Après l’avoir créé et fait grandir 10 années, Dominique Laquerre quitte le Centre d’art Jacques-et-Michel-Auger

Le 19 décembre marquera la dernière journée de Dominique Laquerre au Centre d’art Jacques-et-Michel-Auger installé au Carré 150 de Victoriaville. L’artiste de Chesterville retournera dans ses terres afin de se déposer après avoir passé 10 années à la direction du centre d’exposition dont le besoin avait été exprimé par le milieu et lors d’études depuis des décennies.

C’est d’ailleurs avec un peu d’émotion qu’elle s’est rappelé tout le chemin parcouru pour en arriver au centre d’art qui a su faire sa place dans le monde artistique et dont la réputation transcende les frontières de la région. Si elle a participé à sa conception, sa mise en place et son évolution jusqu’à maintenant, Dominique espérait depuis longtemps ce centre de diffusion culturel dont on parle dans la région depuis 1985 (au moins) et qui a résulté, finalement, avec la construction du Carré 150 qui fêtera son dixième anniversaire en 2025.

Bien qu’elle ait milité en sa faveur depuis toujours, elle s’est jointe au conseil d’administration de Diffusion Momentum lorsque l’organisme s’est reformé en 2010 afin de devenir le diffuseur pour la construction et à l’opération des lieux qu’on connaît aujourd’hui. « À l’époque, on parlait de salles de spectacles, mais comme intervenante dans les arts visuels depuis de nombreuses années, j’avais toujours revendiqué un lieu professionnel pour les arts visuels dans le futur centre culturel. J’ai donc été amenée à défendre ce dossier et faire en sorte qu’il y ait un lieu pour les arts visuels », débute-t-elle.

Dominique a beaucoup fait pour que ce centre d’exposition voie le jour, avec tous les défis que cela comportait et y donc été impliquée dès les débuts et même avant. C’est ainsi que lorsque le poste de direction de ce centre d’art s’est ouvert, elle a tout naturellement remis sa démission du conseil d’administration et posé sa candidature qui a été acceptée. Il faut dire qu’outre sa carrière artistique, elle avait beaucoup d’expertise dans le domaine ayant fondé le Grave à Victoriaville et siégé sur différents conseils d’administration. Elle a donc relevé le défi de mettre en place, à partir de rien, ce centre d’art, une année avant son ouverture officielle. « J’ai aussi, pendant ce temps, fait un diplôme en gestion d’organisme culturel aux HEC », ajoute-t-elle.

Tout cela lui a permis de lancer, de la bonne manière et en respectant tous les critères ce centre qui a pris le nom de Jacques-et-Michel-Auger et qui a présenté, en septembre 2015, sa première exposition officielle, signée par la Victoriavilloise Annie Baillargeon. Depuis, elle n’a cessé de faire grandir le lieu d’exposition en y présentant environ une soixantaine d’expositions différentes (en plus de toutes les autres activités connexes), mettant de l’avant l’art contemporain. Des programmations riches proposant des projets de qualité, diversifiés afin de donner une voix à des artistes issus de la région, bien sûr, mais aussi de l’extérieur pour offrir de l’art sous toutes ses facettes. 

« Pour la première année, nous avions reçu une soixantaine de dossiers alors que cette année, nous en comptons 200 », dit-elle fièrement. C’est donc dire que le lieu d’exposition a acquis une bonne réputation dans le réseau, lui qui est agréé par le gouvernement depuis 2019 maintenant. Avec cette reconnaissance gouvernementale, d’ailleurs, est arrivé un financement supplémentaire qui a permis l’embauche de personnel supplémentaire. De deux personnes à temps partiel au départ, le centre d’art compte aujourd’hui sur trois ressources à temps complet.

Depuis 10 ans, donc, Dominique Laquerre a œuvré pour que l’endroit prenne son essor. Elle est parvenue à lui faire traverser la pandémie, avec grand succès d’ailleurs, en faisant preuve avec son équipe d’une grande créativité en offrant aux gens des expositions extérieures ou encore des événements artistiques respectant les consignes sanitaires. « Au lieu de nous décourager, nous avons fait plein de belles choses pour garder l’art présent », mentionne-t-elle.

La directrice a aussi proposé d’intéressantes et grandes expositions depuis l’ouverture du centre, notons seulement l’exposition sur le bronze, réalisée en 2017, un projet de grande envergure qui, outre Victoriaville, a rayonné en Abitibi, au Saguenay ainsi qu’à Montréal. Cette exposition figure d’ailleurs parmi les réalisations dont elle est particulièrement fière.

Mais depuis une année, voyant que le centre a atteint une belle vitesse de croisière, Dominique a commencé à évoquer son départ. « Les bases sont solides et c’est le temps pour une nouvelle génération d’entrer en action », indique celle qui a maintenant 65 ans. Sa successeure, Alexandra Tourigny Fleury, est déjà en poste et le transfert des connaissances et des savoirs est en cours jusqu’au 19 décembre, date qui marquera la fin de cet emploi que Dominique a tant apprécié. « Je crois beaucoup en l’équipe en place », dit-elle avec confiance. Dans tout ce parcours, Dominique insiste pour souligner l’appui indéfectible, depuis le début, de la codirectrice générale et artistique du Carré 150, Roxanne Genest. « Elle m’a épaulée et accompagnée, m’a fait confiance et a cru dans l’importance d’un centre d’exposition en arts visuels contemporains à Victoriaville. Elle a toujours été là pour le défendre et le soutenir », apprécie-t-elle.

La suite

Ce sera alors le moment pour elle de se déposer chez elle à Chesterville et voir ce que la suite lui réserve. Il faut dire que depuis 10 ans, elle a mis sa pratique artistique de côté et ne sait pas encore si elle y reviendra ou même la forme que son expression pourra prendre. Elle se retrouve devant l’inconnu ou une toile blanche, ce qui ne semble pas l’effrayer outre mesure. Et il n’est pas question de retraite pour le moment. « Est-ce que les artistes en prennent une? », s’interroge-t-elle.

Ayant baigné pendant une décennie dans l’art des autres, elle veut ralentir et voir venir ce qui s’en vient et se réapproprier son espace. « Je n’angoisse pas de savoir si je vais créer ou non. Si j’ai quelque chose d’intéressant à dire à travers l’art « , estime-t-elle. Chose certaine, c’est que son travail artistique, s’il y en a un, sera réalisé avec des moyens modestes.  » Il y a relativement peu de place pour les artistes plus âgés « , fait-elle remarquer. Mais elle se dit ouverte à la création de même qu’aux opportunités ou propositions qui croiseront son chemin.

De son passage au Centre d’art Jacques-et-Michel-Auger, elle retiendra qu’il faut de la patience, de la persévérance et de l’audace pour mettre en place un lieu culturel qui a été espéré à Victoriaville pendant plusieurs décennies. « J’ai avancé à petits pas, convaincue que l’art devait prendre plus de place dans la vie des gens », résume-t-elle. Et lorsqu’on lui demande ce qu’on peut lui souhaiter pour cette nouvelle page de sa vie, elle dit simplement : « continuer à être créative et allumée ». Elle espère retrouver un rythme de vie plus naturel et prendre le temps d’errer et de déambuler.