L’exposition signifiante de Yannick De Serre

Jusqu’au 11 mars, Atoll art de Victoriaville actuel propose « Résilience et autres guérisons » de Yannick De Serre. Il s’agit d’une exposition remplie de sens, où on peut découvrir un artiste qui est également infirmier de métier.

Les deux personnalités de Yannick s’emboîtent tout naturellement dans les différentes installations de cette exposition. S’il a d’abord fait les beaux-arts avant de se tourner vers le nursing au début des années 2000, l’artiste parvient aujourd’hui à bien exprimer son talent avec des œuvres qui utilisent souvent le matériel hospitalier. 

L’art lui permet également d’exprimer ses émotions face à la mort qu’il côtoie régulièrement dans son travail d’infirmier aux urgences. C’est même un moyen de rendre hommage à ces personnes qui ont perdu la vie, alors qu’elles étaient sous sa garde et par la même occasion de faire un deuil. Il explique ainsi que pour chaque décès qui survient d’un patient auquel il était attitré, il se procure un mouchoir en dentelle qui arbore une fleur (un clin d’œil au bouquet funèbre) qu’il utilise ensuite dans sa pratique artistique que ce soit pour s’essuyer les mains, enlever une tache de peinture, imprimer etc. Cela jusqu’au prochain décès alors qu’il met de côté le mouchoir en utilisation pour en prendre un nouveau. Et à la fin de l’année, les mouchoirs en question sont respectueusement réunis et emballés dans un papier japonais (comme un linceul), ficelé et identifié. Cela résulte en une œuvre remplie d’émotions qui est d’ailleurs exposée chez Atoll. « Depuis 18 ans, tous ces mouchoirs sont emballés de la même façon, dans une espèce de rituel », a-t-il exprimé.

Absence-présence, vie-mort sont autant de concepts présents dans sa pratique artistique qui n’est toutefois pas morbide pour autant. En fait, il ressort une certaine sérénité de son travail, une acceptation même.

Ainsi, les objets médicaux deviennent des outils pour l’artiste qui utilise même le point de suture pour marquer des œuvres, y écrire des mots. Il a fait son apparition dans son travail au cours des quatre dernières années puisqu’il a appris la technique alors qu’il travaillait dans le Grand Nord québécois. « Pour moi, la suture est un moyen de guérir, de réparer et représente la cicatrice », ajoute-t-il. 

Yannick présente également, dans le cadre de cette exposition, le matériel qu’il utilise, mélangeant ainsi celui de l’artiste et celui de guérison. Bien qu’il se dise artiste avant tout, ayant une sensibilité, étant intéressé par l’humain, à la relation et la rencontre avec l’autre, il confie que c’est par peur de ne pas avoir de travail qu’il a fait ses études de nursing. Son travail hospitalier lui permet donc une certaine sécurité qui lui donne la chance de s’épanouir artistiquement. Mais les deux s’amalgament et s’alimentent de plus en plus dans ses œuvres et il ne craint plus de s’afficher dans ses deux rôles qui donnent un sens à sa démarche. D’ailleurs, de savoir d’où il vient permet de mieux comprendre les œuvres et la profondeur qu’elles ont.

Le souvenir, la trace, la conservation sont autant de concepts qu’il intègre dans sa pratique qui est axée aujourd’hui sur le dessin et l’estampe.

Chaque œuvre est songée et on peut voir, dans l’exposition présentée, tout le chemin qu’il a parcouru jusqu’à maintenant et tout le sens que prend la route de cet artiste-soignant ou soignant-artiste. D’ailleurs, Yannick rappelle que ce projet qu’il offre chez Atoll, il y travaille depuis 18 ans maintenant.

Il s’agit donc d’une exposition très personnelle pour l’artiste et intéressante pour le visiteur qui aborde de façon respectueuse la vie, la mort, les rituels, la mémoire, avec des matériaux qui y sont reliés.