« Suspension » : le papier sous toutes ses coutures

Jusqu’au 16 mars, le Centre d’art Jacques-et-Michel-Auger du Carré 50 de Victoriaville présente l’exposition de Jennifer Alleyn intitulée « Suspension »

Elle y propose différentes œuvres où le papier est à l’honneur. L’œuvre principale, « La mue », est constituée d’un lit sur lequel trône une courtepointe. Celle-ci est constituée de bouts de papier variés et disparates au premier coup d’œil, cousus et réunis à la main les uns avec les autres, sur lesquels la cinéaste et artiste en arts visuels a noté différentes pensées lors d’une rupture amoureuse. Une vague, légère et délicate formée sur le lit d’eau grâce à un mécanisme invisible, fait bouger discrètement l’ensemble qui semble respirer. « Ce lit est composé de bribes de chagrin d’amour », confie-t-elle.

En résulte donc un couvre-lit d’émotions de tous genres qui lui ont permis de traverser cette épreuve de vie. Rencontrée un peu avant le vernissage, Jennifer a expliqué que le titre est aussi le thème. « Tout ce corpus parle de l’interruption, du moment de flottement dans lequel on se trouve quand une relation est rompue et que le dialogue est interrompu. On envoie des mots qui ne sont plus entendus. On les porte en soi et qu’est-ce qu’on peut faire de ces mots-là quand il n’y a plus de dialogue? » Une œuvre très personnelle au départ qui, somme toute, vient rejoindre tout le monde qui a vécu une perte. « Pour moi, une œuvre d’art c’est comme un miroir qu’on tend au visiteur pour lui permettre de passer un temps avec lui-même », estime-t-elle.

Techniquement, pour parvenir au résultat souhaité, elle a travaillé avec un expert dans le papier avec qui elle a développé une technique pour coudre ensemble les différents papiers qui sont, on le sait, fragiles et délicats à travailler. Cela a nécessité trois mois de couture à temps plein.

Outre le lit, l’exposition comprend des photographies imprimées sur tissu « Georgette », qui donne une légèreté et transparence. Ce sont des mots tirés de la courtepointe qui y ont été apposés en gros plan afin de montrer certains détails. 

Puis l’exposition bascule dans l’ère numérique avec une œuvre vidéo qui porte le titre « Respondere ». Le visiteur est invité à s’asseoir devant l’écran où l’écriture d’un difficile courriel a été filmée. On voit ainsi les différentes tentatives de phrases, effacées puis retravaillées, montrant la difficulté. On entend aussi le son familier des touches du clavier, ce qui rend l’expérience immersive et suit avec suspense le résultat final. « Ce sont toutes les tentatives pour répondre à ce mot « Je m’ennuie de toi » qui rouvre une porte », fait-elle savoir.

Puis on peut apprécier l’œuvre titre de l’exposition, formée d’un papier suspendu sur lequel trois points ont été piqués à l’aiguille qu’on voit aussi avec son fil qui a été gardé. 

La dernière présentée est un amas de papiers avec des mots dessus, parfois chiffonnés ou simplement laissés à l’abandon. « Sans réponse » se veut ainsi le pendant de l’œuvre numérique et de tous ces mots qui ont été effacés au clavier.

Des œuvres simples, mais réfléchies et complètes qui toucheront les visiteurs.