Réal Courtemanche est un psychopathe dangereux, soutient un psychiatre

VICTORIAVILLE. Oui, le potentiel de violence est énorme chez les psychopathes, a affirmé le psychiatre Pierre Rochette de l’Institut Pinel. «Je considère que M. Courtemanche est dangereux», a souligné le psychiatre dont l’évaluation révèle que moins de 1% des gens atteints de psychopathie seraient plus psychopathes que Réal Courtemanche.

L’expert a poursuivi, lundi après-midi, son témoignage pour la poursuite, représentée par Me Ann Marie Prince, qui tente de faire déclarer le Princevillois délinquant dangereux.

Réal Courtemanche a une longue feuille de route, ayant été condamné, dans le passé, à des peines de pénitencier de cinq ans et de trois ans pour des vols qualifiés. En 2010, il a écopé d’une peine de 12 mois d’emprisonnement pour voies de fait armée.

Il se retrouve encore devant la justice relativement, cette fois, à une affaire survenue à Princeville le 30 juin 2011 pour laquelle le juge Jacques Trudel, en mars dernier, l’a reconnu coupable de toutes les accusations, à savoir enlèvement, séquestration, menaces de mort, voies de fait armées, déguisement et port d’arme.

En soirée, ce jour-là, le Princevillois de 51 ans s’est caché sur la banquette arrière de la voiture d’une jeune femme qui avait fait une halte dans un dépanneur. Armé d’un couteau, il a menacé de tuer la victime si elle ne lui obéissait pas. Et il lui a ordonné de se rendre derrière une entreprise de parc industriel de Plessisville. Rendu à destination, il avait forcé la jeune femme à le suivre dans la forêt pour supposément aller arroser ses plants de marijuana. La victime a réussi, en apercevant le véhicule du chef pompier, à se défaire de l’emprise de Courtemanche.

À la reprise de l’audience en après-midi, la procureure de la poursuite a interrogé le psychiatre sur la façon d’évaluer la psychopathie. Le Dr Rochette a expliqué l’échelle de psychopathie, la manière de coter les 20 éléments qui la composent, notamment la surestimation de soi, le besoin de stimulation, la tendance au mensonge pathologique, l’absence de remords et de culpabilité, l’insensibilité et le manque d’empathie, la faible maîtrise de soi, l’impulsivité, l’irresponsabilité, la délinquance juvénile, l’incapacité d’assurer la responsabilité de ses faits et gestes et de planifier à long terme de façon réaliste.

Le juge Jacques Trudel a invité l’expert à expliquer, en langage populaire, ce qu’est un psychopathe. «Celui qui a un mode de vie antisocial, a répondu le psychiatre, qui prône des valeurs procriminelles. Ces gens se surestiment, ils manipulent, ils mentent et ne manifestent pas d’empathie envers autrui. Le psychopathe, en terme criminel, c’est la crème de la crème.»

Le Dr Rochette a rappelé que Courtemanche se situait, sur l’échelle de psychopathie, dans les plus élevés parmi toutes les expertises qu’il a effectuées en la matière. «Ici, on est dans le top, a-t-il noté. Il (Réal Courtemanche) se place plus comme une victime que la victime elle-même. Il qualifie la victime de profiteuse de l’IVAC (indemnisation des victimes d’actes criminels). Il nie que son comportement ait un impact sur sa victime. Il finit, en fait, par le reconnaître, mais il s’agit d’une reconnaissance cognitive. Elle n’est pas ressentie.»

Sur la question du mensonge pathologique, le psychiatre a indiqué que l’accusé a raconté une histoire qui ne tient pas de debout, osant même une comparaison avec La petite vie.

«C’est un exemple boiteux, mais Réjean dans La petite vie (personnage joué par Marc Messier) représente un bel exemple de mensonge», a-t-il dit.

En terminant, Me Ann Marie Prince de la poursuite lui a fait dire, de nouveau, que peu de solutions s’offrent en présence d’un psychopathe. «Il y a peu de moyens reconnus pour contrôler un psychopathe autre que l’incarcération. Il n’existe pas de médicament ni de traitement», a soutenu le Dr Rochette.

Contre-interrogatoire

L’avocat de Courtemanche, Me Matthieu Poliquin, en contre-interrogatoire, a notamment fait admettre au psychiatre qu’il n’avait pas scruté à la loupe les circonstances, les détails des antécédents judiciaires de son client.

«Vous considérez M. Courtemanche comme l’un des plus dangereux sans avoir regardé les détails des antécédents», s’est exprimé l’avocat qui a aussi interrogé l’expert sur les raisons l’ayant poussé à évaluer Courtemanche sur le plan sexuel.

«Nous avions de petits indices, comme la main posée sur la cuisse de la victime en voiture. Le fait aussi de l’avoir tirée par les cheveux. On avait l’impression, a souligné le psychiatre, qu’on est passé près de quelque chose, comme une agression sexuelle, l’hypothèse la plus plausible, ou même pire, un meurtre. On avait un doute suffisant pour le soumettre à une évaluation sexologique.»

Mais même sans cette évaluation, le psy a soutenu que sa conclusion aurait été la même, que Courtemanche constitue un cas de délinquant à contrôler.

Questionné par Me Poliquin, le Dr Rochette a reconnu qu’il existe scientifiquement ce qu’il appelle des faux positifs et des faux négatifs en matière de psychopathie

L’avocat a aussi évoqué d’autres rapports qui ne parlent en aucun temps de psychopathie, mais plutôt de problèmes de consommation de drogues et d’alcool.

Le procureur de l’accusé a expliqué les vols qualifiés de son client qui, devant l’absence d’argent dans un établissement, quitte en s’excusant. «Est-ce le comportement d’un dangereux psychopathe?», a demandé Me Poliquin. «C’est surprenant, mais ce n’est pas incompatible», a rétorqué le Dr Rochette, tout en expliquant que tous les psychopathes ne sont pas tous hyper agressifs.

L’avocat de la défense avait encore des questions à poser au psychiatre en fin de journée au moment où il fallait ajourner. Les parties croiseront, de nouveau, le fer le 21 janvier.

Me Poliquin terminera alors son contre-interrogatoire avec le psychiatre avant de faire entendre son propre témoin, une psychologue.

Des vies basculées

Avant que le psychiatre Rochette ne soit interrogé et contre-interrogé, Me Prince de la poursuite a fait entendre la victime de Courtemanche, puis la mère de la plaignante.

La jeune femme, âgée de 30 ans aujourd’hui, a livré un témoignage poignant, racontant les lourds impacts de sa tragique rencontre avec l’accusé.

«C’est difficile à décrire, les impacts. Le 30 juin 2011, a été un point tournant qui a bousculé ma vie entière. Je tente de retrouver mon équilibre. Si j’avais su pour les trois ans et demi de souffrances et de difficultés que je connaîtrais à la suite des événements, j’aurais préféré mourir ce soir-là», a relaté la victime qui a tenté, depuis, d’en finir avec la vie.

«Une partie de ma vie y est restée. Je dois en faire mon deuil. Je connais une vie en montagne russe. Je prends des médicaments pour l’anxiété, l’humeur, le sommeil. Une crise de panique peut se déclencher à tout moment», a raconté la jeune femme qui n’a pu reprendre encore le travail qu’elle adorait dans le domaine de la construction.

Longtemps, elle a fait des cauchemars. «J’oriente tous mes comportements et mes décisions sur ma survie. J’ai conscience que tout peut basculer en une fraction de seconde. Et j’éprouve un sentiment d’impuissance, de colère et de rage envers lui», a indiqué la victime qui fait toujours l’objet d’un suivi auprès d’un psychiatre et d’une psychoéducatrice.

Témoignage émouvant aussi de la maman de la victime. «La vie de notre fille et la nôtre ont été complètement bouleversées. On a perdu notre fille, elle ne sera jamais plus la même, a confié la dame de 58 ans. On a dû prendre en charge notre fille et mettre notre vie en «stand by» depuis près de quatre ans.»

Avant le drame, la mère raconte que sa fille allait très bien. «Elle était enjouée, une bonne vivante, le boute-en-train de la famille. On ne pourra jamais oublier des quatre ans d’inquiétude, de chagrin, de souffrances, a-t-elle mentionné. Il est difficile d’entrevoir l’avenir aussi sereinement qu’avant. Et c’est douloureux de constater les impacts sur sa vie et sur nos vies. Toute notre vie est maintenant centrée sur elle pour qu’elle retrouve son équilibre.»