosque, au début, c’était un gazebo. On avait mis deux murs et un frigo. C’était le kiosque libre-service, sans commis, où les clients se servent et paient. À ce moment, personne vraiment ne savait ce que c’était. À peine quelques fermes au Québec proposaient cette façon de faire. On innovait, on me regardait un peu croche », se souvient Joanie Desrochers en riant.
C’est notamment ce qui la distingue, une offre comme on n’en voyait peu ou pas auparavant, des légumes bio proposés en libre-service en kiosque ouvert sept jours par semaine et même les jours fériés de 8 à 20 h. « Quand j’ai instauré mon kiosque à la ferme, c’est ce que je voulais, offrir de la flexibilité aux gens. Faire en sorte qu’avoir accès à des légumes bio, ça ne soit pas contraignant », note-t-elle.
Bien au-delà de la certification officielle, il n’y a jamais eu pour Joanie d’autres façons « qui avaient du sens ». « Si on peut le faire comme ça, je ne vois pas pourquoi on le ferait en conventionnel. Ça a toujours clair dans mon esprit. »
L’établissement agricole des parents n’était peut-être pas bio, fait remarquer Joanie, mais ils ne pratiquaient pas vraiment l’agriculture conventionnelle. « Ça fait longtemps qu’ils avaient cessé d’utiliser des engrais chimiques pour les champs. Ils étaient très rationnels sur l’utilisation des antibiotiques, des médicaments pour le troupeau et l’utilisation des pesticides. C’est donc un peu comme dans mon bagage », exprime Joanie Desrochers.
À la fin de la première année, le kiosque s’ajoute à la ferme Les Allées Champs. Un an plus tard, on s’affaire à la construction de la plus grande serre devenue fonctionnelle à la troisième année d’exploitation. « On a ainsi doublé la superficie en jardins », précise Joanie.
La construction de la salle de conditionnement prend fin en 2021, un lieu, comportant une chambre froide et qui sert à la préparation, au lavage et à l’emballage des légumes. « On était bien heureux d’avoir une telle salle. Surtout pour les débuts et les fins de saison, quand il fait froid, on apprécie avoir une place fermée, chauffée. »
La nouvelle serre que construit le père de Joanie permettra de devancer la saison. « Au printemps la clientèle est très prête à sortir de l’épicerie et à venir chercher des légumes frais. Tout le monde a hâte. Tout ce qui se trouve dans les deux serres se retrouveront dans la nouvelle. Les deux autres deviendront plus des serres froides pour démarrer la saison plus tôt », explique la fermière.
Cette serre sera plus ergonomique, plus performante. « Le système de contrôle climatique sera plus performant, ça va beaucoup me libérer. Le nerf de la guerre pour nous, c’est le temps.Toutes les petites opérations qu’on peut éliminer, c’est ce qui fait un moment donné qu’on peut passer à travers la saison sans se brûler. »
Le jardin de fleurs, lui, est nouveau depuis l’année dernière. Ouvert à l’autocueillette, la population a somme toute bien répondu cet été. « Mais on n’a pas tellement poussé, on y va petit à petit pour voir les besoins, ce qu’on y met et comment on l’organise. Au début c’était plus timide, mais ça a été populaire plus la saison avançait », note Joanie Desrochers.
Une entreprise de taille humaine
La ferme Les Allées Champs emploie quelque quatre ou cinq employés, ce qui plaît bien à Joanie. « C’est la grosseur qu’on aime, c’est juste une belle équipe. On a trouvé notre zone de confort. »
Elle sait bien qu’un plus grand nombre d’employés représente plus de gestion et d’encadrement. « À un moment, tu ne travailles presque plus aux champs. Moi, j’ai démarré cette entreprise parce que c’est ce travail que je voulais faire. J’ai bien sûr développé des compétences de gestion, j’aime aussi cet aspect, mais je ne voudrais pas faire que ça non plus. Rester dans un bureau n’a jamais été l’objectif », souligne-t-elle.
Les quelque 35 variétés de légumes que propose la ferme Les Allées Champs ne se retrouvent que sur place. « C’était l’objectif depuis le début de vendre juste au kiosque », indique Joanie Desrochers.
Mais au départ, avant la COVID, les Allées Champs, pour se faire connaître, ont notamment participé aux rendez-vous gourmands du centre-ville en plus d’une visibilité à Mon marché. « J’ai fourni aussi des restaurants pendant un an ou deux.
On a également fait une fois la Balade Gourmande. Tout cela a contribué à nous faire connaître. Mais l’objectif consistait à demeurer chez nous. C’est ce qui est le plus simple et, de plus, on est à côté de la ville », mentionne la fermière.
En plus des récoltes produites par les Allées Champs, la clientèle retrouvera au kiosque des produits provenant d’autres producteurs régionaux. « Je ne m’approvisionne que des producteurs locaux, du Centre-du-Québec », soutient Joanie.
Tout ce qui est fruitier vient d’ailleurs, notamment, mais également d’autres légumes que la ferme ne cultive pas elle-même.
Des discussions avec d’autres producteurs l’an dernier ont permis de faire la part des choses. « Pour nous, cela simplifie la gestion au champ, fait remarquer Joanie. J’étais rendue au point où si je voulais garder la diversité que j’ai à mon kiosque, sans grossir, je n’avais pas le choix de déléguer quelque chose. »
Transmission du savoir
Joanie Desrochers se fait un plaisir d’accueillir sur ses terres des gens de la relève, des étudiants et étudiantes en agriculture. « Quand on a démarré, se remémore-t-elle, nous sommes allés en visiter des fermes. C’est un élément clé quand on développe sa ferme de voir ce qui se fait déjà, de constater ce qui a fonctionné pour certains ou ce qui n’a pas fonctionné. De voir aussi des personnalités de gestionnaire, cela permet de voir d’autres styles et de prendre des décisions. »
La communauté maraîchère bio, observe-t-elle, « est super ouverte, prête à transmettre son savoir, ses connaissances. Il n’y a pas de secret gardé ».
« Les gens sont très ouverts et ça a beaucoup fait partie de notre formation au fil du temps. Et en même temps, des fermes maraîchères bio, on veut qu’il y en ait plus, que ça se développe », affirme Joanie.
Et la compétition? « Présentement, ça ne nuit pas, dit-elle. Et plus il va y en avoir, plus les gens vont avoir envie d’y aller, plus ils vont y penser. »
Y aura-t-il d’autres projets après la grande serre? « On a encore de l’espace, reconnaît-elle. Mais quand je regarde à long terme, avec la nouvelle serre, nos besoins et ce qu’on a envie de faire, on va être bon pour un bout. »
Surtout pas question de cultiver à l’année. « Ça a toujours été non. J’aime avoir ma coupure à la fin de l’automne. De toute façon, avec mes tomates que je démarre fin février, la saison morte n’est pas si longue. »
Une saison morte qui permet d’apporter, si nécessaire, des améliorations aux équipements et structures, et de s’adonner à tout ce qui est administration, comptabilité, gestion de l’inventaire, commandes et planification pour l’année suivante.
Démarrer l’entreprise n’a pas été de tout repos, mais pas de regret. « Mon choix, c’était le bon, mais on ne savait pas dans quoi on s’embarquait cependant » rigole Joanie. Elle l’aurait fait en sachant même tout ce que ça comportait.
Mais elle fait preuve d’une grande reconnaissance envers ses parents qui ont consacré beaucoup d’heures sans même qu’elle le leur demande. « Disons que ça a fait une grande différence. Je leur dois tout ce qui est infrastructures. C’est eux qui ont fait ça. Je n’avais pas de connaissances là-dedans. »
La nouvelle serre de 580 mètres carrés, Joanie pensait la faire construire avec certaines subventions. « Mon père s’est exclamé : ça coûte bien trop cher à faire construire, je vais la faire. »
Encore l’esprit de famille…