L’enjeu du consentement au cœur du procès de l’ex-préposé Léo Godin

Au palais de justice de Victoriaville, le juge Bruno Langelier de la Cour du Québec a pris l’affaire en délibéré et prononcera le 20 février 2025 son jugement dans le dossier de Léo Godin, cet ex-préposé de la résidence La Seigneurie Le Victorin accusé d’agression sexuelle sur une résidente âgée de 79 ans au moment des faits présumés survenus le 27 novembre 2022.

Ce matin-là, l’homme et la femme ont quitté la résidence. Ils se sont rendus prendre un café avant de se rendre chez Léo Godin à Sainte-Eulalie où certains gestes ont été posés.

La notion du consentement se situe au cœur de l’affaire, l’accusé ayant reconnu certains gestes de nature sexuelle.

Le procès avait pris son envol le 24 avril 2024 par la tenue d’un voir-dire. Le ministère public, représenté par Me Cynthia Cardinal, réclamait, en raison de l’état de santé de la plaignante, que soit admissible en preuve sa déclaration assermentée enregistrée sur vidéo le 28 novembre 2022, le lendemain des faits présumés.

Le tribunal a finalement tranché et autorisé la présentation de l’interrogatoire vidéo qui a été présenté en fin d’avant-midi, vendredi.

La procureure aux poursuites criminelles et pénales a terminé sa preuve en présentant des séquences vidéo montrant l’accusé et la présumée victime sortant de la résidence pour se rendre à la Fromagerie Victoria de la rue de l’Aqueduc pour y prendre un café et en ressortir une dizaine de minutes plus tard.

Les plaidoiries

En poursuite, Me Cardinal a fait valoir l’enjeu de la notion de consentement. Si le tribunal conclut en l’absence de consentement, l’accusé doit être reconnu coupable.

S’il conclut qu’un certain consentement a pu être exprimé, le tribunal, selon le ministère public, doit se demander s’il est valide ou vicié. Pour la poursuite, s’il y a eu consentement, il est vicié en raison d’un abus de confiance vu la nature de la relation entre les deux.

Mais dans l’esprit de Me Cardinal, l’absence de consentement ne fait aucun doute. « Dans l’ensemble de la déclaration, la dame fait savoir qu’elle ne voulait pas être là, qu’elle ne souhaite pas de relation. Elle a clairement exposé son désaccord en disant : non, je n’ai pas accepté, je n’étais pas d’accord. Il n’était pas supposé m’achaler, je suis restée surprise que ça arrive, a-t-elle dit », a relaté la procureure de la poursuite.

« Dans l’ensemble de la preuve, elle manifeste plusieurs fois qu’elle ne consentait pas. Et Monsieur fait preuve d’aveuglement volontaire sur le fait qu’elle ne consentait pas », a soutenu la représentante du ministère public.

De plus, la réaction de la dame, peu de temps après les faits survenus en matinée, témoigne du non-consentement. Ce jour-là, elle ne s’est pas présentée pour le dîner. « Elle s’est barricadée dans sa chambre. Son sentiment de sécurité était affecté », a souligné Me Cardinal.

En défense, Me Guy Boisvert, d’entrée de jeu, a fait valoir que la recherche de la vérité se heurtait à des difficultés en l’absence de la présumée victime devant la cour. « On n’est pas en mesure de la contre-interroger et de tester la fiabilité de son témoignage », a-t-il relevé.

Par contre, son client, a-t-il dit, a répondu à toutes les questions. « Sa version est totalement précise. Il s’agissait d’un rendez-vous galant à l’initiative de Madame. Qu’a-t-on pour le contredire? »

La théorie de la défense veut que la dame ait consenti à se rendre chez l’accusé à Sainte-Eulalie pour avoir une relation sexuelle. « Sur place, voyant l’état lamentable des lieux, elle a dit qu’elle trouvait ça plate et qu’elle n’acceptait pas une pénétration et Monsieur a accepté. On en est plus en présence d’un rendez-vous décevant qui a mal viré », a énoncé Me Boisvert, ajoutant que la présumée victime a « trouvé niaiseux » ce qu’a fait l’accusé, à savoir éjaculer sur son sous-vêtement après s’être vraisemblablement frotté sur elle.

L’avocat s’est interrogé aussi sur la fiabilité à accorder à un témoignage qu’il qualifié de confus, faisant notamment remarquer, à ce titre, que la dame a décrit l’accusé comme un beau jeune homme âgé de même pas 30 ans.

Dans son témoignage, la dame situe les événements en fin de journée alors que l’homme et la femme sont vus en matinée, selon les bandes vidéo.

L’avocat Boisvert a observé aussi que le témoignage a été obtenu dans des circonstances non favorables. « Avant le début de l’interrogatoire, elle a demandé trois fois de quitter et demandé qu’on la laisse tranquille », a signalé Me Boisvert.

En substance, l’avocat de Léo Godin a affirmé que la version fournie candidement par son client n’a été contredite nulle part. « La poursuite ne s’est pas déchargée de son fardeau de démontrer l’absence de consentement », a-t-il plaidé, tout en estimant qu’un acquittement devait être prononcé.

Le juge Langelier fera donc connaître sa décision en février.