Warwick et Saint-Albert perdent une première manche

VICTORIAVILLE. À la suite d’une audience tenue le 4 septembre, le juge Étienne Parent de la Cour supérieure du Québec a rejeté la requête en irrecevabilité plaidée par la Ville de Warwick et la Municipalité de Saint-Albert poursuivies à la suite d’un incendie survenu le 15 janvier 2011 à Saint-Albert.

Laurent Chauvette était locataire de l’immeuble qui a été ravagé par les flammes. Il allègue une intervention fautive des pompiers sous la responsabilité des municipalités défenderesses. Les pompiers de Warwick assurent la couverture du territoire de Saint-Albert.

Laurent Chauvette réclame une somme de 150 000 $, soutenant avoir subi un stress important à la suite de l’intervention. Il éprouverait, selon lui, des pertes de mémoire et de concentration.

Le demandeur estime que le chef pompier de l’époque Bernard Beaudet (congédié depuis par la Ville) aurait commis plusieurs fautes, lui reprochant son incapacité à identifier l’emplacement de la boîte électrique, sa négligence de s’assurer de l’évacuation de tous les locataires, ses erreurs concernant l’identification de la structure du bâtiment et de l’emplacement de la cheminée, l’omission d’utiliser un outil approprié pour briser le béton, de même que le défaut de planification de l’intervention et la mauvaise méthode de travail.

Les Municipalités ont notamment soutenu aussi qu’aucun dommage corporel n’est réclamé, indiquant que le stress allégué par le demandeur ne pouvait être qualifié de dommage corporel.

Toutefois, le juge Parent note que «malgré le caractère vague et ambigu des allégations de la requête introductive d’instance concernant les dommages réclamés, force est de constater que le demandeur formule des allégations et des postes de réclamation qui s’apparentent, au moins en partie, à des dommages corporels».

Le Tribunal cite l’analyse du professeur Daniel Gardner au sujet de la notion de préjudice corporel par opposition au préjudice moral en précisant qu’«un préjudice corporel sera présent lorsque l’atteinte première à l’intégrité d’une personne entraîne des conséquences physiques ou psychiques, qui peuvent être médicalement établies».

Ainsi, précise-t-on, un choc nerveux causé par une intervention policière brutale a déjà constitué un cas de préjudice corporel.

Dans la présente affaire, le choc découlant de l’intervention fautive serait à l’origine du choc causé à Laurent Chauvette. «Le Tribunal, a fait valoir le juge Parent, ne peut, à l’étape de l’irrecevabilité, supputer sur la preuve que pourra administrer le demandeur au soutien de ces allégations.»

Warwick et Saint-Albert ont aussi plaidé l’immunité conférée par la Loi sur la sécurité incendie stipulant que chaque membre d’un service de sécurité incendie est exonéré de toute responsabilité pour un préjudice résultant d’une intervention à moins que ce préjudice ne soit dû à sa faute intentionnelle ou à sa faute lourde.

Les Municipalités ont soutenu que la requête de M. Chauvette n’allègue pas de faute lourde ou intentionnelle, ni un manquement aux mesures prévues au schéma de couverture de risques.

Le magistrat explique, dans son jugement rendu le 30 septembre, que l’absence de l’expression «faute lourde» dans la demande n’est pas fatale. «L’analyse, a souligné le juge, doit graviter autour des faits allégués. Comportent-ils un élément pouvant éventuellement amener à une conclusion de faute lourde? Au stade de l’irrecevabilité, la prudence est de rigueur. Une trame factuelle est manifestement incomplète ou, au mieux, ambiguë, permet difficilement de conclure à l’irrecevabilité de la demande.»

Même si le président du Tribunal qualifie d’imprécises les allégations factuelles, elles ne permettent pas, selon lui, de conclure que le demandeur ne pourra démontrer une faute lourde dans cette affaire.

«En outre, précise le juge Étienne Parent, la preuve pourrait démontrer que certaines des fautes reprochées sont en lien avec les obligations des Municipalités en regard du schéma de couverture de risques. Dans ces circonstances, le Tribunal ne peut conclure au stade actuel que l’immunité commande le rejet péremptoire de la demande.»