Loïc Bédard : artiste de la drag et plus encore

Depuis janvier, Loïc Bédard (originaire de Victoriaville), a abandonné sa carrière en enseignement pour se vouer entièrement à l’art. Œuvrant dans différentes sphères, l’artiste s’exprime notamment en étant drag queer.

Dans la région, c’est principalement grâce au théâtre qu’on l’a découvert, et ce, dès son jeune âge. Que ce soit avec la troupe Quapla, Marie-Pagé ou les Fêtes victoriennes, Loïc a toujours aimé cette forme d’expression encore incluse dans sa pratique.

Après des études à Québec en enseignement de l’anglais, tout cela toujours en poursuivant le théâtre au sein de plusieurs groupes, l’adulte s’est lancé dans ce domaine. « J’ai commencé à enseigner à distance, pendant la pandémie, à des personnes immunosupprimées. C’était un beau défi pour débuter ma carrière », explique Loïc en entretien téléphonique.

Mais après une année et demie dans une école secondaire et malgré l’appréciation réciproque de ses collègues et des élèves, c’est tout ce qui entoure cela qui a commencé à lui peser. Le système scolaire n’allait pas dans le même sens que ses valeurs. Après un arrêt de travail pour épuisement professionnel, qui lui a permis de s’interroger sur ses souhaits de vie, Loïc a décidé de laisser l’enseignement de côté et se jeter à corps perdu dans l’art. « Il y a des gens qui voyaient en moi du potentiel. »

C’est ainsi que Loïc a choisi les arts multidisciplinaires pour faire passer son message qui est simplement d’être soi-même, de laisser vivre les autres et de trouver le bonheur dans les petites choses. L’artiste donne ainsi des cours de théâtre, anime différents événements dont des cabarets burlesques fondés avec trois autres personnes, un collectif « Les Véganes du genre » qui est destiné aux « bébés drag » qui peuvent, lors de scènes ouvertes, explorer sécuritairement ce monde. « La demande était là et il y a beaucoup de talent. »

Et bien sûr Loïc monte des numéros de drag queer (qui ne s’identifie à aucun genre), présentés à différents endroits.

Deux personnages principaux lui permettent de s’exprimer : Débit Crédit, une femme détestable, fermée d’esprit, ironiquement de droite et qui se plait à dire tout ce que Loïc entend à son sujet. Puis il y a « The Drama Queer », « une bibitte » avec une perruque à moitié blanche et moitié noire. « Ce personnage, je l’ai créé pour m’autoproduire dans mes folies artistiques, qu’elles soient noires ou éclatées. Il va dans tous les sens. »

La drag, bien qu’elle ne s’inscrit pas dans un parcours artistique typique, lui offre cette liberté de création et d’exploration tellement importante dans son cheminement. « Je fais plein de choses en même temps, mais elles entrent en relation ensemble », exprime Loïc en ajoutant que le théâtre seulement ne lui aurait pas permis autant de liberté. 

Il s’agit d’une forme de performance où il y a toujours une réflexion, comme le souligne l’artiste, qui n’a pas les conventions et restrictions du théâtre traditionnel. « Ça me permet d’aller dans des trucs sans limites, à l’extrême de ce que je peux aller toucher. »

Autant dans la vie de tous les jours que pour se produire, Loïc adopte différents styles vestimentaires. Parfois en longue robe ou d’autres en espadrilles, c’est son ressenti du moment qui sert de guide. « Ce n’est qu’une pièce de tissu après tout, mais qui en dit beaucoup sur la personne. » La drag est aussi plus facile à autoproduire. « Mais même dans ce monde, il y a un certain élitisme », a remarqué Loïc, ayant essayé plusieurs scènes du côté de Québec, son lieu de résidence adoré. « Je me cogne encore le nez à certains endroits. »

Identité

Quant à son identité de genre, Loïc est, on l’aura compris, non binaire. Actuellement en couple avec une femme, il se dit toutefois pansexuel. « Pour le genre, ça dépend des jours. La mode m’intéresse beaucoup puisque c’est une forme d’art et c’est important dans ma pratique et dans ma vie. » En fait, la personne ne veut qu’être libre d’être ce qu’elle est, quand elle le veut.

Bien qu’accepté.e par sa famille proche et éloignée (qui est d’ailleurs bien fière), Loïc ne peut s’empêcher de mentionner ce climat de haine envers la communauté LGBT. « J’en vis tous les jours et ça dépasse ma compréhension. » En effet, difficile de comprendre pourquoi des gens en empêchent d’autres d’être eux-mêmes, peu importe comment cela se traduit. Le respect devrait, selon Loïc, toujours être primordial.

Cela ne l’empêche pas de poursuivre son parcours, convaincu que l’art, peu importe sa forme, se doit toujours d’évoluer, sinon elle n’a plus sa raison d’être. C’est en multipliant les formes artistiques que Loïc parvient à vivre. « Tout ce que je fais est artistique. » L’artiste a ainsi décidé de ne pas rester dans le moule et sortir du lot. « Et quand on s’expose, on devient une cible. Il y a toujours quelqu’un qui va finir par être en désaccord. » Ayant été intimidé autant à l’école primaire que secondaire, Loïc Bédard estime que même si ce n’est pas toujours facile, il suffit de croire en ce qu’on fait.

Québec lui offre une communauté, une famille et des artistes qui sont « révolutionnaires », à son avis. « J’ai longtemps montré à petites doses qui j’étais pour me conformer à certaines normes, et ce, pour différentes raisons. » Maintenant, du haut de ses 26 ans, son épanouissement se poursuit tout en continuant d’explorer artistiquement.

Loïc sera à Victoriaville pour le Festival des amateurs de théâtre, invité.e pour animer un atelier portant sur l’imagination et la création. C’est en tant que Loïc Bédard qu’on pourra alors l’apprécier, mais la drag queer espère bien, un jour, pouvoir amener dans son patelin d’origine ses personnages. « Je suis bien dans ce que je vis. Je n’ai plus le salaire de prof, mais j’ai la joie de vivre et la liberté. » Et sa soif d’enseignement est assouvie en donnant des cours de théâtre et des ateliers.

Et lorsqu’on lui demande si son souhait est de faire une différence, l’artiste répond simplement que d’être un élément déclencheur lui permet de participer au changement. « Si une personne réussit à vivre sa vie comme elle le veut grâce à quelque chose que j’ai dit ou fait, alors ce sera parfait. » 

*Pour raconter son parcours, l’auteure de ses lignes a tenté, selon le souhait de Loïc, d’utiliser l’écriture inclusive afin de bien représenter l’individu.