La prison discontinue ou une peine ferme pour Michael Dufour?
VICTORIAVILLE. Le juge Bruno Langelier de la Cour du Québec devra soupeser deux suggestions de peine proposée par la poursuite et la défense dans le dossier de Michael Dufour. Le ministère public a suggéré, soit une peine fédérale de deux ans dans un pénitencier, ou une peine de deux ans moins un jour dans une prison provinciale. La défense, pour sa part, a plaidé pour 90 jours de prison à purger de façon discontinue les fins de semaine.
Après avoir entendu chacune des parties, mercredi après-midi, le magistrat a convenu de s’accorder un temps de réflexion. Il fera connaître sa décision le vendredi 1er mai.
Michael Dufour, 22 ans, de Victoriaville, a notamment plaidé coupable à une accusation de conduite dangereuse causant la mort de son grand ami, Frédérick D’Amour, presque un demi-frère pour lui.
Dufour conduisait une voiture qu’il venait d’acquérir le jour même du funeste accident. Trois autres amis prenaient place dans son véhicule, dont la victime, Frédérick D’Amour, assis sur la banquette arrière sans avoir bouclé sa ceinture de sécurité.
Le groupe d’amis circulait vers 0 h 15 sur la route de la Grande-Ligne en direction nord. Michael Dufour avait l’intention d’emprunter le rang Parizeau à sa gauche.
Mais auparavant, un autre véhicule conduit par Raphaël Valois, a dépassé l’automobile de Dufour. Une série de dépassements successifs s’en est suivi à vive allure, à des vitesses atteignant jusqu’à 160 km/h.
Valois, à un moment, a donné un coup de volant, dans le but, selon l’avocat de la défense, Me Guy Boisvert, de faire peur à Michael Dufour.
Paniqué, ce dernier a effectué une manœuvre qui a mené à une violente embardée. Frédérick D’Amour a été éjecté de la voiture par une fenêtre arrière. Grièvement blessé, il a rendu l’âme le matin, vers 7 h, au Centre hospitalier régional de Trois-Rivières.
Plaidoirie de la poursuite
Le représentant du ministère public, Me Maxime Laroche, en faisant connaître sa suggestion, a, d’entrée de jeu, indiqué qu’une peine de détention s’imposait et que les critères de dénonciation et de dissuasion devaient primer.
Le procureur a considéré, a-t-il dit, plusieurs éléments, le lien unissant l’accusé et la victime, le fait que l’accusé n’est pas un individu criminalisé, qu’il a bien collaboré, de même que la fourchette de peines imposées en semblable matière et qui se situent, selon lui, entre 12 et 36 mois d’emprisonnement.
Michael Dufour, a plaidé Me Laroche, avait le contrôle de sa voiture et sur la vie de ses passagers. «Même si M. Valois, au départ, a effectué un dépassement dangereux, il ne l’a pas fait pour narguer. Il trouvait simplement que le véhicule circulait trop lentement. Ça aurait pu s’arrêter là. La conduite de M. Dufour n’est pas acceptable», a indiqué le procureur.
«Une question d’immaturité de part et d’autre, le jeune âge, et la témérité, voilà ce qui ressort du dossier», a ajouté le représentant du ministère public.
Une bien triste histoire, a fait valoir le procureur. «C’est dommage parce que tous ces gens avaient un brillant avenir devant eux. Comme juge, a-t-il dit au magistrat, l’imposition d’une peine s’avère un processus très difficile. D’ailleurs, peu importe la peine, elle n’effacera jamais les erreurs du passé. Elle n’effacera jamais non plus la peine et la souffrance qui ont été causées.»
En plus d’une peine de détention, Me Laroche pense qu’une interdiction de conduire pendant quatre ans constituerait aussi une mesure raisonnable.
Quant à la question du trafic de stupéfiants, il suggère une peine concurrente de six mois.
C’est que, dans le véhicule de l’accusé, on a retrouvé 91 g de cannabis dans trois petits sacs. «Il en vendait pour un certain appât du gain, ce qui reflète une immaturité ou, du moins, une certaine forme de laxisme», a signalé le représentant de la poursuite.
La défense
Aucune sentence ne ramènera M. D’Amour, a souligné, dès le départ, l’avocat de la défense, Me Guy Boisvert.
Rappelant que l’accusé venait d’acquérir un véhicule, l’avocat fait valoir que le jeune conducteur faisait preuve d’une telle prudence au moment de circuler sur la Grande-Ligne que M. Valois a entrepris de le dépasser.
«L’instigateur de la conduite dangereuse, c’est M. Valois qui a dépassé M. Dufour et qui lui a aussi fait peur», a soutenu Me Boisvert.
De plus, les passagers dans le véhicule de Michael Dufour l’ont encouragé à rattraper la voiture qui venait de les dépasser. «C’est même Frédérick D’Amour qui a lancé : envoie, va le chercher. Malheureusement, il est l’instigateur de la poursuite qui causera sa mort. Ainsi, le conducteur, avec un nouveau véhicule, s’est dit : OK, j’y vais. Il n’y avait aucune préméditation, au départ. Il a été invité par ses passagers», a fait remarquer le criminaliste, tout en ajoutant que si la victime avait bouclé sa ceinture, le scénario aurait été tout autre. «On ne ferait pas les mêmes représentations», a-t-il noté.
Me Boisvert a mentionné que son client reconnaissait la témérité de la grande vitesse. «Oui, il a plaidé coupable de conduite dangereuse. Mais il n’est pas l’instigateur des manœuvres les plus dangereuses», a-t-il signalé.
Dans sa plaidoirie, l’avocat a milité pour une peine qui puisse favoriser sa réinsertion sociale, lui permettre de conserver son emploi, de continuer sa vie. «Une peine de prison ne va pas le dissuader. Il a tué son «frère», a fait remarquer Me Boisvert. Et puis, il a l’occasion de réparer les torts en agissant un peu comme le fils que M. Goulet a perdu. La réparation passe davantage par un tel contact qu’en l’isolant en l’envoyant à Trois-Rivières.»
L’avocat a aussi traité du rapport présentenciel positif et de nombreux facteurs atténuants. «À part, l’infraction elle-même, je ne vois pas de facteur aggravant, alors que les facteurs atténuants sont nombreux», a observé Me Boivert, citant le pardon du père de la victime, la reprise en main de l’accusé, la victime qui a agi comme instigateur, le fait qu’elle ne se soit pas attachée et la non-préméditation du geste. «De plus, Michael Dufour est un actif pour la société, et il a reconnu sa responsabilité dès sa première rencontre avec les policiers», a-t-il signalé.
L’avocat Boisvert, enfin, a évoqué, en jurisprudence, le cas de Miky Roy, une affaire de course de rue mortelle à Warwick. «Le dossier comporte des similitudes. Et la peine de 90 jours discontinus de prison a été confirmée par la Cour d’appel. On le constate qu’une telle sentence peut être raisonnable», a-t-il conclu.