Une terre en friche reprend vie grâce à Mériol Lehmann
Dans le cadre du projet « Friches », présenté par le Centre d’art Jacques-et-Michel-Auger du Carré 150 de Victoriaville, l’artiste Mériol Lehmann s’est approprié un terrain en friche qu’il a fauché à la main afin de créer, au final, une meule de foin.
C’est dans le Petit rang 9 de Saint-Christophe-d’Arthabaska, dans un paysage digne d’une carte postale, que l’artiste s’est installé quelques jours afin de réaliser cette performance agroartistique dont l’objectif est de faire réfléchir les gens sur ces terrains en friche, donc abandonnés à la nature, qui sont de plus en plus nombreux, mais qui ont permis, pendant plusieurs années, de nourrir des familles.
Mériol, bien installé dans le champ qu’il avait déjà commencé à faucher, avec une faux d’époque qu’on lui avait trouvé pour l’occasion, explique qu’il veut rappeler tout le travail et les efforts qui étaient nécessaires, jusque dans les années 50 environ, afin de cultiver plusieurs bouts de terre sur le territoire, des fermes familiales à cette époque. « Avant, on faisait de l’agriculture de subsistance, avec une proportion beaucoup plus importante de la population qui était rurale. On avait des petites fermes familiales sur lesquelles ont avait 10 à 15 enfants qui mettaient tous la main à la pâte et le travail servait à nourrir la famille », rappelle celui qui connait bien le domaine, étant fils et petit-fils d’agriculteur.
Mais à partir des années 80, les choses ont changé « avec l’agriculture productiviste pour nourrir les populations citadines ». Les fermes familiales ont cédé leur place à de grandes exploitations (moins nombreuses) ce qui a amené une désertion des rangs de campagne et même des villages. « Nous sommes passés entre les années 50 et 80 d’environ 125 000 fermes à 35 000 », ajoute l’artiste. « Ici nous sommes dans le contrefort des Appalaches. Ce n’est pas facile de cultiver avec la machinerie et peu rentable », fait-il remarquer, comparant la situation avec les plaines de Victoriaville, jusqu’au fleuve, où se retrouvent de très grandes fermes.
« Ici on se retrouve à la limite de l’écoumène, donc il y a beaucoup de friches », explique-t-il. Il s’agit de terres abandonnées parce qu’elles ne correspondaient pas à l’agriculture productiviste. Celle-ci, aux dires de Mériol, a des avantages puisqu’elle permet de nourrir de grandes populations à moindre coût, mais des impacts négatifs, dont le changement de l’occupation du territoire, la diminution de la biodiversité, les effets des pesticides sur la santé, etc.
L’artiste estime qu’il y a d’autres façons d’occuper le territoire et souhaite ainsi, avec sa performance, faire réfléchir tout simplement.
Il s’est donc donné comme objectif de faucher à la main 10 ares de terre en friche (10×100 mètres), de former des andins puis une meule haute de 8 pieds. Le tout sera capté par une vidéo (documentaire et artistique) qui sera ensuite montée et montrée au Centre d’art, de même qu’un peu de foin récolté.
Mériol, Suisse d’origine, avait appris de son père et grand-père le fauchage manuel. Sa performance se veut aussi un hommage à ceux qui lui ont enseigné à manier la faux. Il s’agit donc d’un geste et d’une performance très symboliques qui, comme il l’espère, susciteront la réflexion sur les enjeux reliés à l’agriculture ainsi qu’à la ruralité.