Reno Salvail partage une expérience personnelle au Centre d’art

Du 20 janvier au 12 février, le Centre d’art Jacques-et-Michel-Auger du Carré 150 de Victoriaville présente sa première exposition de l’année. C’est le Plessisvillois d’origine, Reno Salvail, qui vient y proposer son œuvre la plus récente, mais aussi la plus personnelle, qui s’intitule simplement « Renaud ».

Il ne s’agit pas d’une installation médiatique éponyme puisque le Renaud,  qui donne son nom à l’exposition, est le cousin du père de l’artiste. C’est d’ailleurs lui qui a inspiré le prénom de M. Salvail. Ce projet artistique de Reno Salvail, un pionnier dans les installations vidéo et photo au Québec, est sûrement le plus intime et personnel qu’il présente. Même qu’on peut dire qu’il diverge totalement de ce à quoi l’artiste, renommé dans son domaine, offre habituellement. 

Si on considère qu’il s’intéresse habituellement aux volcans, chutes de météorites ou autres éléments naturels, cette fois c’est le secret révélé par son père, juste avant son décès, qui sert de sujet. L’artiste a pris soin, à ce moment, d’enregistrer son et image de son père, révélant qu’il avait vécu toute sa vie avec la mort de son cousin Renaud, sur la conscience.

En entretien alors qu’il procédait au montage de l’exposition, Reno Salvail a raconté la belle relation qu’il y avait entre les deux garçons (son père Laurent et le cousin de celui-ci), deux amateurs de pêche. C’est d’ailleurs après une excursion de pêche que le jeune Renaud s’est senti faible et a dû être ramené sur les épaules de Laurent. Il est décédé quelques heures plus tard, dans la nuit. « Il avait la tuberculose (ce que mon père ne savait pas) et il est mort d’épuisement. Le lendemain, l’oncle de mon père lui a dit : c’est à cause de toi qu’il est mort, c’est toi qui l’as tué », explique l’artiste. Un secret avec lequel il a dû composer toute sa vie et qu’il n’a partagé qu’à la fin de celle-ci. L’artiste a donc voulu donner une image à cette histoire personnelle, utilisant le processus narratif, comme il le fait avec ses autres projets. « La façon de travailler reste un peu la même. C’est le sujet qui est très différent », compare-t-il.

Il a donc tourné des images de morceaux de glace qui s’entrechoquent dans le fleuve Saint-Laurent. Pour lui, elles deviennent un symbole. « Quand arrive quelque chose comme ça, il y a toujours un relent de mauvais souvenirs, une pensée qui nous harcèle », exprime-t-il.

À cette image forte, il a inclus l’histoire de son père, ses propres mots. On entend donc les glaces qui se heurtent les unes sur les autres avec la voix de son père qui raconte son secret. Reno Salvail a trouvé difficile de travailler sur ce projet personnel. « Quand on écrit des mémoires ou des choses du genre, ce n’est pas tout le monde dans la famille qui est d’accord avec ce qu’on raconte. Mais il y a des choses qu’on doit dire », confie-t-il. 

Aujourd’hui, M. Salvail habite l’Ile d’Orléans, mais il est né à Plessisville, où il a vécu jusqu’à son entrée à l’École des Beaux-Arts, vers l’âge de 16 ans. De venir présenter pour la première fois cette exposition qui raconte un pan de la vie de son père, dans sa région d’origine, est également significatif. L’artiste est aussi très heureux de pouvoir finalement présenter l’exposition qui est repoussée depuis environ deux ans, à cause de la COVID-19. 

Ce projet artistique lui aura également permis d’explorer davantage la vidéo, lui qui trouvait jusqu’à alors son inspiration majoritairement dans la photographie. Outre cette exposition, Reno Salvail travaille, avec une équipe du Centre Vu à Québec, à la publication d’une monographie sur 30 ans de pratique, qui devrait sortir l’automne prochain.

Il n’y a pas de vernissage à cause des mesures sanitaires en place pour cet événement, mais un finissage, le 12 février en après-midi, permettra aux gens de venir rencontrer et d’échanger avec l’artiste. Et même s’il n’y a pas de spectacles au Carré 150, on peut y entrer et venir voir gratuitement l’exposition, du mercredi au vendredi de 13 h à 17 h 30 et le samedi de 13 h à 17 h. Le passeport sanitaire n’est pas nécessaire.