Coup sûr pour « Les derniers des Asahis »
L’auteur victoriavillois Alain M. Bergeron vient de publier son premier roman destiné aux jeunes adultes et aux adultes. Intitulé « Le dernier des Asahis », le livre raconte la fin d’une mythique équipe de baseball britanno-colombienne, mais aussi un pan peu reluisant de l’histoire canadienne. Il saura à coup sûr toucher les lecteurs.
En entretien téléphonique, l’auteur de plus de 360 livres (majoritairement pour enfants) a indiqué que cette imposante publication de 420 pages lui aura demandé cinq années de recherches et de travail. Elle s’inspire de la véritable histoire du club de baseball les Asahis qui a joué son dernier match à l’été 1941. L’attaque de Pearl Harbor qui a suivi, en décembre, aura marqué à jamais les joueurs de cette talentueuse équipe, tous des Canadiens japonais qui ont par la suite été dépossédés et internés dans leur propre pays.
C’est par pur hasard qu’Alain M. Bergeron a découvert l’équipe, en allant au bureau de poste. C’est là qu’il est tombé sur ce timbre, piquant sa curiosité et l’incitant à faire quelques recherches, l’ancien journaliste en lui n’étant jamais bien loin. « J’ai été happé par le sujet, tout simplement, et j’étais loin de me douter dans quelle aventure je me lançais », confie-t-il. Découvrant cette histoire tragique, il s’est donné comme mission de la raconter à sa façon et de mieux la faire connaître, ayant remarqué qu’il n’y avait pas beaucoup de livres sur le sujet, à part peut-être un documentaire sur les Canadiens japonais. « Je savais alors que je m’engageais dans quelque chose de long. Je me suis senti une responsabilité d’écrire ce livre tout en m’interrogeant à savoir si j’étais la bonne personne pour le faire », a-t-il soulevé.
Si au départ il croyait simplement écrire sur la dernière saison de l’équipe, ce qui lui aurait simplifié la tâche, il a toutefois décidé d’ajouter une autre partie au manuscrit. Celle-ci en devient le cœur, alors qu’il raconte l’internement de cette population. Un sujet qui a eu des échos jusqu’au Québec puisqu’à la suite de l’isolement de ces citoyens, plusieurs d’entre eux ont choisi de venir refaire leur vie au Québec. « Où ils ont été admirablement accueillis, bien encadrés et ont trouvé du travail », ajoute-t-il.
On découvre ainsi le parcours singulier de Bobby Hiroshi Shuuto, personnage fictif qui, dans cette histoire, se retrouve avec plusieurs personnes ayant réellement existé, à vivre des événements réellement survenus. Un peu à l’image de Jack et Rose dans le film « Titanic », exemplifie-t-il. Les lecteurs peuvent ainsi suivre ce jeune homme, ses aspirations et rêves détruits par des événements contre lesquels il n’avait aucune emprise.
Du terrain Powel à Vancouver, où le jeune baseballeur aspirait à une belle carrière, en passant par des camps de détention, sans eau ou électricité, le récit raconte des conditions de vie extrêmes réservées à des citoyens qui étaient alors considérés comme de secondes zones et dont on souhaitait se débarrasser.
Des histoires de vie difficiles à comprendre, émouvantes et touchantes qui démontrent la résilience à toute épreuve de ceux qui y ont survécu. « J’en ai fait des cauchemars au fil de mes recherches », souligne l’auteur, tant les conditions de détention de ces gens étaient pitoyables. « Ils s’étaient bâtis des maisons, des fermes, des entreprises qui ont été vendues sans leur consentement et pour une bouchée de pain », déplore-t-il. Si bien que pour Alain, l’écriture de ce livre aura été éprouvante. « Il m’habite depuis cinq ans ce récit », ajoute-t-il en soulignant qu’à cette époque, 22 000 Canadiens japonais ont été expulsés de la Colombie-Britannique.
Pour Alain M. Bergeron, il s’agit ainsi de son plus imposant livre, celui sur lequel il a travaillé cinq ans et pour lequel il a recueilli le plus de documents. À un long travail de recherche et de préparation se sont ajoutés celui de rédaction puis différentes modifications. « J’avais commencé en écrivant au « je » puis j’ai changé pour un narrateur omniscient », raconte-t-il. Ensuite, ayant écrit le livre en utilisant le passé composé, l’éditeur a voulu qu’il le remplace par le passé simple, un temps de verbe qu’il n’a pas l’habitude d’employer.
Cela ne l’a pas empêché de se rendre jusqu’au bout, toujours avec cette crainte de ne pas rendre justice à l’histoire, aux faits. « Il ne fallait pas que je l’échappe parce qu’en même temps, je voulais rendre hommage à ces gens-là », a-t-il dit. Si pour lui chaque livre est important, celui-ci, de par sa forte charge historique, l’est encore plus. « Ça aura sûrement été le plus exigeant », reconnaît-il. Pas étonnant alors qu’il ait une place particulière dans son cœur et dans sa tête. « J’ai eu un pincement au cœur quand il est parti pour l’imprimerie, ce que je n’avais jamais ressenti avant », a-t-il fait savoir.
Il faut préciser que même si ce livre lui a demandé beaucoup d’efforts, de temps et d’énergie, il n’en a pas pour autant délaissé ses jeunes lecteurs à qui il a quand même offert, dans les cinq années, d’autres albums dans différentes collections. Mais on peut dire que ça aura été son projet principal des dernières années.
En librairie depuis quelques jours, le livre est intéressant autant pour les passionnés de baseball que les férus d’histoire. Son aspect social n’est pas non plus à négliger. Il est publié chez Druide et Alain M. Bergeron souhaiterait bien qu’il soit traduit en anglais et pourquoi pas en japonais afin qu’il puisse rejoindre le plus grand nombre de lecteurs, touchés directement ou indirectement par cette sombre période.