« Le plus beau et le plus ambitieux projet » de Philippe et Stéphane
En couple depuis une quinzaine d’années, Philippe Marcotte, natif de Victoriaville, et Stéphane La Verdure, deux entrepreneurs habitués de mener de gros projets, souhaitent maintenant réaliser « leur plus beau, leur plus gros et leur plus ambitieux projet », comme ils l’affirment dans une vidéo : celui de fonder une famille en ayant recours à une mère porteuse.
Cela s’appelle, dans le jargon du gouvernement du Québec, la grossesse pour autrui, résultat d’un projet parental d’une personne seule ou d’un couple (parents d’intention), domicilié au Québec, ayant le souhait d’avoir un enfant.
Pour ce faire, la personne seule ou les parents d’intention font appel à une femme (la mère porteuse) qui accepte de porter volontairement l’enfant.
Des règles encadrent la grossesse pour autrui afin de mettre en place un cadre clair et sécurisant qui permet de protéger les droits de l’enfant à naître et ceux de la mère porteuse.
Le désir d’avoir des enfants a été toujours présent chez Philippe Marcotte, copropriétaire de cinq restaurants St-Hubert, dont ceux de Victoriaville. « Quand j’ai dévoilé mon homosexualité à la fin de l’adolescence, je me disais que je n’allais pas avoir d’enfants. C’est ce que j’ai trouvé le plus difficile parce que mon désir d’en avoir était quand même déjà grand », raconte-t-il.
Mais il était bien clair dans son esprit qu’il ne les voulait pas trop tôt. « J’avais des objectifs de carrière et pour deux gars, contrairement aux femmes avec leur horloge biologique, on peut se permettre de les avoir un peu plus tard. Je visais entre 40 et 45 ans. À ce moment, la carrière est établie, la situation financière va bien. Et c’est important d’être présent pour un enfant », confie l’homme de 40 ans.
Avec son amoureux de 42 ans, un entrepreneur en construction, Philippe Marcotte a privilégié l’avenue de la femme porteuse plutôt que l’adoption. « On a le goût de se voir un peu plus dans nos enfants, que ce soit notre génétique finalement. C’est notre objectif. »
Un long chemin
Le couple parle de ce projet depuis maintenant un an. Il savait, dès le départ, qu’un tel projet nécessite de nombreuses démarches. « Ça fait un an qu’on en parle, qu’on s’informe, qu’on rencontre des gens. J’ai fait des recherches sur Internet, j’ai assisté à des webinaires. On le savait que ce serait difficile. On a rencontré des amis, on s’est assis avec eux pour voir comment cela s’est passé. On s’attendait à une aventure périlleuse », admet Philippe, beaucoup plus actif depuis six mois avec Stéphane dans ce projet. « On a vraiment avancé plus sérieusement. »
Dans une vidéo sur les réseaux sociaux, Philippe et Stéphane ont révélé leur projet, soulignant qu’ils étaient issus de grandes familles tissées serrées et qu’ils trouvent magiques les moments passés en famille. « Le but était de faire parler le plus possible de notre projet et d’avoir des gens qui nous contactent », mentionne Philippe.
La vidéo a porté fruit. Deux femmes se sont manifestées, intéressées à participer à leur projet de famille. Malheureusement, cela n’a marché. « Il y a tellement de possibilités que ça ne fonctionne pas, note Philippe. C’est plus l’inverse, alors si un jour, on y arrive, on sera comme surpris. »
Dans le premier cas, des contre-indications médicales ont fait en sorte que ça ne pouvait aller.
Quant à la deuxième candidate, elle n’a pas réussi à franchir le test psychologique. « Ils vont fouiller dans le passé pour que tout soit réglé. Il faut quand même être en bonne santé mentale », souligne le Victoriavillois d’origine qui habite maintenant à Cowansville.
Malgré la déception, Phillipe et Stéphane ne baissent pas les bras et poursuivent la recherche. La vidéo a été relancée. Peut-être finalement s’inscriront-ils sur une liste. « Ce n’est pas ce qu’on préférait. On voulait voir un peu en dehors, mais il existe des agences. Ce sera notre prochaine option si les démarches n’aboutissent pas. On peut se placer sur une liste, indique Philippe. Les agences ont des femmes porteuses. Ce n’est pas une énorme banque, mais ils les aident, ils scrutent des vidéos, des fiches d’inscription pour voir si le tout peut correspondre parce qu’il doit y avoir une bonne chimie entre la femme porteuse et les futurs parents. On devient un peu complices et amis à travers la démarche. Et même après l’accouchement, il faut s’entendre sur ce que sera la présence de la femme porteuse dans la vie de cet enfant. »
Si leur rêve devient réalité, le couple compte bien être transparent. « Nous sommes très ouverts et on veut vivre dans la vérité, expliquer, ne rien cacher et la femme pourrait voir l’enfant à l’occasion. Ce n’est pas de l’avoir une semaine sur deux, mais de le voir à l’occasion, à sa fête, par exemple, ou quelque chose comme ça. C’est quelque chose qui va se développer naturellement, des liens vont se développer », assure Philippe Marcotte.
Ils l’ont vécu d’ailleurs avec les deux candidates potentielles. « On avait déjà créé des liens rapidement. Tout le monde était déçu que ça ne marche pas. »
Si une femme s’intéresse au projet, elle peut contacter le couple directement. « L’étape initiale la plus importante est qu’on se parle, qu’on se rencontre avant de faire quoi que ce soit, expose Philippe. C’est ce qu’on a fait avec les deux premières. On va souper ensemble et on discute non seulement du projet, mais aussi de nos vies, de nos valeurs. Par la suite, on laisse un peu de temps, puis on se rappelle. »
Advenant le feu vert pour le projet, le processus prend la forme de rencontres d’information obligatoires, d’un suivi psychologique et médical. « Une fois qu’on s’entend pour aller de l’avant, il faut prévoir six mois. Ça prend six mois pour franchir les étapes, six mois si tout se passe bien », mentionne-t-il.
« On va acheter un lot d’ovules et ils vont faire les embryons. Est-ce que ça va marcher? Sinon, on rachète un autre lot. Si ça marche, on a des embryons, alors on pratique une insémination, est-ce que ça fonctionne? Sinon, on peut procéder à une autre insémination. Cela requiert beaucoup de résilience, fait valoir Philippe. Ce n’est pas un processus où on avance toujours, on recule bien souvent. »
Avoir recours à une mère porteuse représente, par ailleurs, des coûts importants pour la banque d’ovules, pour les embryons en laboratoire et l’insémination. Sans compter les contrats avec un notaire, des contrats à intervenir avec la donneuse d’ovules, avec la femme porteuse. « Malgré cela, si une femme porteuse arrive à terme et décide de ne pas donner l’enfant, le contrat ne donne pas grand-chose », confie Philippe.
De plus, la loi interdit de rémunérer la femme porteuse. « Mais on peut rembourser toutes ses dépenses courantes liées au projet et elles doivent passer entre les mains du notaire », précise le restaurateur.
Vie de famille
En vivant tout ce processus, Philippe Marcotte et Stéphane La Verdure ont pu réfléchir à la vie de famille, à ce qu’ils feraient de différent avec un enfant. « Finalement, on a réalisé qu’on ne ferait pas grand-chose de différent. Nous aimons les voyages et on peut quand même voyager avec un enfant. Ce n’est pas un obstacle. Au contraire, un enfant amplifie la beauté de la vie », exprime Philippe qui, tout comme son conjoint, ne baisse pas les bras. « On continue », lance-t-il, conscient que le facteur chance existe dans pareille aventure.
Et si la chance ne se manifestait pas avec le recours de la femme porteuse? Se tourneraient-ils alors vers l’adoption? Question sans réponse pour le moment. « Difficile d’y répondre. Il se pourrait qu’on dise non finalement. On a de grandes familles, on a plein de neveux et de nièces. Mais on a encore du temps, on est encore en mode solution », conclut-il.