Pour Daniel Martineau, «dire avec l’argile, c’est parler à l’éternité»

C’est le céramiste et sculpteur Daniel Martineau qui a reçu le neuvième prix Julien, remis récemment par l’Association des céramistes du Québec. Pour l’artiste de Saint-Norbert-d’Arthabaska, il s’agit d’un très grand honneur, lui qui considère que «dire avec l’argile, c’est parler à l’éternité».

En entrevue chez lui, derrière sa maison qui donne sur un grand champ, le céramiste, d’entrée de jeu, montre avec fierté la récompense qui a été réalisée par Anne-Marie Vigneault, céramiste de la région et amie du récipiendaire. Et son autre amie céramiste du coin, Emmanuelle Lessard, était présente pour lui offrir des fleurs. «Je suis chanceux de les avoir», apprécie-t-il.

Il a reçu le prix Julien, fabriqué par Anne-Marie Vigneault

Le grand vase représente pour lui une magnifique récompense pour sa carrière de céramiste, jusqu’à maintenant. Cette carrière a été faite de hauts et de bas, d’apprentissages et de partages. Et parmi tout ça, il y a les manchots, réalisés avec la technique de carbonisation, qui fêtent leurs 20 ans. «Il y en a plus de 50 000 à travers le monde», indique-t-il.

S’ajoute à cela plus de 15 000 enfants rencontrés dans les écoles depuis une vingtaine d’années aussi et qui lui ont apporté beaucoup de joie. «Mais 2019-2020 sera ma dernière année dans les écoles», nous apprend-il. En effet, même s’il vit un «bonheur extraordinaire» en présence des enfants et que lui-même les rend heureux en les laissant créer à travers l’argile, il fait remarquer que l’avant et l’après sont devenus plus fatigants pour lui. C’est qu’il lui faut réaliser une grande préparation pour ses ateliers avec les enfants, sans compter les cuissons après les rencontres. «J’ai réalisé ça après avoir remarqué que j’avais dans mon atelier plus de 600 travaux d’enfants», fait-il savoir.

Et à 68 ans, il a envie de continuer à faire de la recherche sur l’argile, ce matériau qu’il continue de découvrir. «J’aime encore faire des manchots et la cuisson représente toujours le même défi», a-t-il indiqué.

Il espère depuis toujours, avec ses créations, rendre les gens heureux et bien en vivre. «J’ai plein de choses à expérimenter, dont la terre craquelée que j’ai apprise, mais pas eu le temps de faire à mon goût. Il me reste plein de réalisations à faire avec l’argile, cette matière à expression. Je ne pourrai jamais m’en lasser», souligne-t-il.

Si Daniel entend délaisser les écoles, à contrecoeur, il souhaite conserver certaines expositions, intéressantes pour lui et, plus important encore, où il a du plaisir. Parmi celles-ci, il y a Bromont en arts, Victo et ses oies, Carac’Terre et le marché de Noël de la Jardinerie Fortier de Princeville. «Mais je ne me mets plus de pression», mentionne-t-il.

Sa santé est sous contrôle et il se dit en état de béatitude depuis qu’il a reçu le prix Julien. Il faut dire que les récompenses dans son domaine artistique sont assez rares et le fait qu’il a bien connu Julien Cloutier (celui qui a donné son nom au prix) ne vient pas nuire à sa fierté. «Je l’ai connu alors que j’avais 14 ans», se souvient-il tout en indiquant que c’est lui qui a été le premier à construire un four au gaz.

De ce grand céramiste, Daniel a reçu beaucoup de conseils sur l’argile, comme «Quand tu en auras mangé 100 livres, tu devrais être pas pire». «Je lui avais également demandé s’il était possible de gagner sa vie avec l’argile et il m’a répondu : quand ta maison sera pleine de céramique, tu pourras gagner ta vie», se souvient-il. Et à y regarder de près, sa maison, à l’intérieur comme à l’extérieur regorge de céramique. Il y en a partout dans les armoires et Daniel s’est même attaqué récemment, avec succès il faut le dire, au dosseret de sa cuisine, lequel est désormais orné de ses oiseaux. Tout un chantier pour lui, mais qu’il a réussi avec brio. «Julien Cloutier, c’était mon idole. J’ai suivi des cours avec lui et c’était un maître. Et ce qui m’impressionnait le plus, c’est son humilité», se souvient-il encore.

Donc, de recevoir un prix portant son nom l’émeut profondément. «C’est un beau point d’exclamation dans ma vie, mais pas le point final», insiste-t-il. Daniel Martineau va donc continuer de découvrir l’argile et créer des oiseaux, encore plus épurés. «Au lieu de travailler pour gagner ma vie, je vais avoir du plaisir avec l’argile. Il y a encore plusieurs techniques que je ne sais pas faire. Il me reste à l’écouter me parler et me laisser guider par elle», a-t-il lancé.

Cela ne l’empêche pas d’être disponible pour ses jeunes collègues céramistes. Daniel n’hésite jamais à donner ses trucs et conseils aux autres. «Certains diront, j’ai longtemps cherché pour trouver, fais-le aussi, et d’autres qui disent, comme moi : j’ai longtemps cherché, tu n’auras pas à le faire», termine-t-il.