« L’Anthroposème » : un mini-golf artistique pour « Semer l’art » et la réflexion

Dans le cadre de la programmation estivale du Centre d’art Jacques-et-Michel-Auger du Carré 150, le collectif Arsenal Imagine, formé de Myriam Lafae et Joffrey Corboz, présente jusqu’au à la fin du mois d’août son installation artistique, intitulée « L’Anthroposème », qui se veut en fait un mini-golf artistique. Rencontré à la place Sainte-Victoire de Victoriaville où il a installé sa création, le duo a expliqué sa démarche.

Pour commencer, le titre de l’œuvre, « Anthroposème », s’inspire du mot anthropocène. « Parce que les sujets qu’on touche dans les six trous de mini-putt (six œuvres d’art) se rapportent à l’anthropocène », commence Myriam. En fait, ce mot fait référence à une époque géologique qui a comme principale caractéristique l’avènement des humains comme principale force de changement sur Terre.

Les œuvres expriment ainsi le fait de l’humain et ses impacts sur la planète. « On parle de surproduction de matières, de surconsommation, de l’obsolescence programmée, de l’industrie automobile. Et tous les matériaux utilisés dans la création de ce projet sont recyclés », ajoutent les deux artistes.

Ils sont allés ainsi à l’écocentre, dans les friperies et même dans les poubelles ou chez des voisins afin de trouver tous les objets qui viennent transformer les trous de mini-golf, trouvés par ailleurs grâce à une petite annonce.

Le choix du mini-golf comme thème principal s’explique par le fait que ce sport est bien connu de tous, accessible et, il faut le reconnaître, bien populaire à Victoriaville. « Mais aussi, un aspect de l’anthropocène est la domestication du territoire, de la nature, à des usages pour les humains », souligne Myriam en ajoutant que le golf est un sport qui prend énormément de territoire, qui domestique le gazon et met beaucoup d’efforts afin que rien d’autre n’y pousse. « Le culte du gazon qui est relié au rêve américain », ajoute-t-elle.

Sensible à la question autochtone, le duo soulève aussi le fait que la crise d’Oka, en 1990, impliquait l’agrandissement d’un terrain de golf sur une forêt ancestrale d’une communauté. Se retrouvent donc le ludique et une sensibilisation à des enjeux sociaux, réunis dans le même projet artistique. 

Celui-ci, installé tout près de la piste cyclable, attire donc les regards des passants, petits et grands qui s’arrêtent, regardent s’interrogent et posent des questions.

Outre l’appréciation visuelle des six œuvres, les gens sont invités, les jeudis et dimanches à des heures précises, à venir faire le parcours. Pour cela, les joueurs utilisent des balles d’argile remplies de semences (utilisées pour semer des terrains où rien ne pousse), pour semer l’art, mais aussi la réflexion. Celles-ci sont également fabriquées par des participants dans le cadre d’une activité de médiation culturelle.

Chaque trou a son thème bien précis. Le premier s’intitule « Classe nature ». Il se compose d’un pupitre qui fait face à une souche d’arbre mort sur lequel « poussent » des objets électroniques et qui agit un peu à titre d’enseignant. Le second trou, « Jeux de société », est constitué de trois sculptures de jouets de plastique peints, ces derniers qu’on peut qualifiés de « genrés ». Une première créée avec des jouets conçus spécifiquement pour les filles, la seconde pour les garçons et la troisième est formée de jouets de guerre. En plus du formatage, selon le genre, l’œuvre questionne la surproduction de jouets de plastique faits à partir de pétrole.

Ensuite, le troisième trou de mini-golf se veut un temple en rapport avec les sciences et les différents arts, dans une quête d’effectuer une transition positive sur Terre. Des objets indigènes amènent à se rappeler des connaissances des anciens (les sagesses millénaires). C’est « Le tapis rouge de l’or noir » qui poursuit le parcours, en mettant en vedette le culte relié au pouvoir du pétrole.

Suit un trou qui s’inspire de la pollution des océans avec tout le chimique des aliments qu’on nous vend. L’œuvre est encore en création. 

Pour terminer, le sixième trou est davantage végétal, alors la nature reprend ses droits. C’est d’ailleurs là où les joueurs seront invités à planter leur balle de semences. Il représente en fait la verdure qui se manifeste à travers les abîmes sociétaux, comme le dit si bien Joffrey.

Ils ont mis huit jours, à temps plus que complet, pour mettre en place l’œuvre et continuent de la peaufiner. Le collectif Arsenal Imagine poursuit aussi ses interactions avec la population. Certains y viennent pour le côté ludique simplement et d’autres voient davantage l’œuvre d’art derrière le trou de mini-golf.